COVID-19 et alimentation

COVID-19 et état nutritionnel : le lien manquant ?

La pandémie de COVID-19 s’est rapidement répandue dans le monde. En juin 2020, 6 millions de cas ont été recensés, dont plus de 371 000 décès.

L’infection présente un large spectre, allant de l’asymptomatique au développement d’une pneumonie grave, du syndrome de détresse respiratoire aiguë et de la mort. Selon des données sur 72 314 patients atteints de COVID-19 la prévalence des cas légers, sévères et critiques était respectivement de 81 %, 14 % et 5 %. Fièvre, toux, fatigue, douleurs musculaires, diarrhée et pneumonie sont les manifestations les plus courantes et peuvent évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë, une acidose métabolique, un choc septique, un trouble de la coagulation et une insuffisance organique touchant le foie, les reins et le cœur.

La première réaction contre l’infection est le déclenchement de réponses immunitaires innées rapides et synchrones. Une réaction excessive peut endommager les tissus. L’agression hyper inflammatoire des poumons, induite par une activation immunitaire disproportionnée et une coagulopathie, favorise l’aggravation de la maladie.
En modulant l’inflammation et la fonction immunitaire, l’état nutritionnel pourrait avoir un impact sur l’infection.

État nutritionnel et COVID-19

Obésité
Dans diverses unités de soins intensifs, 48 % des patients COVID-19 étaient obèses. L’obésité est associée à la mortalité et
à la gravité de la maladie. Les obèses sont 2 fois plus susceptibles d’avoir besoin de soins intensifs et présentent un risque accru d’événements thrombotiques aggravant l’évolution. L’obésité perturbe la physiologie pulmonaire et est corrélée au besoin de ventilation mécanique invasive. Elle est caractérisée par un excès de tissu adipeux blanc doté de fonctions immunologiques, endocriniennes et métaboliques. Une inflammation chronique à bas bruit s’y associe. L’activation de cytokines inflammatoires dans le tissu adipeux en excès altère la réponse immunitaire aux infections. Une réponse pro et anti-inflammatoire équilibrée est cruciale. La perte de l’une des deux provoque une réponse inflammatoire exacerbée dans le poumon et le tissu adipeux. L’obésité favoriserait une excrétion accrue du virus et une propagation plus rapide, facilitant la transmission du SRAS-CoV-2.

Les obèses courent un risque plus élevé de comorbidités (diabète de type 2, HTA, maladies cardiovasculaires) associées à la progression de la maladie. Les concentrations de bio marqueurs inflammatoires sont considérablement plus élevées chez les diabétiques qui, s’ils sont infectés, ont un risque plus élevé de développer une « tempête de cytokines » et un pronostic plus sévère. Pour réduire ce risque, les diabétiques, a fortiori obèses, doivent maintenir un contrôle glycémique strict et recevoir des soins pour stabiliser leur état cardiaque/ rénal.

Sous-nutrition
La malnutrition, la dénutrition et les carences en certains nutriments sont liées à un risque accru de maladies infectieuses car la demande énergétique et nutritionnelle est augmentée pendant l’infection. Sous et suralimentation ont un impact sur la masse du tissu adipeux, crucial dans le maintien de la défense immunitaire, en modulant les facteurs qu’il sécrète (hormones et cytokines). En cas de famine, l’activation des cellules immunitaires est limitée, ce qui réduit la consommation de nutriments et rend le corps plus vulnérable aux infections. Le système digestif peut être affecté, entraînant des troubles gastro-intestinaux et une altération de l’état nutritionnel. Anorexie, diarrhée (50 %), vomissements, nausées et douleurs abdominales ont été rapportés chez des patients COVID-19. L’anorexie et la diarrhée contribuent à un déséquilibre nutritionnel et à un retard dans la récupération (en particulier chez les patients en
malnutrition, dont les personnes âgées).

Sarcopénie
La sarcopénie est définie par une diminution de la force musculaire, de la quantité/ qualité musculaire et de mauvaises
performances physiques. Elle est favorisée par l’inflammation. La sarcopénie peut affecter les personnes de poids normal en bonne santé et en surpoids/ obèses.
La sarcopénie est également liée à une diminution de l’activité physique. Ceci est extrêmement important en termes de pandémie COVID-19, car de nombreuses personnes restent à la maison et sont physiquement inactives. L’immobilité prolongée en cas d’hospitalisation provoque une fonte musculaire dès la première semaine, ce qui est encore pire chez les personnes atteintes de la forme sévère de la maladie.

L’épidémie de COVID-19 pose un défi pour tous les systèmes de santé du monde. En l’absence de thérapeutique spécifique, les pays prennent des mesures énergiques pour contenir la propagation du virus. Les changements des habitudes alimentaires et du mode de vie, dus au confinement et à l’isolement social, peuvent altérer l’état nutritionnel et favoriser l’obésité. Des habitudes saines sont importantes pour assurer une réponse immunitaire optimale pour prévenir et/ ou traiter la dénutrition, l’obésité et ses complications. Des conseils clairs sur l’impact de l’état nutritionnel sur la sévérité du COVID-19 doivent être fournis pour alerter la population.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Daprès : Silverio R, et al. Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) and Nutritional Status: The Missing Link? Adv Nutr. 2020; 00:1-11.
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