Spécial BRÉSIL

Réglementation de l’étiquetage alimentaire au Brésil : Progrès et défis

Au cours des deux dernières décennies, le gouvernement brésilien a mis en place toute une panoplie de politiques, programmes et actions visant à promouvoir une alimentation saine à base d’aliments nutritifs et sûrs. Certaines mesures incitent à produire et à consommer des fruits et légumes sans pesticides ou autres contaminants, généralement peu consommés par les Brésiliens.

Des campagnes publicitaires persuasives

De telles initiatives se heurtent aux pratiques du secteur privé, qui valorisent plutôt la production et le marketing d’aliments industriels dont la consommation est en forte croissance. La composition de ces aliments transformés, caractérisée par une forte teneur en matières grasses, sucres et sel, explique que leur consommation soit associée à divers problèmes de santé. Ces pratiques contribuent également aux problèmes environnementaux et sociaux et vont même jusqu’à affecter la diversité culturelle de l’alimentation brésilienne 1.

Le marketing utilisé par ces sociétés est nuisible. Il enfreint de nombreux droits, en particulier ceux des enfants. De plus, il s’oppose à des choix alimentaires sains, en infl uençant les achats des familles par des campagnes publicitaires persuasives, voire sans scrupules. La réglementation de la publicité des produits alimentaires joue donc un rôle stratégique dans la protection des personnes les plus vulnérables à ces pratiques marketings, notamment les enfants.

Un vaste panorama réglementaire !

La réglementation du secteur publicitaire a débuté au Brésil dans les années 60. Cependant, c’est la Constitution Fédérale de 1988 qui a accordé à l’Etat le pouvoir de protéger la population des stratégies et des pratiques marketings potentiellement nuisibles à leur santé. Le Code de Protection et de Défense des Consommateurs (Loi 8078/90) comporte différentes clauses qui protègent contre la publicité mensongère et abusive. Il a été confi rmé par le texte de 1988.

Aujourd’hui, certaines réglementations et pratiques représentent des avancées importantes dans ce domaine. On peut citer la Loi 11.265 de 2006 qui régule le marketing des aliments destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants tout en encourageant l’allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois et son maintien partiel après diversifi cation alimentaire jusqu’à l’âge de deux ans.

La Résolution RDC 24, 2010 de l’Agence Nationale de Surveillance Sanitaire (ANVISA Agência Nacional de Vigilância Sanitária) régule et contrôle la publicité et d’autres pratiques concernant les aliments à forte teneur en sucres, matières grasses saturées, acides gras trans, sodium et aux boissons à faible valeur nutritionnelle. De plus, la Résolution 163 du Conseil National pour les Droits des Enfants et des Adolescents de 2014 (CONANDA – Conselho Nacional dos Direitos da Criança e do Adolescente) défi nit comme abusives les pratiques de publicité et de marketing ciblant les enfants dans le but d’encourager leur consommation. Enfi n, depuis l’an 2000, au Congrès, 81 propositions de loi existent à ce sujet, dont la PL 5921/2001 qui interdit la publicité destinée aux enfants et reste en attente de ratifi cation².

Confl its d’intérêts et rôle de l’etat

Malgré ces avancées, la RDC 24 a été temporairement suspendue par injonction de la Cour Fédérale, à la demande de l’Association Brésilienne des Industries Agro Alimentaires, laquelle remettait en question la compétence de l’ANVISA dans ce domaine³. Cette mesure illustre bien les confl its d’intérêts qui existent entre le secteur industriel et certains organismes gouvernementaux, face aux politiques visant à protéger les droits aux aliments appropriés et sains, garantis par la Constitution et la Loi Organique Brésilienne. Ce fait souligne l’infl uence politique du lobby de l’industrie privée au Brésil et la complexité de la réglementation qui doit résoudre les problèmes à la fois pratiques, sociaux et politiques, des différentes parties prenantes 4.

La réglementation de la publicité alimentaire doit évoluer. Le débat se poursuit quant aux effets de la publicité, concernant notamment l’éducation des enfants. Le secteur marchand, dont les pratiques se heurtent aux principes défi nis par la loi, participe à la prise de décision politique et peut retarder, voire empêcher, l’atteinte des objectifs fixés 5.

En réalité, promouvoir une alimentation saine reste un défi . L’Etat doit assumer son rôle essentiel : la régulation des pratiques promotionnelles des produits alimentaires afi n de garantir et de protéger les droits liés à l’adoption de pratiques alimentaires saines.

Patricia Henriques
Collège de Nutrition, Université Fédérale Fluminense, Nitéroi, Etat de Rio de Janeiro, BRESIL
Patricia Camacho Dias
Collège de Nutrition, Université Fédérale Fluminense, Nitéroi, Etat de Rio de Janeiro, BRESIL
Luciene Burlandy
Collège de Nutrition, Université Fédérale Fluminense, Nitéroi, Etat de Rio de Janeiro, BRESIL
  1. ORGANIZAÇÃO PAN-AMERICANA DA SAÚDE. Recomendações da consulta de especialistas sobre a promoção e a publicidade de alimentos e bebidas não alcoólicas para crianças nas Américas. Washington DC: Organização Pan- Americana da Saúde; 2012. 2. MARTINS APB. Publicidade de alimentos não saudáveis: os entraves e as perspectivas de regulação no Brasil. Instituto Brasileiro de Defesa do Consumidor. Cadernos Idec – Série Alimentos – Volume
  2. São Paulo: Idec, 2014.
  3. GOMES FS, CASTRO IRR, MONTEIRO CA. Publicidade de alimentos no Brasil: avanços e desafi os. Rev Cienc e Cult, 62:48-51, 2010.
  4. HENRIQUES P, DIAS PC, BURLANDY L. A regulamentação da propaganda de alimentos no Brasil: convergências e confl itos de interesses. Cad. Saúde Pública, 30(6):1219-1228, 2014.
  5. BURLANDY L, GOMES FS, CARVALHO CM, DIAS PC, HENRIQUES, P. Intersetorialidade e potenciais confl itos de interesses entre governos e setor privado comercial no âmbito das ações de alimentação e nutrição para o enfrentamento de doenças crônicas não transmissíveis. Vigilância Sanitária em Debate: Sociedade, Ciência & Tecnologia, 2: 124 -129, 2014.
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