Le fossé entre les recommandations et les consommations réelles (en Europe)

Du Pnns à l’Enns où en est la France ?

PNNS : une vraie dynamique de santé publique

Mis en œuvre depuis 2001 en France, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a pour objectif de réduire le poids des maladies chroniques liées à l’alimentation, en agissant sur la nutrition de la population. Différentes actions de santé publique ont été menées : campagnes publicitaires dans les média, diffusion de recommandations soulignant l’importance de la nutrition et de l’activité physique… Ces opérations requièrent un suivi du type évaluation des procédures et études épidémiologiques.

ENNS : un outil de surveillance nutritionnelle

L’Etude Nationale Nutrition Santé (ENNS) a pour objectif de décrire la consommation alimentaire, l’activité physique et l’état nutritionnel d’un échantillon national d’adultes et d’enfants, en fonction des recommandations nationales actuelles. Cette étude est basée sur une enquête transversale, utilisant un échantillonnage à plusieurs degrés (ENNS). Au total, ce sont 3115 adultes âgés de 18 à 74 ans (taux de participation : 59,7%) et 1675 enfants âgés de 3 à 17 ans (67,9%) qui ont participé à cette enquête, entre février 2006 et mars 2007.

Les consommations en énergie, macronutriments et aliments ont été estimées par trois rappels de 24 heures répartis de manière aléatoire, puis comparées aux recommandations du PNNS.

L’activité physique a été décrite en utilisant les recommandations IPAQ « International Physical Activity Questionnaire » pour les individus de 15 à 74 ans, et des questionnaires adaptés à l’âge pour les enfants de 3 à 14 ans. Les données anthropométriques des adultes et des enfants, la tension artérielle et les données biochimiques des adultes ont été évaluées selon des standards nationaux et internationaux.

Une alimentation de meilleure qualité chez les femmes que chez les hommes

Chez les adultes, les consommations estimées en comparaison des recommandations actuelles, sont souvent inadéquates pour les glucides, (>50% : 26,4%), les acides gras saturés (<35% de lipides totaux : 18,5%) et les fibres totales (>25g/j : 13,7%). Alors que la consommation globale de « viande, produits de la mer, œufs » est satisfaisante, celle des Fruits et Légumes (F&L) (≥400g/j : 43,8%) et de produits de la mer (≥2 portions/ semaine : 29,9%) est fréquemment trop faible. Le niveau d’activité physique est satisfaisant (catégories IPAQ modérées et hautes) chez 63,2% des sujets.

Un surpoids (IMC≥25 kg/m²) a été noté chez 49,3% des adultes (dont 16,9% étaient obèses, IMC≥30 kg/m²), une hypertension artérielle (tension artérielle élevée et/ou consommation d’antihypertenseurs) chez 30,9% et une dyslipidémie chez 44,1% (valeurs anormales de triglycérides, LDL- et HDL-cholestérol, et/ou usage de médicaments hypolipémiants). Des déficits en vitamines et en fer ont été retrouvés chez moins de 10% des adultes. Les comportements alimentaires et l’état nutritionnel varient selon le sexe et l’âge : l’alimentation est de meilleure qualité chez les femmes que chez les hommes, ainsi que chez les 55-74 ans comparés aux 18-29 ans. De plus, bien que les hommes soient généralement davantage concernés par les risques cardiovasculaires, ces derniers augmentent également avec l’âge.

Des enfants trop sédentaires

Chez les enfants, les données sur l’alimentation ne sont guère différentes. On note cependant des comportements insatisfaisants plus fréquents. En particulier, seulement 19,7% des enfants consomment au moins 400 g/j de F&L. De plus, la moitié des enfants âgés de 3 à 17 ans consomment moins de 3 produits laitiers par jour et 28,2% seulement consomment des produits de la mer plus de 2 fois par semaine.

Bien qu’il existe quelques différences entre les garçons et les filles, les comportements alimentaires varient selon les tranches d’âge, en particulier concernant les graisses saturées (trop élevées chez les 3-10 ans), la faible consommation de produits laitiers et de calcium (chez les jeunes filles âgées de 15 à 17 ans) et une consommation trop élevée de sel (chez les garçons âgés de 15 à 17 ans).

De façon générale, on observe un style de vie sédentaire, avec en moyenne 3 heures par jour passées devant la télévision ou un écran d’ordinateur. Enfin, 17% des enfants sont en surpoids, dont 3,4% obèses.

Et les jeunes générations ?

Selon cette enquête ENNS, la nutrition en général reste un problème en France. Comparer ces données à celles provenant d’autres pays pourrait contribuer à une meilleure compréhension des variations observées dans les maladies liées à la nutrition. La situation intermédiaire de la France (entre les régimes occidentaux et méditerranéens, déjà documentés) pourrait ne plus exister pour les jeunes générations de Français.

Katia Castetbon
Université libre de Bruxelles, Ecole de Santé Publique, Centre de Recherche « Epidémiologie, Biostatistique et Recherche Clinique », BELGIQUE
Michel Vernay
Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle, Institut de veille sanitaire, Université Paris XIII - France
Aurelie Malon
Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle, Institut de veille sanitaire, Université Paris XIII - France
Benoit Salanave
Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle, Institut de veille sanitaire, Université Paris XIII - France
Valerie Deschamps
Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle, Institut de veille sanitaire, Université Paris XIII - France.
Serge Hercberg
Université Paris 13, Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN), Centre de Recherche en Epidémiologie et Statistiques, Inserm (U1153), Inra(U1125), Cnam, COMUE Sorbonne Paris Cité, F-93017 Bobigny, FRANCE & Département de Santé Publique, Hôpital Avicenne (AP-HP), F-93017 Bobigny, FRANCE

* Les résultats concernant les adultes ont été publiés dans le British Journal of Nutrition (2009; 102: 733-43).

Ceux des enfants sont également disponibles en français sur le site : www.invs.sante.fr, dossier thématique “Nutrition et santé”.

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