Grossesse & nutrition

Facteurs psychologiques prédisant les intentions de consommations alimentaires durant la grossesse

S’alimenter de manière saine durant la grossesse peut potentiellement minimiser certaines complications comme le risque de macrosomie, surtout chez les femmes enceintes qui souffrent de diabète gestationnel ou d’obésité.

Les bénéfices d’une alimentation à faible indice glycémique

Une revue de littérature récente a apporté quelques preuves en faveur d’une alimentation à faible index glycémique (IG) privilégiant les glucides qui libèrent progressivement le glucose dans l’organisme chez les femmes qui souffrent de diabète gestationnel. Chez les femmes ne souffrant pas de diabète 1, les bénéfices de ce régime alimentaire sont moins clairs. Deux études 2;3 ont inclus des femmes ayant des poids corporels très différents. Les résultats de ces études montrent que contrôler la glycémie par l’alimentation pourrait être bénéfique, non seulement chez les femmes de poids normal, mais encore chez celles en surpoids. Il persiste néanmoins quelques interrogations sur le maintien d’une croissance fœtale adéquate, surtout chez les femmes de poids normal 4.

Une autre étude a examiné des femmes enceintes en surpoids ou obèses. Elle a révélé qu’une alimentation à faible index glycémique réduisait les facteurs de risques cardiovasculaires, prolongeait la durée de la grossesse et augmentait la taille du tour de tête des enfants 5.

Evaluer les attitudes et les motivations de femmes enceintes

Réduire l’IG suppose des changements de comportements alimentaires les femmes enceintes. Les modifications comportementales sont souvent perçues comme la résultante de changements psychologiques : des modifications des connaissances, des attitudes et des croyances influenceraient les intentions 6 qui à leur tour influenceraient les comportements 7. Cependant, les interventions conçues pour améliorer l’alimentation durant la grossesse, en particulier celles pour diminuer l’IG ou la charge glycémique 3;5, n’ont pas tenu dompte des changements psychologiques.

Notre étude a évalué les attitudes et les motivations de femmes enceintes concernant la consommation :

  • d’aliments contenant des matières grasses saturées,
  • d’aliments sucrés,
  • de fruits et légumes.

Notre objectif était de modéliser les facteurs psychologiques qui prédisent la consommation de quantités plus saines de ces aliments durant le reste de leur grossesse. Les variables analysées provenaient du Modèle de Croyances de Santé HBM (Health Belief Model): les menaces perçues et les évaluations comportementales 8 augmentées d’une mesure de la perception de l’approbation sociétale (c’est-à-dire les « normes subjectives » 9).

Un questionnaire mesurant les bénéfices et les freins du changement

103 femmes enceintes ont complété un questionnaire mesurant: leurs intentions de modifier la consommation de certains aliments cibles, leur consommation actuelle, la perception de leur vulnérabilité aux conséquences indésirables liées à la consommation d’aliments malsains et de leurs gravités (c’est-à-dire les menaces), les bénéfices d’une modification alimentaire pour la mère et l’enfant, les freins aux changements de l’alimentation et l’approbation de la société pour ces modifications (‘les normes subjectives’). La consommation et les comportements actuels ont été estimés en mesurant la perception de l’adéquation de l’alimentation actuelle. Les questions sur les intentions ont évalué les intentions de s’alimenter plus sainement durant la suite de la grossesse. Les participantes qui montraient l’intention de s’alimenter moins bien ont été exclues.

Les bénéfices perçus faisaient référence aux conséquences positives pour la mère et l’enfant.

Les freins perçus étaient :

  • pour les F&L, des difficultés d’accès, de préparation et de coût,
  • pour les matières grasses, que les aliments à haute teneur en matières grasses étaient faciles à préparer, satisfaisaient les grignotages et aidaient à combattre le stress ;
  • pour le sucre, que les aliments satisfaisaient les grignotages et aidaient à combattre le stress.

Pour chaque comportement, les normes subjectives se sont focalisées sur l’anticipation de l’approbation par la famille et les professionnels de santé, respectivement.

Il s’agissait d’une étude transversale.

Le comportement actuel et les intentions de changement sont corrélés négativement

Les participantes qui signalaient une consommation excessive actuelle d’aliments riches en matières grasses et en sucres avaient une forte probabilité d’intention de la réduire. De même, celles qui pensaient ne pas consommer assez de F&L avaient l’intention d’augmenter leur consommation.

Les bénéfices perçus, pour la mère et l’enfant, ont augmenté les intentions de consommer plus de F&L et moins de matières grasses ; leur influence était moindre, mais présente, sur les intentions de réduire la consommation de sucres. Il n’y a pas eu d’impact de la perception des freins, des menaces ou des normes subjectives. Ceci indiquerait que les femmes enceintes ne tiennent pas compte des freins, comprennent les menaces et perçoivent bien l’approbation de la société. Les interventions visant à modifier l’alimentation des femmes enceintes devraient donc se focaliser sur les conséquences positives pour la mère et l’enfant.

Malgré certaines limites (étude transversale, données résultant d’auto-évaluations, représentativité et taille modeste de l’échantillon), nos résultats offrent quelques éclairages sur les croyances concernant la santé et les choix alimentaires chez les femmes enceintes. Les meilleures pratiques pour modifier l’alimentation durant la grossesse devraient inclure l‘adoption de stratégies de promotion de la santé ciblant les facteurs psychologiques sous jacents qui déterminent les choix alimentaires durant la grossesse.

Benjamin Gardner
Centre de Recherche sur les comportements de santé, University College, Londres, Royaume-Uni
Gardner B., Croker H., Barr S., Briley A., Poston L. & Wardle J. on behalf of the UPBEAT Trial. (2012) Psychological predicators of dietary intentions in pregnancy. J Hum Nutr Diet.
  1. Louie, J.C.Y. et al. (2010) Glycemic Index and pregnancy: a systematic literature review. J. Nutr. Metab. 2010, 282464
  2. Clapp, J.F. (1997) Diet, exercice, and feto-placental growth. Arch. Gynecol. Obstet. 260, 101- 132
  3. Moses R.G. et al, (2006) Effect of a low-glycemic-index diet during pregnancy on obstetric outcomes. Am. J. Clin. Nutr. 84, 807-812
  4.  Scholl , T.O. et al. (2004) The dietary glycemic index during pregnancy: influence on infant birth weight, fetal growth, and biomarkers of carbohydrate metabolism. Am. J. Epidemiol. 159, 467-474
  5. Rhodes, E.T. et al. (2010) Effects of a low-glycemic load diet in overweight and obese pregnant women: a pilot randomized controlled trial. Am. J. Clin. Nutr. 92, 1306-1315
  6. Schwarzer, R. (1992) Self-efficacy in the adoption and maintenance of health behaviors: theoretical approaches and a new model. In Self-Efficacy: Thought Control of Action. Ed R. Schwarzer, pp. 217-243. London: Hemisphere.
  7. Bartholomew, L.K. et al. (2006) Intervention Mapping : Designing Theory and Evidence-Based Health Promotion Programs. San Fransisco, CA: Jossey-Bass
  8. Rosenstock, I.M. (1974) Historical origins of the Health Belief Model. Health Educ. Monogr. 2, 328-335
  9. Ajzen, I. & Fishbein, M. (1975) Understanding Attitudes and Predicting Social Behaviour. Upper Saddle River, NJ: Prentice-Hall
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