Fruits et légumes plus accessibles II

Les paniers alimentaires WIC ou comment changer de politique aux Etats-Unis…

Si les interventions éducatives pour augmenter la consommation de fruits et légumes ont remporté un certain succès, l’ampleur des changements comportementaux reste modeste1. Des analyses récentes semblent indiquer que des stratégies «en amont», associant politique de santé publique, fixation des prix et modifications de l’environnement, pourraient faciliter l’accès et la disponibilité aux aliments, tout en informant et en motivant les consommateurs2.

Favoriser l’achat en diminuant les prix

Alors que les preuves en faveur des effets bénéfiques pour la santé d’une consommation accrue des fruits et légumes s’accumulent, les stratégies qui favorisent leur achat en diminuant leurs prix retiennent de plus en plus l’attention. Bien qu’elles soient, à l’évidence, efficaces, ces stratégies ont été peu étudiées probablement en raison de leur coût. Ainsi, la réduction du prix des fruits et des mini carottes sur les lieux de travail et dans les écoles secondaires a entraîné une augmentation substantielle de leur vente3, 4.L’octroi de coupons pour l’achat de fruits et légumes sur les marchés locaux a fait l’objet de deux publications qui montrent un fort taux d’utilisation de ces coupons. La première concernait des adultes d’un certain âge ayant des faibles revenus durant une période de 5 ans5 et l’autre, les participants au programme spécial de supplémentation nutritionnelle chez les femmes, les nourrissons et les enfants (WIC) dans le Connecticut6.

Qu’y a-t- il dans les paniers alimentaires WIC ?

Aux Etats-Unis, WIC est un programme de santé publique, financé par le gouvernement et géré localement. Son principe : offrir des suppléments alimentaires de haute qualité nutritive, une éducation nutritionnelle et des consultations médicales à des femmes et des enfants à faibles revenus et à forts risques de carences durant les phases critiques de croissance et de développement. Le programme WIC s’est mis en place bien avant l’établissement d’une relation entre consommation de fruits et légumes et risque de maladies chroniques.

Au départ, les suppléments alimentaires sélectionnés ciblaient les carences nutritionnelles les plus flagrantes chez les femmes enceintes et allaitantes, les nourrissons et les enfants jusqu’à l’âge de 5 ans, à savoir : calcium, fer, vitamine A, vitamine C et protéines. Traditionnellement les paniers alimentaires comportaient des aliments riches en nutriments comme le lait, le fromage, les oeufs, les fèves, le beurre de cacahuète, les jus de fruits, les céréales enrichies en fer et les laits maternisés pour nourrissons.

On a beaucoup débattu de l’ajout des fruits et légumes dans les suppléments WIC. En 2005, un rapport de l’Institut de Médecine (IOM) a recommandé un certain nombre de modifications dont l’inclusion de fruits et légumes pour tous les participants âgés de plus de 6 mois7. Lors de notre étude, ils n’étaient fournis que sous la forme de jus (pour tous les participants âgés de plus de 4 mois) et de carottes fraîches pour les femmes allaitantes.

Un cadre idéal pour analyser les moyens d’augmenter la consommation de fruits et légumes

Cette étude a évalué l’impact d’une aide financière pour l’achat de fruits et légumes frais sur l’augmentation de leur consommation chez les femmes en post-partum. Le programme WIC offre un cadre idéal pour analyser les moyens d’augmenter la consommation de fruits et légumes. Il a pour objectif d’améliorer la qualité de l’alimentation, en offrant des aliments de haute qualité, de forte densité nutritionnelle et une formation diététique à une population ayant de faibles revenus. Ce programme a touché à peu prés la moitié des enfants nés aux Etats-Unis ainsi que leurs mères et environ 25% des enfants d’âge pré-scolaire8.

Dans cette étude, on a comparé, par rapport à un site témoin, deux interventions visant à augmenter la consommation des fruits et légumes. Les interventions portaient sur un important supermarché et un marché local ouvert toute l’année. Toutes les participantes à l’étude avaient accouché récemment, allaitaient ou non, parlaient l’anglais ou l’espagnol et étaient âgées d’au moins 18 ans.

14 mois de suivi

Après un suivi de 2 mois permettant d’évaluer leurs consommations de base de fruits et légumes, les participantes des deux sites d’intervention ont reçu chaque semaine $10 (en coupons de $1 pour le supermarché et de $2 pour le marché local), pour acheter les produits frais de leur choix.

