Spécial BRÉSIL

L’étiquetage alimentaire au Brésil : encore trop complexe !

Le Code de Protection du Consommateur, loi fédérale en vigueur au Brésil depuis 1990, offre un descriptif adapté, indiquant clairement la quantité, les caractéristiques, la composition, la qualité, le prix ainsi que les risques encourus pour tout produit disponible sur le marché. Pour que ce droit soit garanti, il est essentiel d’adopter une réglementation adéquate au niveau de l’étiquetage alimentaire, qui demeure un instrument important pour inciter les consommateurs à choisir des aliments plus sains.

Des informations trompeuses ou des données manquantes

En dépit de cette loi fédérale, la réglementation brésilienne sur l’étiquetage alimentaire n’offre pas une protection suffi sante aux consommateurs. Il existe pourtant bien une réglementation spécifi que, portant sur l’étiquetage des aliments en général, les informations nutritionnelles obligatoires, les allégations de santé et, plus récemment, le signalement obligatoire des aliments allergènes. Cependant, d’après des études brésiliennes, le contenu des étiquettes n’est pas toujours compris par les consommateurs. Sans compter qu’on observe régulièrement des informations trompeuses ou des données manquantes…

Il faut donc améliorer la réglementation brésilienne sur l’étiquetage, non seulement pour respecter les droits des consommateurs, mais aussi pour lutter contre le nombre grandissant de maladies non transmissibles (MNT) qui sont les causes majeures de mortalité et de morbidité au Brésil. L’Institut Brésilien de Défense des Consommateurs (IDEC – Instituto Brasileiro de Defesa do Consumido), une organisation nongouvernementale indépendante, intervient dans ce sens. Une de ses missions principales est d’améliorer la réglementation de l’étiquetage alimentaire au Brésil.

Une étude sur 817 femmes dans quatre villes majeures du Brésil

Pour aider le public à prendre conscience de l’importance de l’étiquetage alimentaire, l’IDEC a mené une étude pour évaluer en matière d’étiquetage alimentaire, à la fois le niveau de prise de conscience, le comportement, la perception et les préférences des consommateurs avec ou sans MNT.

Cette étude a été financée par l’IDRC (International Development Research Centre – Centre de Recherche sur le Développement International). Elle a été menée en mai 2013, auprès de 817 femmes, habitant dans quatre villes majeures du Brésil et représentant quatre des cinq régions géographiques du pays. Dans chaque ville, l’échantillon avait une distribution socioéconomique similaire. Chaque échantillon était divisé en deux groupes :

  •  «avec MNT» (si la personne ou un membre de son foyer avait une MNT)
  •  «sans MNT» dans le cas contraire.

Quatre diffi cultés majeures concernant l’étiquetage

Nous avons observé quatre diffi cultés majeures portant sur la compréhension et l’utilisation des informations nutritionnelles. En général, le niveau de compréhension des informations nutritionnelles était faible, quelle que soit la ville, le diagnostic d’une MNT, le revenu familial, le niveau d’éducation ou la composition familiale.

Concernant la lecture des informations nutritionnelles – même si elles sont considérées comme très importantes pour bien choisir les aliments – moins de la moitié des femmes savaient que l’étiquetage nutritionnel était obligatoire : seulement 46% des femmes les lisaient « parfois ».

Pour la majorité des participantes (80%) le simple fait d’agrandir la taille des caractères, changer les couleurs (comme pour les feux de circulation), les affi cher sur le devant de l’emballage, rendraient les informations nutritionnelles beaucoup plus compréhensibles. Selon 59% d’entre elles, des affi chages nutritionnels en couleur les encourageraient à changer leurs habitudes alimentaires.

Une réglementation sur l’étiquetage très complexe

Les résultats de cette enquête soulignent une nette demande d’amélioration de l’étiquetage alimentaire, à l’aide d’une présentation simple et claire, sans tromper le consommateur. Cependant, au Brésil, la réglementation sur l’étiquetage alimentaire est très complexe, bien que l’Agence Nationale de Vigilance Sanitaire du Ministère de la Santé- ANVISA (Agência Nacional de Vigilância Sanitária) en ait la responsabilité principale. D’autres ministères, et même le Congrès Fédéral, ont émis des réglementations à ce sujet. De plus, la réglementation sur l’étiquetage a été harmonisée au niveau du Mercosur (Mercado Comum do Sul, le Marché Commun du Sud), tout changement devant être renégocié auprès des autres pays membres.

Les grandes multinationales agro-alimentaires, les ‘Big Food’, au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique Latine, profi tent de cette réglementation «tortueuse». Ces multinationales résistent à des modifi cations de l’étiquetage alimentaire qui souligneraient la composition nutritionnelle des produits industriels et leurs caractéristiques malsaines ou qui limiteraient l’utilisation de stratégies de marketing agressives auprès des enfants.

L’amélioration de l’étiquetage alimentaire fait déjà partie de l’agenda du Ministère de la Santé et sa révision est en cours. Cependant, il est nécessaire d’abattre les barrières actuelles afi n que les consommateurs brésiliens puissent exercer pleinement et garantir leur droit de choisir une alimentation correcte et saine.

Ana Paula Bortoletto Martins
Nutritionniste et Chercheuse à l’IDEC (Instituto Brasileiro de Defesa do Consumido) – Institut Brésilien pour la Défense des Consommateurs, BRESIL

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Martins APB (Org). Food labeling and chronic diseases: consumers’ perception in Brazil. Instituto Brasileiro de Defesa do Consumidor – IDEC. Cadernos IDEC. 3rd volume. 2014. Available at: www.idec.org.br/uploads/publicacoes/publicacoes/rotulagem-de-alimentos-e-doencas-cronicas.pdf (in Portuguese and in English) Monteiro CA, Cannon, G. The impact of transnational ‘Big Food’ companies on the South: a view from Brazil. Plos Medicine, 9(7), 2012. Available at: http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001252

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