Alimentation et déclin cognitif

La qualité gustative au menu (1ère PARTIE)

La qualité des fruits et légumes inclut plusieurs dimensions (sanitaire, nutritionnelle, environnementale, commerciale…) dont la qualité gustative, une des plus diffi ciles à évaluer.

Le comité consommateurs d’Aprifel 1 en a fait l’expérience à travers l’audition de nombreux chercheurs, experts, professionnels de la fi lière, complétée par des visites sur le terrain. Le point d’orgue de cette démarche de concertation a été la journée d’information sur ce même thème en octobre 2013, organisée conjointement avec le comité scientifi que d’Aprifel 2.

On peut donc diffi cilement parler de LA qualité des fruits et légumes, mais plutôt des qualités. Diffi culté supplémentaire : les critères, ou attributs, de qualité ne sont pas nécessairement convergents entre les acteurs de la fi lière, ni d’un type de qualité à l’autre. Dans les études sur les préférences des consommateurs, ceux-ci privilégient facilement le goût (ou plus globalement les qualités organoleptiques), en faisant référence à des expériences antérieures, des souvenirs, des goûts perdus… ou retrouvés !

L’expérience du goût

La difficulté vient du fait que cette qualité gustative se révèle le plus souvent seulement à l’expérience (après achat) et qu’elle est rarement observable avant l’achat, sinon de faire confi ance au fournisseur, à la marque… ou au distributeur ! Les critères de qualité existent bien, encore faut-il qu’ils soient fi ables, stables et pertinents pour la qualité recherchée. De même, les normes de commercialisation, l’affi chage ou l’étiquetage ne préjugent pas nécessairement de la qualité gustative. Ces informations se révèlent peu pertinentes au vu de l’expérience passée ou à venir. Il en est de même de l’aspect visuel, pas très fi able pour prédire la qualité. Les techniques d’analyse sensorielle sont précieuses pour comprendre la perception des consommateurs des variétés, des itinéraires de production, des conditions de récolte et de conservation après la récolte (en chambres froides ou dans les réfrigérateurs). Ces techniques sont utilisées à la fois dans le cadre de schémas de sélection, en expérimentation, mais aussi en amont d’une mise sur le marché, par prélèvement d’échantillons.

La recherche de la qualité

L’ensemble des acteurs de la filière sont préoccupés, à des titres divers, de la qualité produite en amont et offerte aux consommateurs. De nombreuses études et programmes de recherche ont identifi é les principales composantes de la qualité gustative. Ainsi, le Ctifl a réalisé des cartographies des préférences des consommateurs sur les principaux fruits (pomme, pêche, cerise, abricot, raisin, fraise) et légumes (carotte, tomate) à partir de dispositifs expérimentaux spécifi ques : panels de consommateurs, tests hédoniques, analyses sensorielles… Mais les fruits et légumes sont des produits sensibles, qui évoluent dans le temps (maturation ou conservation). Leurs caractéristiques changent en fonction des variétés, des itinéraires techniques et tout simplement de la saison ou de la météo !

Un exemple : on recense 300 variétés cultivées de pêches (à chair jaune ou blanche, pêches et nectarines, plates ou sanguines). Celles-ci recèlent une diversité de saveurs, plus ou moins douces ou acidulées, qui infl uent sur la satisfaction des consommateurs, sans parler de la qualité de la peau (épaisseur, présence de duvet…) ou le caractère juteux, farineux ou fi breux de la chair. Et cette satisfaction peut chuter après plusieurs jours de conservation ! On arrive ainsi à établir des typologies de consommateurs selon leurs préférences, car tous les goûts existent dans la nature… Reste aux producteurs et aux vendeurs à répondre à ces attentes différenciées.

Un critère de sélection parmi d’autres

Lors des processus de sélection de nouvelles variétés, les sélectionneurs disposent d’une biodiversité extraordinaire : 10 000 variétés de pommes au niveau mondial et plus de 3 000 dans les collections françaises ! Pour reprendre l’exemple de la pomme, le marché se réduit considérablement au stade de la consommation : 70% des ventes de pommes concernent 4 variétés : Golden, Gala, Granny Smith et Braeburn. Les variétés locales, plus typiques, correspondant souvent à des marchés de niches, laissent la place à des variétés commerciales, plus standardisées et a priori plus stables. La qualité organoleptique fait généralement partie des schémas de sélection, mais au fi nal, les variétés commercialisées sont le fruit de compromis entre l’ensemble des critères : productivité, résistance aux bio agresseurs… Les sélectionneurs doivent « qualifi er » les composantes de cette qualité, comme la texture, à travers des caractéristiques biophysiques (ex : teneur en fi bres, en grain, en sucres, épaisseur de la peau…), mais aussi sur la base de gènes susceptibles de favoriser la (ou les) qualité(s) souhaitée(s). C’est un travail de longue haleine (autour de 15 à 20 ans pour mettre au point une nouvelle variété), même si l’évolution des technologies comme les cartes génétiques des différentes espèces cultivées ou le phénotypage permet aujourd’hui d’aller plus vite. C’est aussi un investissement relativement risqué et les places sont chères sur le marché.

Rémi Mer
Journaliste - FRANCE
  1. Le Comité Consommateur d’Aprifel a été créé en 2009 et comprend 10 représentants d’associations nationales de consommateurs agréées (CSF, CNAFC, Familles Rurales, CLCV, AFOC, INDECOSA C.G.T, ADEIC, ALLDC, UNAF, Familles de France). Il est présidé par Nicolas Bricas (Cirad).
    Ce comité a pour objectif de :
    • dégager les préoccupations des associations de consommateurs,
    • établir une base de connaissances communes sur des sujets au carrefour des préoccupations des consommateurs et des professionnels de la filière,
    • informer largement les associations de consommateurs et recueillir leurs propositions.
    Des réunions biannuelles sont organisées autour de rencontres multidisciplinaires, avec des experts scientifiques, des professionnels de la filière fruits et légumes, des ministères…
  2. Conclusions et interventions disponibles sur le site d’Aprifel (www.aprifel.com)
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