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Le régime méditerranéen espagnol et risque de cancer du sein : L’étude EpiGEICAM

Partout dans le monde, le cancer du sein est le cancer le plus courant chez les femmes. L’alimentation représente un important facteur de risque modifiable dans de nombreuses maladies chroniques. En revanche, à l’exception de l’alcool, les preuves concernant l’effet des individuels facteurs alimentaires sur le cancer du sein restent peu probantes. D’après certains auteurs, se focaliser sur l’ensemble du régime alimentaire, plutôt que sur certains aliments ou nutriments, pourrait mieux définir la variabilité de l’alimentation au sein d’une population. Ceci permettrait également d’étudier les interactions entre les facteurs alimentaires.

23 hôpitaux membres du Groupe de Recherche Espagnol sur le Cancer du Sein

Nous avons utilisé 1017 nouveaux cas de cancer du sein diagnostiqués dans les départements d’Oncologie des 23 hôpitaux membres du Groupe de Recherche Espagnol sur le Cancer du Sein GEICAM, (http://www.geicam.org/) et leurs témoins sains appariés, habitant dans la même ville et ayant le même âge (± 5 ans). Nous avons exploré l’association entre les habitudes alimentaires et le risque de cancer du sein chez des Espagnoles, selon leur statut ménopausique et leur sous type de tumeur intrinsèque. Les cas cliniques ont été divisés en :

  1. Tumeurs luminales (positives aux récepteurs des estrogènes (ER) et de la progestérone (PR) et négatives pour le facteur de croissance épidermique humain (Human Epidermal Growth Factor – HER2)),
  2. Tumeurs HER2 positives (HER2+, quels que soient les résultats ER et PR); et
  3. Tumeurs triple négatives (ER-, PR- & HER2-).

La ménopause a été défi nie comme l’absence de règles au cours des derniers 12 mois.

Une étude cas-témoins

Les patientes (cas) et leurs témoins ont rempli un questionnaire structuré, pour recueillir leurs données démographiques et anthropométriques, ainsi que leurs antécédents personnels et familiaux, leur activité physique et leur consommation alimentaire au cours des cinq dernières années (Food Frequency Questionnaire (FFQ) – questionnaire de fréquence alimentaire). Les 117 items semi-quantitatifs du FFQ ont été rassemblés en 26 groupes d’aliments. Les aliments non-caloriques et les boissons alcoolisées ont été exclus. Les patterns alimentaires majeurs ont été identifiés chez les témoins utilisant l’analyse des composants principaux (Principal Components Analysis (PCA)). Pour chaque régime retenu, un score a été calculé chez les cas cliniques et les témoins qui mesurait le niveau de similarité avec chaque régime.

L’association générale entre les régimes alimentaires et le cancer du sein, puis selon le statut ménopausique et le sous-type de tumeur (luminale, HER2+, triples négatives) a été évaluée grâce à des modèles de régression logistique et multi-nominaux.

Le PCA a révélé 3 régimes différents :

  • Régime Occidental, caractérisé par de fortes consommations de produits laitiers à haute teneur en matières grasses, de charcuterie, de céréales raffi nées, de sucreries, de boissons caloriques ainsi que d’autres aliments et sauces préparés. Le tout associé à de faibles consommations de produits laitiers écrémés et de céréales complètes.
  • Régime Prudent, comprenant de fortes consommations de produits laitiers allégés, de légumes, de fruits, de céréales complètes et de jus de fruits.
  • Régime Méditerranéen, avec de fortes consommations de poissons, de légumes, de légumineuses, de pommes de terre bouillies, de fruits, d’huiles d’olive et végétales et peu de jus de fruits.

Effet protecteur du régime Méditerranéen sur le risque du cancer du sein

Un score occidental plus élevé était associé de manière positive au cancer du sein, avec des odds ratios (OR) entre le quartile supérieur et le quartile inférieur de 1,46 (Intervalle de Confiance à 95% (IdC 95 %) = 1,04-1,31). Cette association était plus forte chez les femmes en pré-ménopause (OR=1,75 ; IdC 95% = 1,14-2,67).

Un score Méditerranéen plus élevé était associé à un risque réduit de cancer du sein (OR=0,56 ; IdC 95% = 0,40-0,79).

Dans les deux cas, la tendance dose-réponse était statistiquement significative. Il est intéressant de noter que l’effet protecteur du régime Méditerranéen était plus important pour les tumeurs triples négatives (OR du quatrième quartile=0,32; IdC 95% = 0,15-0,66), avec une tendance dose-réponse comparable à celle des autres sous-types (p pour l’hétérogénéité = 0,04).

En revanche, aucune association n’a été retrouvée entre le cancer du sein et le régime Prudent.

Des données utiles pour élaborer une politique de prévention du cancer du sein

L’alimentation est un facteur de risque modifiable. L’identification des comportements alimentaires bénéfiques et néfastes, ainsi que les populations qui y sont sensibles est essentielle pour élaborer une politique de prévention du cancer du sein. Nos résultats offrent des données uniques sur les deux plans puisque les effets bénéfiques d’une alimentation riche en fruits, en légumes, en poissons gras et en huiles végétales comparés à ceux d’une alimentation faible en calories sont encore débattus, même au sein de la communauté scientifique.

Nous avons également identifié un effet néfaste du régime occidental chez les jeunes femmes, les désignant comme la principale cible de futures actions de prévention. Enfin, nos résultats montrent que le régime Méditerranéen semble particulièrement bénéfique contre les tumeurs triple négatives. Etant donné que ces tumeurs sont plus agressives avec un pronostic plus sombre, cet effet protecteur devrait être examiné de manière approfondie.

Adela Castelló
Unité d’Epidémiologie du Cancer, Centre National d’Epidemiologie, Institut de Santé Carlos III, Madrid, ESPAGNE Consortium de Recherche Biomédicale en Epidémiologie & Santé Publique (CIBERESP), Institut de Santé Carlos III, Madrid, ESPAGNE
Marina Pollán
Unité d’Epidémiologie du Cancer, Centre National d’Epidemiologie, Institut de Santé Carlos III, Madrid, ESPAGNE Consortium de Recherche Biomédicale en Epidémiologie & Santé Publique (CIBERESP), Institut de Santé Carlos III, Madrid, ESPAGNE
collaborateurs
Castelló A, Pollán M, Buijsse B, Ruiz A, Casas AM, Baena-Cañada JM, Lope V, Antolín S, Ramos M, Muñoz M, Lluch A, de Juan-Ferré A, Jara C, Jimeno MA, Rosado P, Díaz E, Guillem V, Carrasco E, Pérez-Gómez B, Vioque J, Boeing H, Martín M; GEICAM researchers. Spanish Mediterranean diet and other dietary patterns and breast cancer risk: case-control EpiGEICAM study. Br J Cancer 2014; 111(7):1454-62.
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