Santé cardiovasculaire, consommation de F&L et politiques européennes

Des systèmes alimentaires durables pour une meilleure santé cardiovasculaire

Dans un monde parfait, les objectifs alimentaires et nutritionnels reposant sur des éléments de preuve se traduiraient rapidement par des directives alimentaires claires fixées par les gouvernements. Les individus modifieraient alors leurs choix alimentaires pour suivre les dernières recommandations. Résultat attendu ? Une consommation plus importante de produits sains et une diminution de la consommation de produits moins bons pour la santé.

Cependant, les systèmes actuels sont complexes. Ils mettent en jeu de longues chaînes alimentaires qui comportent plusieurs acteurs différents. De nombreux facteurs agissant sur l’offre du marché (ce qui est produit, comment et à quel prix de vente) ont un impact sur l’environnement alimentaire. Ce dernier, couplé aux préférences individuelles en matière d’aliments, influence les décisions des consommateurs. La complexité des systèmes alimentaires représente à la fois des défis et des opportunités pour les décideurs politiques. De nombreux facteurs mondiaux et externes échappent au contrôle unilatéral des autorités nationales ou régionales, sans même parler des individus. Il existe cependant de nombreux points d’entrée tout au long de la chaîne alimentaire au niveau desquels les décideurs politiques peuvent agir pour rendre possible et encourager une alimentation saine et durable. (cf. http://ilsi.org/wp-content/uploads/2017/01/10-FANZO.pdf)

Nous allons en étudier certains, en particulier : l’offre alimentaire et agricole, les accords sur le commerce et l’investissement, la promotion des produits alimentaires et les liens entre alimentation et environnement.

Agriculture et offre alimentaire : comment la production alimentaire impacte la santé cardiovasculaire ?

La politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne peut définir quelles sont les denrées produites et promues et, par conséquent, jouer un rôle important en créant un environnement propice à des changements alimentaires bénéfiques, améliorant en retour la santé cardiovasculaire. Il semble nécessaire d’évaluer minutieusement les avantages en termes de nutrition et de santé d’une réforme importante, voire de la suppression, de la PAC. Une remise en cause radicale de la PAC pourrait fortement contribuer, par exemple, à la promotion d’aliments comme les F&L, reconnus pour protéger contre les MCV et autres maladies non transmissibles (MNT). La question est désormais de savoir si la récente proposition de la Commission européenne, –
dont l’un des objectifs est d’«améliorer la réponse de l’agriculture de l’UE à la demande sociétale en matière d’alimentation et de santé, notamment pour une alimentation sûre, nutritive et durable…» – aboutira favorablement…

Impact des accords sur le commerce et l’investissement sur l’alimentation et la nutrition

Les accords sur le commerce et l’investissement affectent à plusieurs niveaux l’environnement alimentaire et nutritionnel en rapport avec les MCV :

  • Ils influencent directement la disponibilité et le prix relatifs des aliments «malsains»
  • Ils limitent la capacité des gouvernements à mettre en œuvre des politiques nutritionnelles fortes en matière de santé publique (restreignant l’espace politique) et renforcent l’influence que peuvent avoir d’autres parties prenantes, comme l’industrie, sur les politiques.
  • Des évaluations ciblées de l’impact de la politique commerciale sur la santé – idéalement dans le cadre de négociations commerciales – sont donc nécessaires, ainsi que des analyses politiques, afin d’étudier la manière d’intégrer la nutrition dans l’élaboration des politiques relatives au commerce et à l’investissement(1).

La promotion des aliments : une force motrice majeure des modèles de consommation

La promotion commerciale des aliments et boissons riches en sucre, en matières grasses ou en sel favorise largement un environnement alimentaire « obésogène » en Europe. En outre, ces produits représentent un important facteur de risque de développer des maladies liées à l’alimentation.
Les professionnels du marketing alimentaire ciblent particulièrement les enfants, en raison de leur influence considérable sur les dépenses de la famille.
Ils tentent de façonner leurs préférences alimentaires et gustatives, tout en développant leur fidélité à une marque, qui se poursuit d’ailleurs souvent à l’âge adulte (2). La promotion alimentaire s’effectue à la fois par des moyens de diffusion traditionnels mais aussi, et de plus en plus, à travers les médias numériques extrêmement ciblés.

L’OMS a établi un Ensemble de recommandations sur la commercialisation des aliments et des boissons non alcoolisées destinés aux enfants (3) ainsi qu’un cadre pour leur application. Certains pays européens ont introduit des restrictions sur la promotion des aliments néfastes pour la santé qui cible les enfants. Cependant, la plupart de ces recommandations sont volontaires
(donc non obligatoires) ou reposent sur une approche d’autorégulation. Ainsi, beaucoup sont critiquées comme étant trop restrictives ou inefficaces face à l’étendue de la publicité à laquelle sont exposés les enfants.

Les approches actuelles pour limiter l’exposition des enfants au marketing des aliments néfastes pour la santé sont clairement insuffisantes. Même si des recherches approfondies sur l’impact de la promotion numérique des produits alimentaires sont nécessaires (réseaux sociaux, sites Internet…), il existe suffisamment de preuves des effets combinés des différentes formes de
marketing alimentaire pour justifier la nécessité de mesures politiques fermes pour protéger les consommateurs (en particulier les enfants) contre la publicité omniprésente d’aliments «malsains».

Pour un duo gagnant santé-environnement

Les changements environnementaux mondiaux sont affectés par les activités du système alimentaire, en particulier de l’agriculture. Globalement, les tendances actuelles reflètent une consommation plus importante de viande et de produits d’origine animale (5). Cependant, la production de ces aliments engendre des émissions de gaz à effet de serre et une empreinte hydrique
supérieures à celles des aliments d’origine végétale(6).
Les changements environnementaux peuvent avoir un impact négatif sur la santé en général. Des études montrent que les personnes pauvres auraient un apport calorique plus réduit, tandis que les personnes riches une consommation de fruits et légumes plus faible (7).
Il existe un chevauchement considérable entre la consommation d’aliments favorisant une bonne santé cardiovasculaire et l’atteinte de niveaux élevés de durabilité environnementale. Des directives en matière d’alimentation et des approches politiques plus élargies, dépassant l’influence sur les choix individuels, sont nécessaires pour parier sur un duo gagnant santé-environnement.

Susanne Løgstrup
Directrice de l’European Heart Network, BELGIQUE
Transforming European food and drink policies for cardiovascular health – Chapter 3: Sustainable food systems for cardiovascular health. EHN paper 2017 http://www.ehnheart.org/publications-and-papers/publications/1093:transforming-european-food-and-drinks-policies-for-cardiovascular-health.html
  1. Hirono, K.et al. BMJ Open 6, (2016)
  2. Lobstein, T.et al. Lancet (2015).
  3.  WHO. Set of recommendations on the marketing of foods and non-alcoholic beverages to children. (2010).
  4. WHO.1–61 (2012).
  5. Tilman, D.& Clark, M.Nature 515, 518–522 (2014).
  6. Hess, T., Andersson, U., Mena, C.& Williams, A. Food Policy 50, 1–10 (2015).
  7. Springmann, M.et al. Lancet 387, 1937–1946 (2016).
Retour Voir l'article suivant