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Des pommes et des myrtilles pour les seniors

Le vieillissement est associé à de nombreuses pathologies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson) dont les causes sont mal connues. Divers mécanismes cellulaires et moléculaires sont impliqués : le stress oxydant, la dysfonction mitochondriale, l’apoptose neuronale, les dépôts d’agrégats protéiques… Les traitements actuels n’étant pas capables de prévenir la dégénérescence neuronale, on recherche des thérapies pouvant prévenir la perte progressive de populations neuronales.

De nombreuses recherches portent sur les stratégies visant à combattre le stress oxydant cérébral. Dans ce domaine, les polyphénols (des métabolites secondaires des végétaux qui sont de puissants antioxydants in vitro), suscitent un grand intérêt. Divers travaux ont démontré des effets bénéfiques de fruits et des boissons, comme le jus de raisin, le thé, le cacao et les myrtilles, tous riches en polyphénols de la famille des flavonoïdes, sur la protection vasculaire, la mémoire et l’apprentissage.

Des concentrations extrêmement faibles dans le cerveau

Historiquement, si les effets bénéfiques des flavonoïdes sur le cerveau sont attribués à leurs capacités antioxydantes, cette propriété est discutée in vivo, notamment dans le cerveau, où ils ne sont présents qu’à de très faibles concentrations. Ils pourraient agir en protégeant les neurones vulnérables, en stimulant le débit sanguin cérébral et en induisant la neurogénèse…Des travaux réalisés in vitro ont montré que les flavonoïdes et leurs métabolites sont capables d’induire des voies de signalisation neuronales essentielles pour la plasticité synaptique, et ce à des concentrations extrêmement faibles telles qu’on les trouve dans le cerveau.

Une préservation des performances cognitives avec l’âge

Une étude prospective récente (2007) a montré que l’apport en flavonoïdes alimentaires était associé à une préservation des performances cognitives avec l’âge. De plus en plus d’évidences suggèrent que les flavonoïdes des fruits et des jus de fruits (flavanols, flavanones, anthocyanes) ont la capacité d’améliorer la mémoire. Des interventions réalisées chez l’animal ont montré que le raisin, la grenade, les fraises et les myrtilles améliorent divers aspects de la mémoire et de l’apprentissage : mémorisation lente et rapide, mémoire à court terme et à long terme, capacités d’extraction.

Les fraises et les baies comme les myrtilles et les mûres (particulièrement riches en anthocyanes et en flavanols) ont démontré un effet bénéfique pour retarder la survenue des déficits cérébraux liés à l’âge. Leurs effets apparaissent plus prononcés sur la mémoire à court terme.

La supplémentation en myrtilles augmente la prolifération des cellules nerveuses

Les changements comportementaux s’associeraient à des modifications au niveau cellulaire. Ainsi, l’amélioration de la mémoire spatiale chez le rat, secondaire à l’ingestion de flavanols et d’épicatéchines (pommes, poires, raisin et baies), est associée à une augmentation de l’angiogenèse et de la densité neuronale des noyaux dentelés de l’hippocampe (impliqués dans le déclenchement des mouvements et la représentation spatiale). Or, cette structure est particulièrement sensible aux effets du vieillissement. Il a été démontré qu’une supplémentation en myrtilles augmentait la prolifération des cellules nerveuses dans le noyau dentelé des rats âgés. Le lien entre la neurogénèse au niveau du noyau dentelé, les performances cognitives et le vieillissement est bien documenté. Cela pourrait représenter un autre mécanisme par lequel les flavonoïdes des fruits pourraient améliorer la mémoire en agissant sur l’hippocampe.

Encore beaucoup d’inconnues subsistent

A l’heure actuelle, on ne peut pas affirmer que les flavonoïdes sont les seuls responsables des effets in vivo des fruits qui en sont riches. On ne sait pas non plus si ces polyphénols induisent des changements morphologiques et fonctionnels globaux ou plus spécifiques, sur certaines régions précises de l’hippocampe. En outre, on ne peut pas encore établir de relation de causalité entre la consommation de flavonoïdes et les changements comportementaux observés. Il faudrait étayer ces travaux sur les effets des flavonoïdes sur le cerveau par des mesures dynamiques in vivo, à l’aide de techniques comme l’IRM fonctionnelle cérébrale… Les chercheurs ont encore de quoi stimuler leurs neurones !

En attendant, il est raisonnable – et sans doute intelligent – de penser qu’une consommation régulière de fruits riches en flavonoïdes tout au long de la vie peut être un moyen simple et naturel de retarder les effets du vieillissement sur la mémoire et le cerveau.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Spencer J.P.E., The impact of fruit flavonoids on memory and cognition, British Journal of Nutrition, (2010), 104, S40-47
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