Interaction entre alimentation et microbiote intestinal : un atout pour la santé

Polyphénols et microbiote : une relation gagnant-gagnant

Bien connus pour leurs effet anti-oxydants, les polyphénols font également l’objet de travaux visant à comprendre leurs relations avec le microbiote intestinal. Une récente revue de la littérature a examiné l’état des connaissances à ce sujet avec un focus sur certains composés particulièrement apportés par les fruits et légumes. D’après ce travail, polyphénols et microbiote digestif s’influencent mutuellement. Les polyphénols jouent un rôle de modulateur de la composition et du fonctionnement du microbiote intestinal, favorisant l’instauration d’un microbiote sain. A l’inverse, les bactéries du microbiote transforment les polyphénols en des formes plus actives et mieux absorbées par le système digestif.

Grâce à leur capacité antioxydante, les polyphénols (voir encadré) joueraient un rôle déterminant en nutrition humaine. En s’opposant aux effets des espèces réactives de l’oxygène, ils aideraient l’organisme à lutter contre le stress oxydatif et joueraient un rôle protecteur vis-à-vis des maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète, les cancers et les maladies cardiovasculaires (Maurya, 2020). Il semble également que les polyphénols puissent influer sur la composition et le fonctionnement du microbiote intestinal.

Ainsi, divers travaux cherchent à identifier les effets des polyphénols sur le microbiote afin de concevoir des interventions nutritionnelles ou thérapeutiques favorisant la présence d’espèces bactériennes bénéfiques. Une récente revue de la littérature (Shabbir, 2021) a examiné les effets des polyphénols végétaux sur la composition du microbiote intestinal. Un focus particulier a été mis sur les polyphénols présents dans les fruits et légumes : quercétine, catéchines et curcumine.

Microbiote intestinal et polyphénols, une relation complexe et dynamique

Considérant les données disponibles, les auteurs indiquent que polyphénols et microbiote digestif s’influencent mutuellement ce qui contribue à la santé des individus (Jamar, 2017). La rétention des polyphénols végétaux dans les intestins semble avoir des effets bénéfiques sur le microbiote intestinal. Des travaux montrent, ainsi, que les polyphénols végétaux peuvent moduler la composition du microbiote via une activité antimicrobienne ou un effet de type prébiotique contre les bactéries intestinales nuisibles (Ozdal, 2016). A l’inverse, le microbiote intestinal accroit l’activité biologique des polyphénols végétaux en les transformant en métabolites absorbables et actifs (phénoliques).

Les variations de la composition du microbiote intestinal sont, ainsi, susceptibles d’affecter la biodisponibilité et l’effet des polyphénols végétaux et de leurs métabolites (Espin, 2017). La littérature a permis d’identifier divers bénéfices santé qui seraient associés à une modulation du microbiote intestinal due aux polyphénols végétaux (voir figure 1).

Figure 1. Principales sources alimentaires de polyphénols et bénéfices potentiels pour la santé associés au microbiote intestinal
(Adaptée de Shabbir et al., 2021)

Focus sur le métabolisme et les effets de la quercétine et des catéchines, des polyphénols

La quercétine est l’un des flavonoïdes les plus courants présents dans les aliments. Elle appartient à la famille des flavonols. On la trouve couramment dans le thé vert, la laitue, les feuilles de radis, la canneberge, la pomme, l’oignon, la coriandre, la livèche, le sarrasin, etc. La quercétine agit généralement comme un pigment et donne de la couleur à de nombreux fruits et légumes (Ulusoy, 2020).

Une fois absorbée, 65 à 81 % de la quercétine va au foie où elle est métabolisée et devient biodisponible (Bischoff, 2008). Des réactions métaboliques complexes dans l’intestin grêle et l’estomac font que sa biodisponibilité est inférieure à 10 %. La quercétine est également transformée en ses métabolites actifs par le microbiote intestinal, principalement par Bacteroides fragilis, Eubacteriumnramulus, et C. perfringens. Les données disponibles montrent divers effets intéressant de la quercétine vis-à-vis des maladies métaboliques (Figure 2).

