Les substances bioactives dans les fruits et légumes

Substances bioactives des fruits et légumes : focus sur les polyphénols

Les fruits et légumes (F&L) exercent de nombreux effets bénéfiques sur la santé. On attribue ces actions à un certain nombre de leurs composés, tels que les vitamines, les minéraux, les fibres alimentaires, les phytostérols, les saponines, les glucosinates et les polyphénols. Malgré les effets bénéfiques des polyphénols sur la santé humaine, notamment pour leurs propriétés antioxydantes et chimio-préventives, ils ne bénéficient d’aucune recommandation sur leurs apports journaliers. Cela peut s’expliquer principalement par le manque de connaissances concernant leurs activités biologiques, leurs biodisponibilités et leurs pharmacocinétiques, ainsi que par des données incomplètes sur la composition des aliments en polyphénols. En effet, ces derniers regroupent un très grand nombre de molécules, caractérisés par des structures phénoliques variées.

Les polyphénols sont largement répandus dans les F&L, sous forme de flavonoïdes, acides phénoliques, stilbènes et lignanes. Cette richesse pourrait être un argument de poids pour renforcer l’image positive de ces aliments et aiderait ainsi à augmenter leur consommation.

Une difficulté : quantifier la composition alimentaire en polyphénols

Le Réseau International des Systèmes de Données Alimentaires – The International Network of Food Data Systems (INFOODS) – a déjà mis en oeuvre un programme pour acquérir et échanger des bases de données analysant les compositions des aliments dans le monde entier. Pour compléter les travaux actuels sur les macro et micronutriments connus, il serait pertinent d’améliorer la qualité et la disponibilité des données concernant tous les composés bioactifs, dont les polyphénols. Il serait également intéressant de recouper ces informations avec les habitudes alimentaires de chaque pays, afin d’améliorer la santé des populations vulnérables. Par exemple, l’état de santé des personnes obèses dans les populations rurales du Mexique pourrait être amélioré par la consommation de F&L locaux, une source riche en polyphénols aux propriétés antioxydantes, et en fibres alimentaires 1.

L’évaluation de la consommation de polyphénols a déjà été effectuée dans certains pays. Il semblerait que les adultes brésiliens et américains consomment beaucoup de polyphénols, surtout des flavonoïdes (consommations estimées respectivement à 60-106 mg/jour et à 190 mg/jour). Au Brésil, cet apport serait principalement dû à la consommation de F&L : 70% venant des oranges, 8,9% de la laitue et 5,8% des oignons. Ces chiffres paraissent élevés lorsqu’on les compare à la Finlande
(55 mg/jour) et au Danemark (29 mg/jour).

Teneur en polyphénols et activité antioxydante des F&L

Au cours des dernières années, un certain nombre de composés bioactifs comme les polyphénols ont été inscrits dans les bases de données de compositions alimentaires. Les F&L sont une source majeure de polyphénols : les raisins noirs (91,23 mg/100g), les pommes (56,35 mg/100g), les goyaves (126,4 mg/100g), les fraises (97,56 mg/100g), les pousses de brocoli (73,78 mg/100g) ou les artichauts (260,3 mg/100g). De plus, on constate que le stade de maturité (immature, mûr, bien mûr, trop mûr) de certains fruits, comme le durian, peut influencer leur teneur en polyphénols et leur activité antioxydante, celle-ci étant plus élevée dans les fruits trop mûrs 2.

L’activité antioxydante est proportionnelle à la teneur en flavonoïdes. Ainsi, dans les litchis, on a démontré une corrélation positive entre leur propriété antioxydante et leur teneur en flavonoïdes (28,8mg/100g). De même, certains tannins du Feijoa (goyavier du Brésil), les proanthocyanidines, seraient principalement responsables de l’activité antioxydante de ce fruit 3.

Des synergies d’actions antioxydantes bénéfiques pour la santé

Les propriétés antioxydantes des polyphénols préviendraient la peroxydation lipidique ainsi que les dommages causés aux protéines et à l’ADN. De nombreux polyphénols alimentaires sont des antioxydants capables de capter les ROS (espèces réactives de l’oxygène) et les radicaux libres toxiques formés par la peroxydation des lipides. Ils exercent ainsi des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes sur le métabolisme. De plus, l’association de certains aliments comme des fruits (fraises, mûres, pommes), des légumes (brocolis, tomates, champignons et choux fleur pourpre) et des légumineuses (soja, haricots adzukis, haricots rouges ou noirs) est capable de créer des synergies d’actions antioxydantes qui accroissent l’effet bénéfique sur la santé cardiovasculaire 4. En outre, une alimentation comportant des fruits tropicaux riches en polyphénols, comme le durian (309,7mg/100g) ou le mangoustanier (190,3 mg/100g) pourrait lutter contre l’élévation des lipides sériques et le déclin de l’activité antioxydante.

En définitive, bien que certaines observations cliniques sur l’usage des polyphénols montrent des résultats positifs prometteurs sur la santé humaine 5, de nouveaux travaux de recherche sont encore nécessaires pour évaluer leur biodisponibilité et leurs effets biologiques.

Mysore Nanjara Shashirekha
Département de Technologie des Fruits et Légumes, CSIR-CFTRI (Conseil de recherche scientifique et industriel Institut Central de Recherche en Technologie Alimentaire), Mysore, INDE
  1. Hernandez, D. H., Garcia, O. P., Rosado, J. L. and Goni, I. (2011). The contribution, of fruits and vegetables to dietary intake of polyphenols and antioxidant capacity in a Mexican rual diet: Importance of fruit and vegetable variety. Food Res. Int. 44:1182–1189.
  2. Haruenkit, R., Poovarodom, S., Lentowicz, H., Lentowicz, M., Sajewicz, M.,Kowalska, T., Delgado-Licon, E., Rocha-Guzman, N. E., Infante, J. A. G., Trakhtenberg, S. and Gorinstein, S. (2007). Comparative study of health properties and nutritional value of durian, mangosteen and snake fruit: Experiments in vitro and in vivo. J. Agric. Food Chem. 55:5842–5849.
  3. Weston, R. J. (2010). Bioactive products from fruit of the feijoa (Feijoa sellowiana, Myrtaceae): A review. Food Chem. 121:923–926.
  4. Wang, S., Meckling, K. A., Macrone, F. M., Kakuda, Y. and Tsao, R. (2011). Can phytochemical antioxidant rich foods act as anti-cancer agents? Food Res. Int. 44:2545–2554.
  5. Patil, B. S., Jayaprakasha, G. K., Chidambara Murthy, K. N. and Vikram, A. (2009). Bioactive compounds: Historical perspectives, opportunities, and challenges. J. Agric. Food Chem. 57:8142–8160.
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