Fruits et Légumes et Santé Cardiovasculaire

FRUITS ET LÉGUMES : DES ALIMENTS ANTI-HYPERTENSEURS ?

UNE BAISSE DES CHIFFRES TENSIONNELS DÈS LES PREMIÈRES SEMAINES

Dans les études transversales, une consommation élevée de fruits et légumes est associée à une tension artérielle plus basse(1-4). La réduction de la tension artérielle est associée à l’augmentation de la consommation de fruits et légumes dans les études d’intervention(5;6). Cette diminution s’observe après une modification alimentaire de plusieurs semaines et se maintient jusqu’à la fin du suivi dans les études expérimentales (6 mois maximum).

Ainsi, dans l’étude DASH(5), la pression artérielle systolique (PAS) a diminué de 2,8 mm Hg après huit semaines d’un régime riche en fruits et légumes chez 154 adultes randomisés, par rapport au groupe contrôle. De même John et col.(6) ont observé une diminution de 4 mm Hg après 6 mois de suivi chez des personnes encouragées à augmenter leur consommation de fruits et légumes à au moins cinq portions par jour. Des études d’intervention ont montré que l’augmentation de la consommation de fruits et légumes, associée à des modifications alimentaires – diminution de l’apport de sel ou augmentation des produits laitiers – a également un effet sur la tension artérielle(7-9).

Ces résultats confortent l’hypothèse qu’un apport accru de fruits et légumes diminue la tension artérielle sur une courte période et que cet effet se maintient durant plusieurs mois de consommation.

QUELS SONT LES COMPOSÉS IMPLIQUÉS ?

De nombreux composés des fruits et légumes sont potentiellement impliqués dans la diminution de la tension artérielle. Si le rôle des fibres(10), du potassium, du calcium et du magnésium(11) a été confirmé dans des études expérimentales, les résultats des essais de supplémentation en vitamines ou antioxydants sont moins concluants(12). Ces résultats étayent l’hypothèse qu’une consommation accrue de fruits et légumes réduit la tension artérielle. En revanche, les périodes de suivi des études expérimentales étant limitées à quelques mois, les effets sur plusieurs années d’une telle consommation sont moins bien connus(13).

LES FRUITS ET LÉGUMES POURRAIENT-ILS
RALENTIR L’AUGMENTATION DE LA TENSION
ARTÉRIELLE LIÉE AU VIEILLISSEMENT ?

L’augmentation de la pression artérielle systolique avec l’âge est un phénomène observé dans le monde entier(14). Cependant, certaines populations ne sont pas touchées(15) par cette élévation, ce qui suggère que des facteurs environnementaux, comme l’alimentation, pourraient être fortement impliqués. Des études de cohorte récemment publiées(16-18) suggèrent que les fruits et légumes pourraient protéger contre cette élévation tensionnelle liée à l’âge. Dans la Framingham Children’s Study(16), des enfants qui avaient entre 3 et 6 ans au départ et qui consommaient plus de 4 portions de fruits et légumes par jour avaient une moindre augmentation de la tension artérielle au début de l’adolescence. Après un suivi de 8 mois leur PA systolique moyenne était de 106 mm Hg versus 113 mm Hg chez les autres enfants.

Dans la Chicago Western Electric Study(17), la consommation de fruits et légumes était associée à plus faible élévation de la pression artérielle chez les hommes initialement âgés de 41 à 57 ans (en 1958) et après sept ans de suivi.

Dans l’étude française SU.VI.MAX (SUpplémentation en VItamines et Minéraux Anti-oXydants) (conduite de 1995 à 2001) qui rassemblait des hommes et des femmes âgés de 36 à 62 ans au départ, l’augmentation de la tension artérielle a été réduite de 2,2 mm Hg dans le quintile ayant la consommation de fruits et légumes la plus forte versus celui ayant la plus faible(18). La consommation de fruits a été également associée à un risque plus faible d’hypertension dans l’étude CARDIA (Coronary Artery Risk Development in Young Adults)(19).

EFFET À LONG TERME ET À COURT TERME : DES MÉCANISMES DIFFÉRENTS ?

Les mécanismes potentiels des effets à long terme de la consommation des fruits et légumes sur l’augmentation de la tension artérielle restent peu clairs et peuvent être différents de ceux à court terme. Dans l’étude SU.VI.MAX, un complément antioxydant journalier n’a pas modifié le risque d’hypertension(20) par rapport au placebo, suggérant que les modifications à long terme de la tension artérielle ne seraient pas directement imputées à la seule activité antioxydante mais également à d’autres composants des fruits et légumes, comme les fibres.

Il est également possible que l’association négative observée dans les études de cohorte puisse être expliquée par des facteurs “confondants”. Ainsi, les grands consommateurs de fruits et légumes ont souvent des comportements plus sains qui n’ont pas été complètement pris en compte lors de l’ajustement des variables des études d’observation. Seule une étude contrôlée à long terme, sur plusieurs années ou plus, pourrait démontrer les effets protecteurs de la consommation de fruits et légumes sur l’augmentation de la tension artérielle associée au vieillissement. C’est une chose difficilement réalisable dans les études d’intervention nutritionnelles.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, on peut dire que de nombreuses études recommandent une forte consommation de fruits et légumes de manière à avoir un effet protecteur sur la tension artérielle.

Luc Dauchet
INSERM/INRA/CNAM, Centre de Recherche en Nutrition Humaine, Bobigny, France
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