Le fossé entre les recommandations et les consommations réelles (en Europe)

Une pomme avant le repas : une nouvelle façon de maigrir ?

Réduire l’apport énergétique tout en augmentant la satiété est une stratégie efficace pour perdre du poids. La forme sous laquelle on consomme un aliment (solide, purée, liquide) peut affecter la prise énergétique, même si les données de la littérature ne sont pas toujours concluantes. En revanche, de nombreuses études suggèrent que les aliments solides sont plus satiétogènes que les liquides. Ainsi, consommés entiers, les pommes, les oranges ou le raisin réduisent d’avantage la faim qu’une quantité équivalente sous forme de jus. On dispose de peu de données sur la manière dont les différences de satiété, liées à la forme de consommation du fruit, peuvent affecter la prise énergétique au cours d’un repas.

Cette étude s’y intéresse.

L’équipe de Barbara Rolls, célèbre pour ses travaux sur la régulation de l’appétit, vient de réaliser une nouvelle étude. Son but : déterminer si les formes sous lesquelles des aliments sont consommés, affectent la satiété et la prise alimentaire, indépendamment de leur contenu en fibres ou de leur densité énergétique. Autre objectif : étudier si la consommation d’un fruit, de faible densité énergétique, affecte la satiété et la prise énergétique au cours d’un repas. Cette équipe a déjà démontré que la prise d’une soupe ou d’une crudité en début de repas a un effet satiétogène. Ici, on a testé l’effet sur la satiété et le contenu énergétique d’un repas, de diverses pré-charges en fruits, équivalentes en termes d’apport calorique, de poids, de densité énergétique et de teneur en fibres.

Des pommes sous différentes formes

Ces pré-charges étaient à base de pommes, consommées en quartiers épluchés, en compote, en jus ou en jus enrichis en fibres (pectine). Une soixantaine de sujets (30 hommes, 28 femmes), âgés en moyenne de 27 ans, ont été sélectionnés dans une communauté universitaire. Ils ne prenaient pas de traitement pouvant affecter le poids ou l’appétit, consommaient 3 repas par jour, ne suivaient pas de régime et n’avait pas de restriction sur certains aliments. A l’aide de questionnaires, on avait exclu les sujets déprimés ou présentant des troubles du comportement alimentaire. Leur IMC moyen était de 23 à 24 kg/m².

Au cours de cette étude, sensée « examiner les effets de divers aliments et boissons », on les a fait venir en laboratoire toutes les semaines pendant 5 semaines pour prendre un petit déjeuner et un déjeuner. Il s’agissait d’un petit déjeuner standard américain, composé de baggels et de yaourt, consommés ad libitum.

Le déjeuner était programmé 3 heures après. Avant, on leur servait soit l’une des 4 pré-charges (pomme, compote, jus de pommes avec fibres, jus de pommes sans fibres) soit aucune précharge (sujets contrôles). Quinze minutes plus tard, un repas leur était servi (tortellinis au fromage et à la sauce tomate) avec un litre d’eau. Les sujets pouvaient manger et boire autant qu’ils le souhaitaient. Les 4 types de pré-charges à base de pommesétaient équivalentes en poids (266g), contenu calorique (125 kcal), teneur en fibres (4,8g sauf un des jus) et densité énergétique. Seule la forme changeait.

Au cours de chacune des 5 sessions tests, les niveaux de faim, de soif et satiété ont été évalués par des échelles visuelles analogiques, avant et après : petit déjeuner, pré-charge et déjeuner.

Une réduction de la consommation calorique globale de 15%

Selon les conditions expérimentales, la consommation du repas test s’est révélée différente. Les sujets ont consommé significativement moins de calories au déjeuner après les quartiers de pommes qu’après la compote ou les 2 types de jus. Ils ont également consommé moins de calories après la prise de compote que de jus. En comparaison des sujets contrôles, les sujets qui avaient reçu une pré-charge ont consommé moins de calories au cours du repas test. Globalement, les hommes ont consommé plus de calories que les femmes.

En incluant l’apport énergétique représenté par la pré-charge, la réduction de consommation calorique globale a été plus importante avec les quartiers de pommes qu’avec la compote ou, à plus forte raison, les deux types de jus de pommes. En comparaison des contrôles, les sujets qui avaient consommé des quartiers de pommes avant le repas on réduit leur apport calorique global de 15%. Le score de faim était plus réduit après la consommation de pommes que de compote et de jus. Les niveaux de satiété après la consommation de quartiers de pommes étaient plus élevés qu’après la prise de compote et de jus. Concernant le degré de satisfaction des sujets, celui-ci était plus élevé après la prise de pommes ou de jus qu’après la consommation de compote ou de jus enrichi en fibres.

Au choix : une soupe, une salade ou un fruit ?

Cette étude démontre bien que selon sa forme, la consommation d’un fruit en début de repas a une influence significative sur le niveau de satiété et la consommation calorique au cours du repas. Ainsi, consommer une pomme en début de repas peut être une façon d’augmenter la satiété tout en réduisant la consommation énergétique totale du repas. En outre cette étude montre que cette influence du fruit sur la prise calorique totale est indépendante de son contenu en fibres (on n’a constaté aucune différence de satiété entre la consommation de jus de pommes avec ou sans fibres ajoutées).

Il faut, bien sûr, vérifier ces données sur des études à plus long terme. On peut cependant dire que manger un fruit en début de repas est aussi efficace que de consommer une soupe ou une salade pour réduire la consommation calorique totale. Et, sans doute, pour perdre du poids…

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
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