« Alimentation des femmes en Australie »

Pourquoi certaines femmes de milieux défavorisés mangent-elles mieux que d’autres ?

La résilience : un phénomène à étudier

Si certaines femmes ayant un statut socioéconomique (SSE) faible ont tendance à consommer une alimentation moins saine que celles de statuts plus élevés, cela ne veut pas dire que toutes les femmes de faibles SSE mangent mal 1-2. Si l’on veut promouvoir la nutrition dans les groupes de faibles SSE, il y a sans doute des leçons à tirer des résultats des tels efforts de promotion dans les groupes défavorisés. En particulier, l’étude des données individuelles des personnes de faibles SSE qui, malgré tout, consomment des quantités normales de fruits et légumes, peut éclairer. Ce phénomène, nommé “résilience” 3, pourrait nous aider à combattre les inégalités socioéconomiques en nutrition.

Comprendre la résilience de ces femmes est particulièrement important. Les femmes ont naturellement tendance à manger moins que les hommes. En conséquence, elles risquent de ne pas satisfaire les recommandations clés pour une alimentation saine. En outre, malgré des changements significatifs dans le monde du travail ces dernières années, les femmes conservent un rôle de régulateur de l’alimentation dans leur famille et peuvent influencer l’alimentation des autres membres.

Les modèles socio écologiques de comportements sains 4 suggèrent que les variations individuelles (nutrition, connaissances en diététique, forte autonomie pour une alimentation saine, plaisir à cuisiner), sociales (soutien à la consommation des fruits et légumes par la famille et les amis), les facteurs environnementaux subjectifs (coût perçu des fruits et légumes) et objectifs (distance entre la résidence et les magasins de fruits et légumes) expliqueraient beaucoup de gradients SSE d’une alimentation saine chez ces femmes 2, 5-9.

Plutôt que de se focaliser sur les gradients SSE pour une alimentation plus saine, cette étude s’intéresse aux déterminants de la résilience de la consommation des fruits et légumes, chez les femmes de faibles SSE exclusivement.

Priorité aux perceptions du coût, de la disponibilité et du goût des fruits et légumes

Les données d’une enquête menée auprès de 355 femmes de faibles SSE (âge moyen : 49,5 ans) ont révélé que certaines femmes « résilientes » étaient de fortes consommatrices de fruits (53%) et de légumes (30%).

  • Les femmes plus âgées, suivant un régime, préférant les fruits, ayant conscience qu’une vaste gamme de choix alimentaires sains étaient possible localement et percevant comme plus faibles les coûts des fruits, avaient plus de probabilités d’être de fortes consommatrices de fruits.
  • Les femmes qui avaient un IMC élevé et qui avaient conscience qu’une grande gamme d’options alimentaires saines étaient disponibles localement étaient plus susceptibles d’être de fortes consommatrices de légumes.

Une meilleure compréhension des mécanismes sous jacents d’une alimentation saine est donc un pré-requis majeur pour l’amélioration de la santé nutritionnelle des femmes de faibles SSE.
Que tirer de tels résultats ? Que les stratégies ciblant la consommation des fruits et légumes chez les femmes de faibles SSE devraient se focaliser en priorité sur les perceptions du coût, de la disponibilité et du goût des fruits et légumes. Question d’éducation et de prise de conscience concernant :

  • les moindres coûts des fruits et légumes par rapport aux autres snacks et aliments,
  • les opportunités de goûter à une large variété de fruits (par ex. grâce à des échantillons offerts en magasin, sur un stand de dégustation)
  • les informations sur les disponibilités locales d’aliments sains (liste de choix possibles pour les repas pris à l’extérieur, détails sur les emplacements où des produits frais de haute qualité sont disponibles localement).

Adapter les interventions nutritionnelles en prenant en compte les différences d’âge, les stratégies individuelles de contrôle du poids et la corpulence pourraient également être bénéfiques.

Lutter contre les inégalités socio-économiques de nutrition et de santé.

En conclusion, toutes les femmes de faibles SSE ne consomment pas de faibles quantités de fruits et légumes. Selon notre étude, de nombreux facteurs affectant la consommation des fruits et légumes chez ces femmes pourraient être modifiés. Les définir représentera un outil précieux dans le développement de nouvelles stratégies de promotion nutritionnelle.

Des travaux supplémentaires visant à mieux comprendre les déterminants de la consommation des fruits et légumes chez les femmes de faibles SSE permettront sans doute de lutter efficacement contre les inégalités socio-économiques en terme de nutrition et de santé.

Lauren Williams
Centre de Recherche sur l’Exercice Physique et la Nutrition (Center for Physical Activity and Nutrition Research - C-PAN) Ecole des Sciences de l’Activité Physique et de la Nutrition - Australie
Kylie Ball
Institut pour l’Activité Physique et la Nutrition, Ecole des Sciences de l’Exercice et de la Nutrition, Université de Deakin, AUSTRALIE
David Crawford
Centre de Recherche sur l’Activité Physique et la Nutrition Université Deakin - Australie
  1. Bihan H et al. J Nutr. 2010 Apr;140(4):823-30.
  2. Inglis V et al. J Epidemiol Community Health. 2008 Mar;62(3):191-7.
  3. Ball K & Crawford D. Asia Pac J Clin Nutr. 2006;15 Suppl:15-20.
  4. Stokols D. American Journal of Health Promotion. 1996;10(4):282-98.
  5. Kamphuis CB et al. Health Place. 2007 Jun;13(2):493-503.
  6. Ball K et al. Public Health Nutrition. 2006;9(5):623-30.
  7. Anderson ES et al. Ann Behav Med. 2007 Nov-Dec;34(3):304-12.
  8. Kamphuis CB et al. Br J Nutr. 2006 Oct;96(4):620-35.
  9. Inglis V et al. Appetite. 2005 Dec;45(3):334-43.
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