Comment encourager les enfants à adopter une alimentation plus saine ?

Effet paradoxal des jeux promotionnels pour les fruits sur la consommation de collations à forte densité énergétique chez les enfants

Suite à la progression de l’obésité infantile au sein des sociétés occidentales, les professionnels de santé et les groupes de pression en faveur de la santé cherchent des moyens interactifs pour sa prévention. Pour contrer l’invasion de jeux publicitaires valorisant des aliments peu sains, plusieurs campagnes de promotion en faveur d’une vie plus saine ont commencé à intégrer ce type de jeux et d’autres formes de média interactifs.

Ces jeux en ligne font la promotion d’un produit, d’une marque ou d’une organisation. Ils sont très populaires et un nombre croissant d’enfants passe de plus en plus de temps sur ces sites 1. Puisque les technologies interactives peuvent potentiellement influencer la consommation de snacks/collations et les préférences des enfants, des recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre comment de tels jeux peuvent être utilisés comme outil éducatif ou promotionnel pour inculquer des habitudes alimentaires saines aux enfants.

Promotion des aliments par des jeux publicitaires

Des travaux antérieurs ont montré que les enfants qui jouaient à des jeux publicitaires portant sur des aliments à forte densité calorique consommaient plus de snacks/collations très énergétiques et moins de fruits et légumes que ceux qui jouaient à un jeu intégrant des fruits ou ceux d’un groupe témoin 2. Pempek et Calvert 3 ont montré que les enfants jouant à un jeu promotionnel sur les fruits consommaient plus de fruits que ceux qui jouaient à la version concernant des aliments caloriques. Cependant, ces études souffrent de failles méthodologiques (échantillons de petite taille 2,3 jeux différents dans des conditions différentes 2). Nous avons donc réexaminé les effets des jeux publicitaires sur de grands groupes représentatifs, en utilisant les mêmes jeux qui ne variaient que par le type d’aliment. Ainsi, nous avons examiné les effets de jeux faisant la promotion de bonbons ou de fruits sur la consommation à volonté de snacks et de fruits. Nous voulions savoir si ces jeux influençaient les apports alimentaires et si la consommation variait selon la marque ou le type de produit. De plus, nous voulions savoir si un jeu publicitaire sur les fruits pouvait s’avérer utile pour augmenter leur consommation chez les enfants.

Une table où se trouvaient quatre bols, contenant quatre snacks différents

Nous avons utilisé un jeu de mémoire en ligne conçu par un professionnel des jeux vidéo. 270 enfants (âgés de 8 à 10 ans) ont été répartis au hasard dans 4 groupes. Les groupes de jeux ont été définis de la manière suivante :

  • Un jeu promotionnel sur un snack calorique,
  • Un jeu promotionnel sur un fruit,
  • Un jeu promotionnel sur un produit autre qu’un fruit,
  • Pas de jeu.

Après la fin du jeu, les enfants ont été invités à s’asseoir à une table où se trouvaient quatre bols, contenant quatre snacks différents : 2 bols contenant des snacks caloriques et 2 bols contenant des morceaux de fruits. Ils pouvaient manger ce qu’ils voulaient pendant 5 minutes. Dans les bols d’aliments testés, les boissons au cola et les bananes, étaient identiques à un des produits vus dans le jeu. Nous avons mesuré la consommation libre de bonbons et des fruits en pesant les bols à l’entrée et à la sortie des enfants de la pièce. Après avoir mangé, les enfants ont complété un questionnaire puis ils ont été pesés et mesurés pour déterminer leur IMC (Indice de Masse Corporelle).

Influence des jeux contenant des stimuli alimentaires sur les apports caloriques

Les principaux résultats ont montré que jouer à un jeu publicitaire intégrant des stimuli alimentaires, quel que soit le produit (bonbon ou fruit), augmentait l’apport calorique global, en particulier la consommation de bonbons. Les enfants du groupe des « aliments à haute densité calorique » avaient une consommation calorique moyenne de 197,2 kilocalories contre 184,1 kilocalories pour le groupe « fruits ». Les enfants du groupe sans produit alimentaire ont consommé seulement 128,9 kilocalories et ceux du groupe témoin seulement 121,7 kilocalories. En outre, les enfants qui jouaient à la version fruit du jeu publicitaire n’ont pas consommé plus de fruits que ceux des autres groupes.

La consommation de bonbons augmente mais pas celle des fruits

Nos résultats suggèrent donc que jouer à des jeux faisant la promotion d’aliments (bonbons ou fruits) augmente la consommation de bonbons mais pas celle de fruits.

Les professionnels du marketing social devraient tenir compte cet effet pour la promotion d’aliments sains : la promotion d’aliments sains peut provoquer des comportements de « craving » (besoin irrépressible) alimentaire. Et selon notre étude, les enfants mangeront plus de snacks énergétiques mais pas plus de fruits. C’est évidemment l’inverse de ce que les adeptes du marketing social souhaitaient obtenir…

Frans Folkvord
Institut des sciences comportementales, Université de Radboud Nijmegen, Département des sciences de communication de l’Université d’Amsterdam, PAYS-BAS
Doeschka Anschütz
Ecole de Recherche en Communication d’Amsterdam et Institut des Sciences du Comportement, Nimègue, Pays Bas.
Moniek Buijzen
Ecole de Recherche en Communication d’Amsterdam et Institut des Sciences du Comportement, Nimègue, Pays Bas.
Patti Valkenburg
Ecole de Recherche en Communication d’Amsterdam et Institut des Sciences du Comportement, Nimègue, Pays Bas.
  1. Moore, E.S., & Rideout, V.J. The online marketing of food to children: is it just fun and games? J Public Policy Mark 2007; 26; 202-20.
  2. Harris, J.L., Speers, S.E., Schwartz, M.B., & Brownell, K.D. US Food company branded advergames on the internet: children’s exposure and effects on snack consumption. J Child Media 2012; 6: 51-68.
  3. Pempek, T.A., & Calvert, S.L. Tipping the balance: use of advergames to promote consumption of nutritious foods and beverages by low-income African American children. Arch Pediatr Adolesc Med 2009; 163: 633-7.
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