Politique de lutte contre l’obésité : nous sommes tous impliqués !

Comparaison des corrélations entre l’environnement, les politiques de santé et l’obésité en Europe

Le fardeau de l’obésité

Bien que dans la plupart des pays d’Europe, la prévalence de l‘obésité reste inférieure à celle des Etats-Unis, le Groupe de Travail International sur l’Obésité (International Obesity Task Force – IOTF), indique qu’elle a néanmoins beaucoup progressé durant cette dernière décennie dans “le Vieux Continent”(1). En Europe, on estime que les complications de l’excès de poids représenteraient 7-8 % du fardeau total des maladies(2) et environ 1-5 % des dépenses totales de santé(3).

Mieux comprendre les aspects environnementaux

Du fait d’une prévalence accrue et des complications coûteuses, l’obésité ne peut plus être considérée comme un problème purement médical mais comme un véritable menace pour la santé publique, nécessitant des stratégies nationales et mondiales de prévention et de soins(3). Plusieurs experts déclarent que les interventions actuelles pour prévenir l’obésité ont eu peu de succès car elles ont une approche traditionnelle de modification du comportement individuel, alors qu’un changement de paradigme pour mieux comprendre les aspects environnementaux de l’obésité serait nécessaire pour inverser cette tendance(4). Cela implique des interventions ciblant les individus, les familles, les communautés et les institutions politiques.

Politiques et obésité : des liens mal connus

Bien que la communauté scientifique soit d’accord sur le rôle majeur que joue l’environnement actuel dans le développement de l’obésité(4), on sait peu de choses sur l’impact des facteurs environnementaux sur l’obésité. Les études existantes montrent des associations entre le risque d’obésité et la faible disponibilité et la faible consommation de fruits et légumes, la stigmatisation des obèses dans la communauté, l’absence d’espaces de loisirs de proximité, l’absence de trottoirs, l’augmentation des trajets en voiture, la diminution de la marche à pied ou le fait de ne pas avoir un véhicule constamment à disposition, de résider dans un quartier où on ne peut marcher ou au contraire un quartier très étendu ou de résider dans une zone d’urbanisation uniforme(5-11).
Cependant, la portée de ces études se limite au micro-environnement des individus et elles ne fournissent aucune information sur les tendances et les corrélations à l’échelle européenne.
En dépit du rôle largement admis des politiques gouvernementales sur de nombreux comportements liés à la santé(12), les liens entre la politique et les risques d’obésité ne sont pas bien connus. Des changements de politiques peuvent guider les choix individuels et constituer un bon complément pour les interventions au niveau individuel. Elles peuvent influencer la vie de nombreuses personnes, toucher des groupes difficiles à atteindre par les voies traditionnelles, avoir des effets plus durables sur les modifications comportementales en façonnant les normes sociales et même être rentables(4).

Quand la disponibilité des fruits et légumes est inversement associée à l’obésité(13)

Dans une étude environnementale pilote, nous avons examiné la prévalence de l’obésité en relation avec des indicateurs d’environnement physique, économique et politique dans 24 pays européens entre 1997 et 2002.
Rapporter tous les résultats sortirait du cadre de cet article. Néanmoins, il est intéressant de noter que la disponibilité des fruits et légumes semble jouer un rôle important : une plus faible prévalence d’obésité à été retrouvée dans les pays où la disponibilité des fruits et légumes par personne était la plus forte.
Ainsi, un des résultats statistiquement significatifs de l’étude était la relation négative entre l’obésité masculine et la disponibilité des fruits et légumes.
Cependant, nos résultats indiquent également qu’une plus grande disponibilité des graisses serait également corrélée à une moindre prévalence d’obésité, ce qui va à l’encontre de notre hypothèse de départ…

Les politiques ont un rôle à jouer

L’ensemble des indicateurs de politiques gouvernementales sur les différents aspects de la qualité de gouvernance montrait de solides associations avec l’obésité, notamment chez les femmes. Ces résultats suggèrent qu’il existe un faible niveau d’obésité dans les pays caractérisés par l’existence de médias indépendants et “d’un gouvernement ayant une plus grande aptitude à formuler et à instaurer des mesures appropriées”(14). La complexité de ces indicateurs politiques rend difficile leur interprétation, cependant, nous suggérons qu’un gouvernement stable et efficace permettrait aux leaders politiques de se focaliser sur les problèmes clés de santé publique.

Des recherches ultérieures devraient examiner le rôle des environnements obésogènes, y compris les facteurs liés aux mesures gouvernementales (par exemple, la disponibilité et le coût réduit des fruits et légumes) en se focalisant sur les différences hommes-femmes.

Borsika Rabin
Université de Saint Louis, Ecole de Santé Publique, Saint Louis, MO, USA
Tegan Boehmer
Université de Saint Louis, Ecole de Santé Publique, Saint Louis, MO, USA
Ross Brownson
Université de Saint Louis, Ecole de Santé Publique, Saint Louis, MO, USA
  1. Skidmore PM, Yarnell JW. The obesity epidemic: prospects for prevention. Qjm 2004;97(12):817-25.
  2. Pomerleau J, McKee M, Lobstein T, Knai C. The burden of disease attributable to nutrition in Europe. Public Health Nutr 2003;6(5):453-61.
  3. Visscher TL, Seidell JC. The public health impact of obesity. Annu Rev Public Health 2001;22:355-75.
  4. Swinburn B, Egger G, Raza F. Dissecting obesogenic environments: the development and application of a framework for identifying and prioritizing environmental interventions for obesity. Prev Med 1999;29(6 Pt 1):563-70.
  5. Frank LD, Andresen MA, Schmid TL. Obesity relationships with community design, physical activity, and time spent in cars. Am J Prev Med 2004;27(2):87-96.
  6. Ewing R, Schmid T, Killingsworth R, Zlot A, Raudenbush S. Relationship between urban sprawl and physical activity, obesity, and morbidity. Am J Health Promot 2003;18(1):47-57.
  7. Giles-Corti B, Macintyre S, Clarkson JP, Pikora T, Donovan RJ. Environmental and lifestyle factors associated with overweight and obesity in Perth, Australia. Am J Health Promot 2003;18(1):93-102.
  8. Saelens BE, Sallis JF, Black JB, Chen D. Neighborhood-based differences in physical activity: an environment scale evaluation. Am J Public Health 2003;93(9):1552-
  9. Catlin TK, Simoes EJ, Brownson RC. Environmental and policy factors associated with overweight among adults in Missouri. Am J Health Promot 2003;17(4):249-58.
  10. Sahyoun NR, Zhang XL, Serdula MK. Barriers to the consumption of fruits and vegetables among older adults. J Nutr Elder. 2005;24(4):5-21.
  11.  Linde JA, Utter J, Jeffery RW, Sherwood NE, Pronk NP, Boyle RG. Specific food intake, fat and fiber intake, and behavioral correlates of BMI among overweight and obese members of a managed care organization. Int J Behav Nutr Phys Act. 2006 Nov 26;3:42.
  12. Nestle M, Jacobson MF. Halting the obesity epidemic: a public health policy approach. Public Health Rep 2000;115(1):12-24.
  13. Rabin BA, Boehmer TK, Brownson RC. Cross-national comparison of environmental and policy correlates of obesity in Europe. Eur J Public Health 2006 (in press)
  14. Kaufman D, Kraay A, Mastruzzi M. Governance Matters III: Governance Indicators for 1996-2002. World Bank Policy Research Working Paper No. 3106. http://ssrn.com/abstract=405841
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