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Les beaux jours de l’épidémiologie

Les grandes épidémies infectieuses

Longtemps, l’épidémiologie s’est cantonnée à l’étude des grandes épidémies infectieuses.
Avant 1950, les principales infections dans les pays industrialisés s’appelaient : variole, peste, choléra, grippe espagnole, diphtérie, polio… Elles disparurent grâce aux progrès de l’hygiène et à l’apparition des vaccinations et des antibiotiques. Après 1950, l’épidémiologie s’est focalisée sur les causes de mortalité non transmissibles : maladies cardio vasculaires, cancers, maladies respiratoires, … suicide.
Grands responsables, alors: augmentation de l’espérance de vie, tabac, graisses saturées, sel… Les maladies infectieuses n’ont pas disparu pour autant. L’émergence régulière de nouvelles épidémies comme le sida, le SRAS, l’Ebola, l’ESB, et, récemment, la grippe aviaire, nous le rappelle.

Les injustices de la mortalité

Depuis le début du siècle la mortalité n’a cessé de diminuer. Une réduction qui a été particulièrement marquée entre 1900 et 1930 (progrès de l’hygiène), puis entre 1940 et 1952 (réduction du tabagisme et de la consommation de graisses saturées pendant la seconde guerre mondiale). Depuis une vingtaine d’années, on constate, cependant, un ralentissement net de cette réduction, en particulier chez les femmes (sans doute expliquée par une augmentation du tabagisme féminin…).
Mais l’écart d’espérance de vie entre l’Afrique et les pays industrialisés demeure énorme : pour chaque homme et chaque femme qui meurt en Suède, il y en a respectivement 9 et 13 qui meurent en Zambie. Selon l’OMS, si le Sida pouvait être éliminé, l’espérance de vie dans les pays africains ferait un bond de 15 ans chez les hommes et 18 ans chez les femmes.

Le présent : les facteurs de risques

L’épidémiologie qualifiée de “moderne” étudie les causes, la prévalence, l’incidence, le pronostic des maladies chroniques et leur influence sur la mortalité des populations. Elle vise à identifier des facteurs de risques. Les plus connus concernent les maladies cardio vasculaires et leur liste n’a vraisemblablement pas fini de s’allonger. Pour le cancer, les risques majeurs sont représentés par le tabac et les facteurs nutritionnels (en particulier le sel, les graisses saturées…)

LA CAUSALITÉ
Si l’épidémiologie n’apporte pas des preuves de causalité, elle peut fournir des évidences indéniables. Elle formule des hypothèses qui peuvent être testées par des études d’intervention. La causalité possible d’une évidence épidémiologique dépend de la force des corrélations, de l’indépendance des paramètres considérés, du niveau de la relation, de la logique et de la plausibilité biologique des résultats ainsi que de leur universalité, enfin de la séquence dans le temps des relations (une cause précède un effet, rarement l’inverse…).

Quels facteurs influencent la mortalité ?

Une des principales réalisations de l’épidémiologie moderne ? L’étude des déterminants majeurs de la santé des populations. Elle permet d’établir des comparaisons de mortalité entre divers pays et de mettre en évidence d’importantes différences qu’elle tente d’expliquer… Quelques grands facteurs peuvent ainsi être analysés :

1 – le niveau de soin médical

Il n’existe pas de corrélation significative entre la dépense de soin par habitant dans une population et le taux de mortalité. Ainsi, en terme de mortalité globale, les USA, en dépit d’un niveau de dépenses de santé les plus élevé au monde (14% du produit national brut), ne se trouvent qu’à la 26è place pour les hommes et la 30è pour les femmes, c’est-à-dire loin derrière un pays pauvre comme l’Albanie… Conclusion : le niveau de soin médical ne peut pas expliquer les différences majeures de mortalité entre les populations. Il faut les chercher ailleurs…

2 – les facteurs génétiques

S’ils ont une importance au niveau individuel (hypercholestérolémie familiale, hérédité du cancer du sein), ils n’ont pas d’influence au niveau des populations, dont le pool génétique ne peut pas évoluer de manière aussi rapide que la mortalité.

