Le fossé entre les recommandations et les consommations réelles (en Europe)

Le fossé entre les recommandations et la consommation réelle, en Europe

Les résultats de la dernière Enquête de consommation alimentaire nationale italienne montrent la nécessité d’augmenter la consommation de Fruits et Légumes (F&V) et des légumineuses et diminuer la consommation de viande rouge.

Les habitudes de consommation alimentaire de la population italienne évoluent rapidement. Trois facteurs importants sont à l’origine de ce changement : l’évolution du mode de vie, la disponibilité d’une grande variété de nouveaux aliments très médiatisés et le vieillissement progressif de la population. On peut également citer une augmentation constante des repas pris à l’extérieur de la maison et de la consommation d’aliments prêts à servir1. Ainsi, l’alimentation méditerranéenne traditionnelle, riche en aliments végétaux, est en train de se modifier2.

La troisième enquête nationale italienne de consommation alimentaire

Le Ministère de l’Agriculture italien a financé la troisième enquête nationale de consommation alimentaire, appelée INRAN-SCAI 2005–06, afin d’actualiser les données nutritionnelles. Notre article3 présente les principaux résultats de cette enquête, selon les catégories d’aliments.

L’enquête transversale a été menée sur un échantillon aléatoire de la population italienne, stratifiée selon l’appartenance géographique aux quatre grandes régions de l’Italie (Nord-Ouest, Nord-Est, Centre, Sud et Iles) entre octobre 2005 et décembre 2006. La consommation alimentaire a été auto-évaluée par les sujets sur rappels de trois jours consécutifs à l’aide de questionnaires divisés par repas. Au total, 1329 foyers ont participé à cette enquête, correspondant à 3323 individus (1501 hommes et 1822 femmes), âgés de 0,1 à 97,7 ans.

Certains de ces résultats ont été comparés aux recommandations alimentaires pour la prévention des maladies chroniques.

Pas assez de fruits et légumes chez les adolescents

Pour F&L, la consommation individuelle moyenne était respectivement de 208 g/j et de 210 g/j ce qui satisfait aux recommandations minimales FAO/OMS de 400g de F&L par jour pour la population générale4. Cependant, la consommation quotidienne moyenne de F&L n’était satisfaisante que chez les personnes de plus de 18 ans, mais pas pour les plus jeunes. Chez les adolescents, la consommation moyenne quotidienne de F&L était respectivement de 140 g/j et 190 g/j, c’est-à-dire de moins d’une portion de F&L par jour.

700 grammes de viande rouge par semaine

Récemment, un objectif de consommation de viande rouge(bœuf, porc, mouton, chèvre et celle contenue dans les produits industriels) a été fixé à moins de 300 g/semaine de viande cuite (soit approximativement 400-450 g en poids brut) pour la prévention du cancer colorectal5. La consommation globale de viande rouge dans cet échantillon a été obtenue en additionnant les consommations de viandes fraîches de bœuf et de veau (42,7 g/j), de porc (12,7 g/j) et d’autres comme l’agneau ou le cheval (environ 5 g/j) et les conserves de bœuf et de porc (28 g/j, équivalent à approximativement 40 g du poids brut). Ainsi évaluée, la consommation de viande rouge en poids brut était d’environ 700 g/semaine, ce qui est largement supérieur aux recommandations. En outre, les quantités quotidiennes consommées étaient plus importantes chez les adolescents et les jeunes adultes (137 g/j et 122 g/j respectivement) que chez les hommes âgés (106 g/j).

Par ailleurs, la consommation de légumes était très faible (environ 10 g/j sur l’échantillon global).

Le modèle méditerranéen soutenu par les personnes âgées

D’autres résultats de l’Enquête INRAN-SCAI 2005–06 ont confirmé certains aspects du modèle de consommation alimentaire italienne :

  • un large apport d’huile d’olive pour les graisses,
  • du vin pour les boissons alcoolisées,
  • pain, pâtes et pizzas pour les céréales.

Si le modèle de consommation alimentaire italienne reste donc de type méditerranéen, c’est surtout grâce aux personnes âgées, qui consomment encore une quantité suffisante de F&L et peu de viande. D’autre part, nos résultats suggèrent que les stratégies visant à augmenter la consommation de F&L devraient principalement cibler les adolescents, filles et garçons.

Tenir compte de l’individu et de l’environnement

Une réduction de la consommation de viande rouge pourrait également avoir un impact positif en termes de réduction de gaz à effet de serre et de conservation de l’eau6. Comme source de protéines, on pourrait remplacer la viande par un mélange de céréales et de légumineuses tel qu’il est rencontré dans les plats traditionnels italiens comme les pâtes aux pois chiches, le riz aux lentilles, etc.

Les recommandations faites à la population en faveur d’une alimentation saine devraient promouvoir des habitudes de consommation alimentaire qui tiennent compte non seulement des individus, mais également de l’environnement.

Cinzia Le Donne
Institut national de recherche en alimentation et en nutrition, Rome, Italie
Catherine Leclercq
Institut national de recherche en alimentation et en nutrition, Rome, Italie
  1. Istituto di Servizi per il Mercato Agricolo Alimentare (2007) Consumi Extra Domestici dei prodotti alimentari: Indagine qualitativa II semestre 2006. Rome: ISMEA; available at http://www.ismea.it/flex/cm/pages/ServeBLOB.php/L/IT/IDPagina/2064
  2. Branca F, Nikogosian H & Lobstein T (editors) (2007) The Challenge of Obesity in the WHO European Region and Strategies for Response. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe; available at http://www.euro.who.int/document/E90711.pdf.
  3. Catherine Leclercq, Davide Arcella, Raffaela Piccinelli, Stefania Sette, Cinzia Le Donne and Aida Turrini on behalf of the INRAN-SCAI 2005–06 Study Group (2009) The Italian National Food Consumption Survey INRAN-SCAI 2005–06: main results in terms of food consumption. Public Health Nutr, 12(12):2504-32.
  4. Food and Agriculture Organization of the United Nations/World Health Organization (2002) Diet, Nutrition and the Prevention of Chronic Diseases. Joint WHO/FAO Expert Consultation. WHO Technical Report Series no. 916. Geneva: WHO
  5. World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research (2007) Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer: A Global Perspective. Washington, DC: AICR.
  6. Food and Agriculture Organization of the United Nations (2006) Livestock long shadow. nvironmental issues and options. Rome: FAO. ftp://ftp.fao.org/jourocrep/fao/010/a0701e/a0701e00.pdf (accessed December 2009).
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