Comment augmenter la consommation de fruits & légumes à l’école ?

Les enfants consomment trop peu de fruits et de légumes… Pourquoi ?

A partir des données recueillies en 2006-2007 dans le cadre de l’Étude Nationale Nutrition Santé (ENNS), l’Institut de veille sanitaire (InVS) a récemment exploré de façon spécifique la consommation de fruits et légumes (F&L)chez les enfants1. L’échantillon analysé comportait 1 627 enfants et adolescents âgés de 3 à 17 ans, auprès desquels avaient été réalisés trois “rappels des 24 heures”.

58% de “petits consommateurs” chez les enfants

Premier constat : seulement un enfant sur cinq (20,2 %) consommait la quantité de F&L recommandée par le Plan National Nutrition Santé (PNNS), à savoir au moins cinq portions quotidiennes, soit 400 grammes. Une proportion équivalente (21,8%) affichait une consommation “moyenne”, c’est-à-dire comprise entre 280 g et 400 g/jour. Enfin, chiffre particulièrement préoccupant, près de 3 enfants sur 5 (58%) en mangeaient moins de 280 grammes (moins de 3,5 portions). Ce pourcentage était largement supérieur à celui observé chez les adultes, population au sein de laquelle l’enquête ENNS dénombrait “seulement” 35% de “petits” consommateurs.

Ces résultats apparaissent cohérents avec ceux observés dans d’autres pays européens2. Ainsi, en 2003, sur un panel de neuf pays, le pourcentage d’enfants de 11 ans bénéficiant d’un apport “suffisant” en F&L (au moins 400 g/jour) avait été estimé à 18% en moyenne. Mais des disparités existaient entre les pays étudiés : en Autriche, au Portugal ou encore au Danemark, environ 20% des enfants mangeaient assez de F&L. Mais ce pourcentage déjà faible était encore beaucoup plus réduit dans des pays comme l’Islande et l’Espagne où il atteignait à peine 8% des enfants enquêtés.

Un environnement socio-économique et éducatif défavorable

Au-delà de ces constats, l’objectif des chercheurs de l’InVS était d’identifier les caractéristiques sociales et/ou économiques pouvant être reliées à la probabilité de faibles apports en F&L chez les enfants. A cet égard, les résultats de l’étude montrent que plusieurs critères du statut socio-économique du foyer – le niveau scolaire de la “personne de référence” du ménage, la PCS (profession et catégorie socio-professionnelle) ainsi que l’éventuelle perception d’une situation d’insécurité alimentaire (crainte de ne pas pouvoir manger à sa faim) – sont associés, et cela de manière indépendante, aux quantités de F&L consommées par les enfants.

Ainsi, comparés aux enfants dont les parents ont un niveau scolaire supérieur au bac, les enfants d’un ménage de niveau “collège” ou “lycée” consomment moins de F&L. De même, les enfants appartenant à un foyer dont la personne de référence exerce une profession indépendante (agriculteur, artisan, commerçant ou chef d’entreprise) présentent une plus forte probabilité de faible consommation comparés aux enfants de cadres et de professions intermédiaires. On observera que cette catégorie de “travailleurs indépendants” regroupe en réalité des niveaux de revenus très variables… Enfin, les enfants vivant dans des foyers où une situation d’insécurité alimentaire était “souvent” ressentie (cas de 12% des enfants de l’échantillon) avaient une probabilité plus élevée de consommer beaucoup moins de F&L que les enfants appartenant à une famille où cette inquiétude était absente. On retrouve ici le lien entre très faible pouvoir d’achat et sous-consommation de ces deux types de produits.

Mais ne nous y trompons pas ! Dans les foyers les plus pauvres (mais aussi dans les familles moins défavorisées), la contrainte financière n’est pas le seul élément explicatif de la sous-consommation, par les enfants, de F&L.

Le poids des habitudes alimentaires familiales et d’autres freins de consommation

Bien d’autres freins peuvent, selon nous, intervenir. Le plus évident est l’absence fréquente de goût des enfants pour les fruits et, plus encore, pour les légumes (bien connue, cette “néophobie” alimentaire touche les enfants de toutes les classes sociales). A ce premier obstacle s’ajoute parfois le manque de goût des parents eux-mêmes pour ces aliments et/ou l’absence d’incitation de leur part pour que leurs enfants en consomment. Citons aussi le poids des habitudes alimentaires familiales ou culturelles, le savoir-faire culinaire parfois insuffisant, certaines représentations négatives des F&L (aliments perçus comme “traditionnels” c’est-à-dire… non “modernes”).

On peut citer d’autres facteurs, plus souvent observés au sein des ménages en situation de précarité : l’absence d’investissement personnel et social dans l’acte de manger (chacun mange pour soi, face à la télévision), la méconnaissance du rôle des F&L dans l’équilibre nutritionnel et la santé (et la faible sensibilité à la notion de “prévention”), la priorité accordée à la sensation de “ventre plein” (or les F&L sont peu rassasiants), la perte de repères (celle des horaires des repas par exemple) et les difficultés d’organisation personnelle des parents, le manque de motivation pour cuisiner ou encore l’absence d’espace de stockage, d’équipements et d’ustensiles de cuisine adaptés…

Eric Birlouez
Sociologue de l’agriculture et de l’alimentation, Paris, FRANCE
  1. Katia Castetbon et al. Caractéristiques sociales et économiques associées à la consommation de fruits et légumes chez les enfants de 3 à 17 ans en France métropolitaine, ENNS 2006-2007. Institut de veille sanitaire. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 22, mai 2009
  2. Yngve A, Wolf A, Poortvliet E, Elmadfa I, Brug J, Ehrenblad B, et al. Fruit and vegetable intake in a sample of 11-year-old children in 9 European countries: The Pro Children Cross-sectional Survey. Ann Nutr Metab. 2005; 49:236-45.
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