Figure 2. Biotransformation de la quercétine en métabolites par le microbiote intestinal et leurs effets sur la santé humaine
(Adaptée de Shabbir et al., 2021)

Les catéchines sont, quant à elles, largement présentes dans de nombreux aliments et herbes (par exemple, le thé, la pomme, le cacao, le kaki, les baies et le raisin). Les catéchines comprennent l’épigallocatéchine-3-gallate (la plus abondante et biologiquement active), l’épigallocatéchine, l’épicatéchine, l’épicatéchine-3-gallate, le gallate de gallocatéchine et les gallocatéchines (Khan, 2019).

Une fois ingérées, les catéchines traversent l’intestin grêle et atteignent le côlon, où elles sont métabolisées par la microflore ; le microbiote intestinal est donc essentiel pour leur biotransformation en leurs métabolites. (Clifford, 2013). Eggerthella lenta et Flavonifractor plautii sont principalement responsables de la biotransformation des catéchines alimentaires. La littérature montre de nombreux effets positifs de ces substances sur la santé (Figure 3).

Voie métabolique et métabolites communs de la catéchine et leurs effets modulateurs sur l'intestin humain.
Figure 3. Voie métabolique et métabolites communs de la catéchine et leurs effets modulateurs sur l’intestin humain.

En conclusion de ce travail, les auteurs soulignent l’intérêt des polyphénols alimentaires pour un microbiote intestinal sain car ils peuvent favoriser les souches bénéfiques au détriment des souches pathogènes. Pour autant, dans une optique thérapeutique vis-à-vis des maladies métaboliques, les auteurs considèrent les données actuelles encore insuffisantes. Elles proviennent, en effet, essentiellement d’études réalisées chez l’animal avec des protocoles trop différents pour permettre leur comparaison. Ainsi, les auteurs soulignent la nécessité d’études cliniques pour estimer les effets spécifiques des polyphénols sur le microbiome intestinal humain chez les patients atteints de syndromes métaboliques.

Basé sur : Shabbir U, et al. Curcumin, Quercetin, Catechins and Metabolic Diseases: The Role of Gut Microbiota. Nutrients. 2021 Jan 12;13(1):206.

Les polyphénols

Les polyphénols végétaux sont des métabolites secondaires des plantes et une classe de phytonutriments non essentiels. Présents de manière ubiquitaire dans diverses parties des plantes (racines, tiges, feuilles, fleurs, pulpe), les polyphénols sont particulièrement abondants dans les fruits, les légumes et les céréales (Ma, 2020; Rubab, 2020). Du fait de leur poids moléculaire élevé et de leur structure complexe, les polyphénols sont peu absorbés par l’intestin grêle (5 à 10%) et 90-95% des polyphénols sont absorbés au niveau du côlon. Par ailleurs, la plupart des polyphénols présents dans l’alimentation sont sous une forme inactive, et doivent être métabolisés pour agir. Cette métabolisation est généralement réalisée par le foie, ainsi que par certaines espèces du microbiote intestinal. Plus de 8000 polyphénols ont été décrits (Costa, 2017), ils sont subdivisés en plusieurs classes structurelles : lignanes, acides phénoliques, stilbènes, tanins condensés ou hydrolysables, et flavonoïdes (contenant des anthocyanes et des isoflavonoïdes).

Messages clés
  • Du fait de leur capacité antioxydante, les polyphénols végétaux sont identifiés comme des candidats prometteurs susceptibles de prévenir et combattre diverses maladies métaboliques.
  • Ces substances étant métabolisées dans l’intestin, leur rétention pendant une longue période pourrait avoir un effet bénéfique sur le microbiote intestinal.
  • A l’inverse, le microbiote intestinal renforce l’activité biologique des polyphénols en les transformant en métabolites actifs, contribuant à améliorer la santé intestinale globale et à agir contre les troubles métaboliques.
Méthodologie
Références
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