3 – le tabac

La cigarette est une des principales causes de cancer et LE responsable majeur des cancers du poumon. Elle accroît également la mortalité cardio vasculaire. L’augmentation du tabagisme depuis une trentaine d’années chez les femmes pourrait expliquer le ralentissement de la réduction de leur mortalité.

4 – la pollution

Peu d’évidences supportent cette hypothèse, en dépit d’une croyance bien établie. Ainsi, quand on compare 2 villes totalement opposées en terme de pollution : Singapour – qualifiée de ville la moins polluée du monde et Hong Kong – qui détient le record inverse, c’est à Hong Kong que la mortalité est la plus faible…

5 – le stress

Il a peu d’influence. Des pays à très haut niveau de stress comme le Japon ou Hong Kong ont des faibles taux de mortalité.

6 – la classe sociale

C’est un important déterminant de la mortalité. La question est de savoir quel facteur est à l’origine de la plus forte mortalité des classes défavorisées. Le tabac ? L’obésité ? Une mauvaise alimentation ?

7 – l’obésité

Si l’extension mondiale de l’obésité ne fait aucun doute, dans les pays où elle progresse, la mortalité a diminué de 30 à 50 % depuis les 30 dernières années (à l’exception de l’Europe de l’Est)…

8 – les contaminants alimentaires et pesticides

La crainte de ces contaminants est souvent un obstacle aux recommandations nutritionnelles prônant une plus forte consommation de poissons, de fruits et de légumes… C’est un tort. Les résidus de pesticides peuvent être largement éliminés par le lavage soigneux des fruits et des légumes dont la consommation demeure une recommandation forte. En outre, les pays à forte consommation de poisson, comme le Japon et l’Islande, ont une espérance de vie élevée.

9 – la nutrition

Les différences énormes de mortalité entre les populations peuvent être expliquées par des facteurs nutritionnels. Cependant leur étude est extrêmement complexe, tant au niveau individuel que des populations. Les données sont souvent biaisées et difficiles à interpréter. Quelques grandes relations sont quand même identifiées. Citons :

  • les graisses saturées et les maladies cardio vasculaires athéromateuses ;
  • le sel avec la pression artérielle et la prévalence des AVC ;
  • l’effet cardio protecteur du régime méditerranéen, riche en fruits et légumes et en graisses mono insaturées;
  • l’effet combiné du tabac et d’une forte consommation de graisses saturées sur la mortalité par cancer du poumon.

Néanmoins beaucoup de progrès restent à accomplir à l’échelon international dans le suivi nutritionnel des populations.

Quel avenir pour l’épidémiologie ?

Les grands défis de l’épidémiologie du 21è siècle ? On pourrait citer, pêle-mêle: une meilleure prévention et un diagnostic plus précoce des pathologies, la prise en compte de l’existence d’une espérance de vie maximale permettant de rationaliser le traitement des personnes très âgées, une meilleure connaissance des habitudes nutritionnelles des populations, l’établissement de recommandations nutritionnelles optimales, l’étude des interactions génétique – environnement, la prévention du surpoids et de l’obésité, sans oublier une utilisation plus rationnelle des ressources financières allouées aux traitements médicaux permettant de financer des recherches, en particulier dans le domaine de la nutrition, dont l’importance ne fait aucun doute aujourd’hui en terme de santé. Il y a donc du travail et l’épidémiologie a des beaux jours devant elle !

LE TOP 10 DES CAUSES DE MORTALITÉ DANS LE MONDE (OMS)

  1. malnutrition
  2. Sida
  3. HTA4
  4. tabac
  5. alcool
  6. hygiène, contamination de l’eau
  7. carence en fer
  8. fumées des combustibles solides
  9. hypercholestérolémie
  10. obésité
Andrée Girault
Présidente d’honneur du Comité Nutrition Santé d’Aprifel

D’après : H. Kesteloot, Dpt Epidemiology – “Epidemiology : past, present and future”, présenté à l’Assemblée Générale du 28 février 2006, School of public health – KULeuven

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