Le groupe témoin a reçu des coupons de moindre valeur ($13 par mois) pour l’achat des couches jetables, en contrepartie du temps passé dans les entretiens.

L’intervention a duré six mois et les participantes ont été suivies durant six mois supplémentaires pour observer les modifications de leur consommation de fruits et légumes.

La consommation alimentaire a été évaluée à 4 reprises au cours des 14 mois de l’étude (au début, après 2 mois, à la fin de l’intervention à 6 mois et 6 mois après la fin) grâce à un auto-questionnaire à usage multiple enregistrant les consommations des 24 heures précédentes. Les descriptions des différentes consommations alimentaires globales ont été séparées en nutriments et en fruits et légumes puis converties en portions standards, selon les méthodes de l’USDA pour l’analyse des enquêtes nationales de consommation d’aliments. Les autres variables recueillies englobaient : les données démographiques, la participation à d’autres programmes gouvernementaux, la sécurité alimentaire, la fréquence des tétées et la taille et le poids des participantes.

Une ou deux portions supplémentaires grâce aux aides financières

La consommation totale de fruits et légumes a bien augmenté au cours de cette étude. Au départ, les participantes rapportaient une consommation moyenne de 5,4 portions de fruits et légumes au marché local, de 6,9 au supermarché et de 5,0 au site témoin. A la fin de l’intervention, elles consommaient en moyenne 7,8 portions aussi bien au marché local qu’au supermarché versus 4,8 au site témoin. Six mois après, cette augmentation s’était maintenue (7,5 et 7,4 portions en moyenne au marché local et au supermarché, respectivement) versus 4,9 pour le groupe témoin. Cette augmentation correspond à une (4 186 kJ – 1,000 kcal) ou deux portions supplémentaires (8,372 kJ -2,000 kcal) par jour. Elle résultait surtout d’une plus forte consommation de légumes.

Les recherches plaident en faveur d’un changement de politique

Les résultats de cette étude – et d’une étude similaire de plus longue durée (5 ans), effectuée dans un comté rural du nord de la Californie – ont permis d’étayer les recommandations du rapport IOM 2005 sur les changements à apporter au panier alimentaire WIC.7 Après une période de débat public, le Service de l’Alimentation et de la Nutrition de l’USDA a publié le 6 décembre 2007 un règlement final provisoire portant sur l’inclusion de fruits, de légumes et de céréales complètes dans les paniers WIC. Ces ajustements permettent aux paniers WIC de respecter les recommandations alimentaires américaines de 2005 et celles de l’Académie Américaine de Pédiatrie pour la nutrition des nourrissons, selon les recommandations du rapport de l’Institut de Médecine « Les paniers alimentaires WIC: il est temps de changer »7.

Aujourd’hui les agences gouvernementales américaines sont en pleine phase de planning et ces recommandations devraient être mises en oeuvre avant le 5 août 20098.

Dena R. Herman
Département des Sciences de Santé Communautaire, Ecole de Santé Publique UCLA, Los Angeles, USA
  1. Bowen DJ, Beresford SA. Dietary interventions to prevent disease. Ann Rev Public Health. 2002;23:255-286.
  2. Glanz K, Yaroch AL. Strategies for increasing fruit and vegetable intake in grocery stores and communities: policy, pricing, and environmental change. Prev Med. 2004;39:S75-S80.
  3. French SA, Jeffrey R, Story M, Hannan P, Snyder MP. A pricing strategy to promote low-fat snack choices through vending machines. Am J Public Health. 1997;87:849-851.
  4. French SA, Jeffrey R, Story M, et al. Pricing and promotion effects on low-fat vending snack purchases: the CHIPS Study. Am J Publ Health. 2001;91:112-117.
  5. Balsam A, Webber D, Oehlke B. The Farmers’ Market Coupon Program for low-income elders. J Nutr Elder. 1994;13:35-42.
  6. Anliker JA, Winnie M, Drake LT. An evaluation of the Connecticut Farmers’ Market coupon program. J Nutr Educ. 1992;24:185-1991.
  7. Institute of Medicine. WIC Food Packages: Time for a Change. Washington, DC: National Academy Press; 2005.
  8. US Department of Agriculture, Economic Research Service. Briefing rooms: the WIC program. Available at: http://www.ers.usda.gov/Briefing/WIC. Accessed March 16, 2005.
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