Comment les fruits et légumes favorisent-ils la santé ?

Le potassium, bénéfique pour la santé

Pendant des millions d’années, nos ancêtres ont consommé une alimentation leur fournissant de grandes quantités de potassium. En revanche, avec les progrès de la civilisation, la cuisson et la transformation des aliments ont fortement réduit leur contenu en potassium, ce qui, associé à une forte augmentation de la consommation d’aliments raffinés et à une diminution de la consommation des fruits et légumes (F&L), a conduit à une diminution significative de l’apport en potassium. Ainsi, dans la majorité des pays industrialisés, l’apport journalier moyen en potassium est d’environ 70 mmoles / jour, ce qui représente le tiers de nos apports historiques1. Cette faible consommation de potassium favorise l’augmentation de la tension artérielle, accroît le risque de maladies cardiovasculaires et rénales et contribue à la déminéralisation osseuse. De nombreuses preuves montrent que la consommation accrue de potassium est bénéfique pour la santé humaine2.

DASH : une étude de référence sur la tension artérielle

Des études épidémiologiques et des essais cliniques randomisés ont montré qu’une forte consommation de potassium était associée à une tension artérielle plus faible. Ainsi, une méta-analyse de 32 essais randomisés a démontré qu’une supplémentation en potassium, avec une augmentation moyenne de l’excrétion urinaire de 50 mmoles de potassium par 24 heures, a provoqué une baisse de la tension artérielle de 4,4/2,5 mm Hg chez les sujets ayant une forte tension artérielle contre 1,8/1,0 mm Hg chez les sujet normo tendus3.

La plupart des essais randomisés ont utilisé du chlorure de potassium car il est facile à administrer en double aveugle (gélules de chlorure de potassium vs. gélules de placebo). Cependant, la meilleure façon d’augmenter la consommation de potassium est de consommer plus d’aliments riches en potassium comme les F&L. Au cours de l’étude DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension – Approches Diététiques pour Stopper l’Hypertension), une augmentation moyenne de la consommation de F&L de 3,6 à 8,5 portions/jour, associée à une augmentation de l’excrétion urinaire de potassium de 30 mmol/24 heures environ, a entraîné une baisse de la tension artérielle de 2,8/1,1 mm de Hg chez les sujets normaux ou légèrement hypertendus4.

Maladies cardiovasculaires : une relation dose-dépendante

Plusieurs études épidémiologiques ont démontré une corrélation négative entre la consommation de potassium et les maladies cardiovasculaires. A titre d’exemple, une étude prospective de 12 ans réalisé par Khaw et col. a bien montré qu’une augmentation de la consommation de potassium de 10 mmoles/jour était associée à une diminution de 40% du risque de mortalité par Accident Vasculaire Cérébral (AVC)5. Cette association était indépendante d’autres facteurs nutritionnels et d’autres facteurs de risque cardiovasculaires comme l’âge, le sexe, la tension artérielle, le cholestérol sanguin, l’obésité, la glycémie à jeûn et le tabagisme.

On a également mis en évidence que la corrélation négative existant entre la consommation de F&L et les maladies cardiovasculaires était “dose dépendante”6, 7. Des métaanalyses d’études prospectives de cohortes ont montré que, si on compare les sujets qui consomment moins de 3 portions par jour de F&L, à ceux qui en consomment 3 à 5 par jour, ces derniers ont une réduction de 11% du risque d’AVC et de 7% du risque de maladies coronariennes. En outre, chez ceux qui consomment plus de 5 portions de F&L par jour, les réductions sont encore plus importantes : – 26% pour les AVC et – 17% pour les maladies coronariennes6, 7.On peut estimer que, dans le monde, 2,6 millions de décès par an seraient directement liés à une consommation insuffisante de F&L8.

