Grossesse & nutrition

Grossesse et prise de conscience nutritionnelle chez les Hollandaises

Une bonne alimentation est capitale pour la santé et le bien-être, surtout durant la grossesse, lorsque les femmes connaissent des transformations majeures d’ordre biologique, physique, psychologique et social. C’est probablement l’une des rares périodes où les femmes sont capables de modifier certains comportements de santé, difficiles à changer à d’autres moments. Dans la littérature médicale, on a appelé ce phénomène « la perspective de parcours de vie » ou « Life Course Perspective » – LCP.

Nous décrivons ici deux études ayant pour objectif d’apporter une meilleure compréhension à la LCP et ses liens avec les comportements alimentaires durant la grossesse et la période postpartum.

1. Prise de conscience nutritionnelle avant et pendant la grossesse : une étude quantitative

L’objectif de cette première étude transversale 1 est d’évaluer le niveau de prise de conscience nutritionnelle chez les femmes, avant et pendant la grossesse, afin de mieux comprendre la relation entre la LCP, les comportements alimentaires et la grossesse.

L’échantillon comprenait 5 groupes, chacun constitué de 100 Hollandaises nullipares:

  • des femmes ne prévoyant pas d’être enceintes durant l’année,
  • des femmes ayant cessé la prise de contraceptifs pour être enceintes,
  • des femmes durant leur premier, deuxième ou dernier trimestre de grossesse.

« La prise de conscience nutritionnelle » développée pour cette étude, repose sur trois concepts de prise de conscience dérivés de la théorie intégrée (Tableau 1).

Ces 3 concepts ont été appliqués à chacun des neuf domaines nutritionnels visés par le Centre Hollandais de Nutrition : alimentation saine, fruits et légumes (F&L), pain, produits laitiers, apports caloriques, matières grasses saturées et insaturées, boissons sucrées et petit déjeuner.

• Importance d’une alimentation saine comme facteur de style de vie

L’analyse des résultats a montré que tous les groupes de femmes mettaient une mauvaise alimentation en troisième place des facteurs les plus importants pour la santé (après la consommation excessive d’alcool et le tabagisme), plus importante encore que le manque d’activité physique, le stress ou une mauvaise hygiène.

• Une prise de conscience nutritionnelle plus importante chez les femmes enceintes

Nous avons observé des différences statistiquement significatives entre les scores des 5 groupes quant à la consommation de F&L, de produits laitiers et les apports caloriques. Le groupe de femmes ne prévoyant pas d’être enceintes avaient le niveau de prise de conscience le plus faible, suivi de celles cherchant à être enceintes et finalement les trois groupes de femmes enceintes. Il n’y avait pas de différences significatives entre le niveau de prise de conscience et le trimestre de grossesse. Le niveau de prise de conscience nutritionnelle était significativement moindre chez les femmes ne voulant pas être enceintes par rapport à ceux des femmes durant leur deuxième ou troisième trimestre de grossesse.

2. Prise de conscience nutritionnelle et motivations après la grossesse: une étude qualitative

L’objectif de cette seconde étude ² a été d’explorer la prise de conscience nutritionnelle en post-partum et les motivations associées. L’échantillon comprenait 30 femmes, entre 2 et 4 mois après l’accouchement (allaitement maternel/biberon), et 15 femmes entre 10 et 14 mois après l’accouchement. La prise de conscience nutritionnelle des femmes a été évaluée par des questions sur l’importance de la nutrition, leurs préoccupations, leur surveillance nutritionnelle, leur alimentation et leurs comportements alimentaires. On les a également interrogées sur leur ressenti actuel par rapport aux précédentes périodes de leur vie.

Les résultats de ces entretiens suggèrent qu’avec le temps (soit au cours des 3 ou 4 mois après l’accouchement et après un an) le niveau de prise de conscience nutritionnelle changeait.

L’évolution de la prise de conscience nutritionnelle pouvait être répartie en quatre parcours différents (Tableau 2) :

De nouvelles habitudes et une attention maintenue favorisent le phénomène donc la « perspective de parcours de vie » ou « Life Course Perspective », alors que ce n’est pas le cas pour la rechute ou la stabilité.

Des prises de conscience en relation avec différentes motivations

Des choix de parcours différents sont motivés par des sentiments de responsabilité accrus durant la grossesse et l’allaitement, un manque d’énergie et le souhait de revenir à un poids et à une silhouette d’avant la grossesse.

Ces motivations varient selon le degré d’autonomie et la personnalité. Généralement, les femmes qui sont plus préoccupées par la nutrition à cause de leur grossesse, ou qui perçoivent la maternité comme un nouveau départ pour des pratiques saines (afin d’être un exemple pour leur enfant), sont plus motivées et autonomes que les femmes qui font attention à leur alimentation à cause de l’allaitement ou qui veulent perdre les kilos pris durant la grossesse.

Ces entretiens suggèrent que, durant l’année qui suit l’accouchement, trois changements de prise de conscience nutritionnelle et trois types de motivations interviennent :

a) avec le temps, les femmes qui allaitent ou ont allaité se détendent et les restrictions nutritionnelles deviennent moins personnelles.
b) après environ quatre mois, leurs priorités changent : elles reprennent une vie normale et la nutrition devient une routine quotidienne.
c) quand l’enfant commence à s’alimenter de la même façon que la famille, les femmes font plus attention à leur alimentation dans une perspective de santé.

Grossesse et post-partum : une période clé pour modifier les habitudes alimentaires

Les professionnels de santé devraient :

  • se rendre compte que la grossesse et la période du post-partum peuvent être des périodes qui incitent vraiment les femmes à augmenter leur niveau de prise de conscience nutritionnelle – ce qui est difficile à modifier à d’autres moments. Ces périodes fournissent une excellente occasion de promotion d’une alimentation saine et nous devrions en profiter plus souvent. Jusqu’à présent, la littérature sur la promotion de la santé chez les mères se focalisait surtout sur l’amélioration des méthodes d’allaitement et les restrictions alimentaires.
  • Être conscients que les femmes s’impliquent plus ou moins dans leur alimentation selon des motivations très différentes.
  • Garder à l’esprit que les motivations autonomes pour un comportement alimentaire plus sain ont plus d’effets à long terme.
Ellen M. Szwajcer
Département de Santé Communautaire & de la Jeunesse, Centre d'Expertise en Santé, Affaires Sociales et Technologie, Université Saxion pour les Sciences Appliquées, Enschede, Pays-Bas.
Gerrit J. Hiddink
Communication Nutritionnelle par les Professionnels de Santé; Techniques et Philosophie des Stratégies de Communication (Communication Strategies, Technology and Philosophie -CTP), Centre de développement Intégré (CID), Département des Sciences Sociales, Université de Wageningen, Wageningen, Pays-Bas.
  1. Szwajcer EM et al. Nutrition awareness before and throughout different trimesters in pregnancy: a quantitative study among Dutch women. Family Practices 2012; 29:i82-i88
  2. Szwajcer EM et al. Exploring nutrition awareness and motivations for nutrition behavior of Dutch primiparous mothers: consequences for the life course perspective. April 2007 Internal document, part of the project of Ellen Szwajcer`s PhD-Thesis (Wageningen University, 11 th September 207): Pregnancy: time for a new beginning. Exploring opportunities and challenges for healthy nutrition promotion.
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