Fruits et légumes plus accessibles II

Les adolescents des milieux défavorisés sont-ils découragés par leur environnement nutritionnel familial ?

Malgré les bienfaits d’une alimentation saine, les habitudes alimentaires de nombreux adolescents sont loin d’être optimales1, 2, surtout quand ils sont issus de milieux socioéconomiques défavorisés. Ainsi, les adolescents de niveau socioéconomique (NSE) faible ont tendance à consommer moins de fruits et légumes et plus d’aliments gras que leurs pairs de NSE plus élevés3, 4.

Les raisons de cet écart sont inconnues. On peut évoquer : une moindre connaissance des effets bénéfiques d’une alimentation saine – et des méfaits d’une mauvaise alimentation, un manque de savoir-faire dans la préparation des aliments, des priorités autres ou l’impossibilité d’acheter des aliments sains… Il est également possible que ces ados ne soient pas suffisamment soutenus par leur entourage familial.

Dans cet esprit, nous avons examiné si des adolescents de NSE faibles avaient des environnements moins conviviaux durant les repas, moins de règles alimentaires et une moindre disponibilité de fruits et légumes à la maison que ceux de NSE plus élevés5.

Que mangent les ados australiens ?

Afin d’évaluer les variations de l’environnement familial selon le statut socioéconomique, nous avons invité des élèves des septième et neuvième années des écoles secondaires des régions urbaines et rurales de l’Etat de Victoria en Australie, à compléter un questionnaire en ligne sur leurs habitudes alimentaires, en 2004 et 2005. Au total, 3 264 étudiants (48% de filles) de 37 écoles ont complété ce questionnaire pendant une journée de classe. Nous avons également invité leurs parents à remplir un autre questionnaire sur leurs données démographiques personnelles (et celles de leur partenaire), incluant le plus haut diplôme obtenu. Nous avons alors utilisé les indicateurs maternels comme indicateur de NSE.

Des repas en famille moins conviviaux

La moindre qualité de l’alimentation chez les adolescents de faible NSE s’expliquerait en partie par des repas en famille moins conviviaux. Notre étude a montré que les adolescents ayant une mère peu éduquée rapportaient plus souvent qu’il leur était permis de regarder la télévision durant les repas. Dans une étude antérieure, cette habitude a été associée à des mauvais choix alimentaires et une réduction des interactions familiales6, 7, surtout dans les familles dont la mère possède un faible niveau d’éducation6. Notre étude a également observé que l’environnement des repas en famille chez les adolescents de NSE élevés facilitait plus une alimentation saine. Les adolescents dont la mère possède un haut niveau d’éducation rapportent plus souvent que des légumes sont toujours servis au dîner, que le repas du soir n’était jamais un moment désagréable pour la famille mais plutôt un moment toujours, ou le plus souvent, agréable, de dialogue et d’échange entre tous les membres de la famille.

Moins de règles alimentaires

Des études précédentes, menées elles chez les enfants, ont montré que les mères ayant un faible niveau scolaire instauraient moins de règles alimentaires à la maison8, 9. Au contraire, chez les adolescents, notre étude n’a pas retrouvé d’association entre le niveau scolaire maternel et les règles alimentaires. Une telle absence d’association pourrait refléter l’affaiblissement du contrôle parental sur les choix alimentaires de leurs enfants lorsqu’ils progressent de l’enfance à l’adolescence9 ou la réaction (positive ou négative) que des règles parentales peuvent avoir sur l’alimentation des enfants et des adolescents10, 11.

Moins d’aliments sains dans les placards

Une disponibilité moindre pour les aliments sains et plus importante pour les aliments à faible valeur nutritive dans les foyers de NSE faibles pourrait également expliquer en partie la mauvaise alimentation des adolescents. Notre étude a, en effet, observé que les adolescents dont les mères avaient un faible niveau d’éducation signalaient plus fréquemment la présence d’aliments à faible valeur nutritive (boisson sucrées, chips, bonbons) à la maison. Au contraire, les adolescents dont les mères avaient un haut niveau d’éducation étaient plus enclins à rapporter que des fruits étaient toujours ou habituellement présents à la maison. Ces résultats sont conformes à ceux des études précédentes qui ont observé une association significative entre le niveau d’éducation et les achats alimentaires. Les mères les moins éduquées étaient moins susceptibles d’acheter les aliments mentionnés dans les recommandations alimentaires12.

Disponibilité et environnement

Notre étude souligne l’importance de la disponibilité des aliments à la maison et de divers aspects de l’environnement du repas familial chez les adolescents de différents NSE. Les interventions visant à améliorer l’alimentation dans cette tranche d’âge devraient porter sur l’encouragement des parents – en particulier ceux de faibles NSE – à augmenter la disponibilité des aliments sains (par exemple, les fruits et légumes) et à offrir des repas en famille dans un environnement favorable à une bonne alimentation, avec, notamment, moins de télévision durant les repas.

Abbie MacFarlane
Centre pour l’Activité Physique et la Recherche Nutritionnelle, Ecole des Sciences de l’Exercice et de la Nutrition, Université Deakin, Australie
  1. Milligan, R., et al., Influence of gender and socio-economic status on dietary patterns and nutrient intakes in 18-year-old Australians. Australian & New Zealand Journal of Public Health, 1998. 22(4): p. 485-493.
  2. Videon, T.M. and C.K. Manning, Influences on adolescent eating patterns: the importance of family meals. Journal of Adolescent Health, 2003. 32(5): p. 365-373.
  3. Wardle, J., et al., Socioeconomic disparities in cancer-risk behaviors in adolescence: baseline results from the Health and Behaviour in Teenagers Study (HABITS). Preventive Medicine, 2003. 36(6 (Print)): p. 721-730.
  4. Neumark-Sztainer, D., et al., Overweight status and eating patterns among adolescents: where do youths stand in comparison with the Healthy People 2010 Objectives? American Journal of Public Health, 2002. 92(5): p. 844-851.
  5. MacFarlane, A., et al., Adolescent home food environments and socioeconomic position. Asia Pacific Journal of Clinical Nutrition, 2007. 16(4): p. 748-756.
  6. Coon, K.A., et al., Relationships between use of television during meals and children’s food consumption patterns. Pediatrics, 2001. 107(1): p. U49-U57.
  7. Taras, H.L., et al., Children’s television-viewing habits and the family environment. American Journal of Diseases of Children, 1990. 144(3 (Print)): p. 357-359.
  8. Hupkens, C.L.H. and R.A. Knibbe, Class differences in the food rules mothers impose on their children: a cross-national study. Social Science & Medicine, 1998. 47(9): p. 1331-1339.
  9. Hart, K.H., J.A. Bishop, and H. Truby, An investigation into school children’s knowledge and awareness of food and nutrition. Journal of Human Nutrition and Dietetics, 2002. 15(2): p. 129140.
  10. De Bourdeaudhuij, I., Family food rules and healthy eating in adolescents. Journal of Health Psychology, 1997. 2(1): p. 45-56.
  11. Fisher, J.O. and L.L. Birch, Restricting access to palatable foods affects children’s behavioral respoNSE, food selection, and intake. The American Journal of Clinical Nutrition, 1999. 69(6): p. 1264-1272.
  12. Turrell, G., et al., Socioeconomic differences in food purchasing behaviour and suggested implications for diet-related health promotion. Journal of Human Nutrition and Dietetics, 2002. 15(5): p. 355-364.
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