Une réduction de 40% de la mortalité cardiovasculaire

Bien que de nombreux nutriments, dont le potassium, les folates, les fibres et les antioxydants, contribuent aux effets bénéfiques des F&L sur les maladies cardiovasculaires, certaines données indiquent que le potassium jouerait un rôle majeur. L’hypertension artérielle étant une cause majeure de maladies cardiovasculaires, l’effet hypotenseur du potassium représente probablement un mécanisme important. En outre, de plus en plus de preuves suggèrent que le potassium aurait un effet direct sur la réduction des lésions vasculaires liées aux maladies cardiovasculaires9.

Une publication récente a montré qu’une augmentation des apports en potassium réduisait la mortalité cardiovasculaire. Cet essai a été mené par Chang et col. en 1981 chez des anciens combattants, pensionnaires d’une maison de retraite militaire en Taiwan du Nord10. Cinq cuisines de l’établissement ont été randomisées en deux groupes (expérimental et témoin) et les vétérans assignés à ces cuisines ont reçu, soit du sel enrichi en potassium (groupe intervention) soit du sel ordinaire (groupe témoin) pendant environ 31 mois. Dans le groupe intervention la consommation de potassium a augmenté de 76% ; celle du sel de table a diminué de 17%, si l’on se base sur les rapports potassium/créatinine et sodium/créatinine mesurés. Au final, le groupe intervention a vu sa mortalité par maladie cardiovasculaire réduite de 40 % par rapport au groupe témoin.

Du rein à l’os, la liste des effets bénéfiques s’allonge

Diverses études expérimentales chez l’animal ont montré qu’une alimentation riche en potassium pouvait prévenir, ou du moins ralentir, la progression des maladies rénales11. Une consommation accrue de potassium diminue l’excrétion urinaire de calcium. Elle pourrait jouer un rôle important dans le traitement de l’hyper calciurie et des lithiases rénales et probablement contribuer à réduire le risque d’ostéoporose12.

Une faible concentration sérique de potassium est fortement liée à l’intolérance au glucose. Augmenter les apports en potassium pourrait prévenir la survenue du diabète chez les hypertendus traités par diurétiques thiazidiques au long cours13. Une faible kaliémie accroît le risque d’arythmie ventriculaire mortelle chez des patients souffrant de maladie coronarienne, d’insuffisance cardiaque ou d’hypertrophie ventriculaire gauche, une consommation accrue de potassium pourrait prévenir ce risque14.

En conclusion, le meilleur moyen d’accroître sa consommation de potassium n’est pas d’avaler des gélules mais d’augmenter sa consommation de F&L. Outre leur richesse en potassium, les F&L ont bien d’autres effets bénéfiques pour la santé indépendant du potassium passant par leur richesse en antioxydants ou en acide folique…

Feng J He
Unité de Tension Artérielle, Département des Sciences Cardiaques et Vasculaires, Hôpital Saint-Georges, Université de Londres, UK
Graham A MacGregor
Unité de Tension Artérielle, Département des Sciences Cardiaques et Vasculaires, Hôpital Saint-Georges, Université de Londres, UK
  1. Intersalt Cooperative Research Group. BMJ. 1986;297:319-28.
  2. He FJ, et al. Physiol Plant. 2008;133:725-35.
  3. Whelton PK, et al. JAMA. 1997;277:1624-32.
  4. Appel LJ, et al. N Engl J Med. 1997;336:1117-24.
  5. Khaw KT, et al. N Engl J Med. 1987;316:235-40.
  6. He FJ, et al. Lancet. 2006;367:320-6.
  7. Dauchet L, et al. Neurology. 2005;65:1193-7.
  8. Lock K, et al. Bulletin of the World Health Organization. 2005;83:100-8.
  9. Young DB, et al. Semin Nephrol. 1999;19:477-86.
  10. Chang HY, et al. Am J Clin Nutr. 2006;83:1289-96.
  11. Tobian L, et al. Hypertension. 1984;6:I170-6.
  12. New SA, et al. Am J Clin Nutr. 1997;65:1831-9.
  13. Zillich AJ, et al. Hypertension. 2006;48:219-24.
  14. Gheeraert PJ, et al. Eur Heart J. 2006;27:2499-510.
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