Fruits et Légumes et Santé Cardiovasculaire

Le rôle protecteur des folates et/ou des antioxydants

En France, les maladies cardiovasculaires (MCV) représentent près de 35 % des décès et près de 50 % dans les pays développés. Bien que la mortalité cardiovasculaire ait diminué depuis 50 ans, le poids des MCV reste très lourd en raison de l’augmentation de la prévalence de l’athérosclérose. L’athérosclérose est la base physiopathologique de la majorité des syndromes coronariens aigus et des accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Cette maladie dégénérative inflammatoire des artères, d’origine multifactorielle, est caractérisée par l’accumulation de lipides (cholestérol)) et de fibres au sein des parois des gros vaisseaux.

Importance des aliments riches en antioxydants et en folates

Les lésions oxydatives de la paroi artérielle (provoquées par les radicaux libres et la stimulation directe des cellules endothéliales par la protéine C réactive de la phase aiguë) stimulent l’expression de molécules d’adhésion cellulaire, facilitant ainsi l’adhésion des monocytes et des lymphocytes T à la paroi artérielle. Le stress oxydatif semble donc responsable de l’oxydation des LDL intégrés dans la plaque.

Ainsi, les Espèces Réactives de l’Oxygène (ERO) sont impliquées dans la pathogenèse de l’athérosclérose par leur capacité à léser des macromolécules biologiques telles que les lipides (par exemple les acides gras inclus dans les LDL). L’organisme se défend constamment contre les ERO grâce à des enzymes et des antioxydants de faibles poids moléculaires. Une source importante d’antioxydants est représentée par une alimentation riche en substances ayant une activité antioxydante. Les antioxydants naturels sont un groupe de substances capables de contrecarrer les lésions oxydatives.

De nombreuses structures chimiques semblent pouvoir prévenir ou rompre la chaîne de péroxydation au sein de l’organisme : tocophérol et ses isomères, caroténoïdes, acide ascorbique, glutathion et autres molécules ayant un groupe sulphydryl, flavonoïdes…

La consommation de fruits et légumes, d’huile d’olive, de cacao, de vin rouge et de thé est inversement proportionnelle à l’incidence de maladies cardiaques. Ces aliments sont particulièrement riches en antioxydants naturels, tels que l’ascorbate, les tocophérols, les caroténoïdes et les flavonoïdes, des substances naturelles qui apportent texture, couleur et goût aux aliments végétaux.

L’élévation de l’homocystéine plasmatique serait également parmi les causes possibles de la dysfonction endothéliale. A ce titre, les folates (vitamine B9) sont impliqués dans la prévention des maladies cardiovasculaires, notamment par leur effet bien reconnu sur l’homocystéinémie. En effet, une consommation élevée de folates pourrait réduire l’hyper-homocystéinémie qui favorise la dysfonction endothéliale et les thromboses. Les folates sont surtout retrouvés dans les légumes vert foncé, les légumineuses, certains fruits et produits animaux, comme les fromages fermentés et le foie.

Des arguments épidémiologiques et cliniques

Beaucoup de données sont actuellement disponibles sur l’hypothèse de l’oxydation et de l’inflammation en tant que causes de l’athérosclérose et sur le rôle de l’alimentation.

De nombreuses études épidémiologiques, cliniques et expérimentales, confirment que les lipides oxydés s’accumulent au niveau des lésions athérosclérotiques, pendant toutes les étapes de leur développement, et que les antioxydants alimentaires peuvent entraver la progression de l’athérosclérose. De plus, plusieurs études ont montré que les patients souffrant d’athérosclérose symptomatique ou de maladie coronarienne avaient de plus fortes concentrations sériques de substances oxydées ou de marqueurs de LDL oxydés et/ou de plus faibles taux d’antioxydants par rapport à ceux du groupe de contrôle.

De nombreuses études épidémiologiques et cliniques ont montré que la consommation d’aliments riches en antioxydants – en particulier les fruits et légumes – est liée à une plus faible incidence de MCV. De même, beaucoup d‘études ont montré qu’un apport élevé en acide folique pourrait prévenir les AVC.

Quels antioxydants sont impliqués ?

Cependant, il est très difficile de séparer l’effet d’un antioxydant de celui d’un autre et d’attribuer le bénéfice observé à un aliment en particulier, puisque ces composés sont rassemblés dans un même aliment et dans l’alimentation dans sa globalité. Des essais d’intervention randomisés et contrôlés ont été effectués, afin de démontrer l’implication d’un ou plusieurs antioxydants dans le freinage de la progression de l’athérosclérose ou dans l’incidence de maladie coronarienne. Dans beaucoup de cas, ces études n’ont pas mis en évidence un effet. Mais dans la majorité de ces essais, c’est une forte dose d’antioxydant, vitamine E, ou bétacarotène, qui a été utilisée. Dans certaines études, avec le tocophérol ou de fortes doses de bétacarotène, des effets néfastes ou indésirables apparaissent, probablement parce qu’une dose unique élevée d’une substance est insuffisante et peut quelquefois entraîner une oxydation. Dans d’autres cas, il a été suggéré que le risque cardiovasculaire au sein de la population étudiée étant très faible, les essais de prévention secondaire réalisés n’ont pas montré d’amélioration des MCV.

Tester les bénéfices d’une consommation élevée de végétaux

Cette absence d’efficacité clinique ne contredit pas l’hypothèse oxydative. Il est possible que les antioxydants étudiés n’aient pas été les bons, que leur dosage, leur formulation et leur biodisponibilité ne soient pas appropriés, que ni la sélection des patients, ni la durée du traitement n’ait été adéquate pour apporter tous les effets bénéfiques. Par exemple, ni le bétacarotène, ni le tocophérol synthétisés ne sont équivalents à leur forme naturelle. De plus, les fruits et légumes contiennent de nombreux autres antioxydants qui agissent en synergie…

Ainsi, une meilleure approche serait de tester les bénéfices d’une consommation élevée en végétaux, naturellement riches en antioxydants et en folates comme les fruits et légumes, dans des essais randomisés, sur des sujets ayant une faible consommation de fruits et légumes et de stratifier les sujets selon leur niveau de stress oxydatif (car un antioxydant devrait être bénéfique quand l’alimentation n’apporte pas les taux recommandés globaux en folates et en antioxydants). Il conviendrait ainsi d’identifier les sous-groupes les plus susceptibles de profiter de l’apport de ces types d’aliments et enfin, de débuter l’essai au tout début du développement de la maladie. L’objectif ultime de santé publique devrait être, donc, de modifier l’alimentation et le mode de vie dans sa globalité.

Jean-Michel Lecerf
Service de Nutrition, Institut Pasteur de Lille, FRANCE
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