Consommation de F&L : promouvoir les actions et les méthodes participatives pour changer les habitudes alimentaires

Vers des choix alimentaires plus durables, la place des fruits et légumes

Qu’est-ce qu’une alimentation durable ?

D’après la FAO, les régimes alimentaires durables sont des régimes ayant de faibles conséquences sur l’environnement, tout en étant culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement adéquats, sûrs et sains 1.

Une série d’études ont été menées en France sur la durabilité des régimes alimentaires

Manger ce dont nous avons besoin (pas plus)

Des approches de type épidémiologique ont tout d’abord mis en évidence une grande variabilité interindividuelle de l’impact carbone des régimes consommés actuellement ; cette variabilité étant principalement expliquée par la variabilité des quantités consommées, avec de fortes corrélations positives entre les apports alimentaires (en poids ou en calories) et l’impact carbone des régimes individuels 2. Ceci confirme que le premier levier pour réduire l’impact environnemental de notre alimentation est de manger ce dont nous avons besoin (pas plus), en évitant de gaspiller.

Réduire l’impact carbone de notre assiette, tout en garantissant sa qualité nutritionnelle

Pour tendre vers des régimes plus durables, la difficulté réside dans le fait que les différentes dimensions de l’alimentation durable ne sont pas nécessairement compatibles entre elles, une alimentation de bonne qualité nutritionnelle étant souvent plus coûteuse 3, et pas nécessairement bonne pour l’environnement 4. Ceci s’explique en partie par le fait que des ingrédients de piètre qualité nutritionnelle, comme le sucre, le sel, les matières grasses végétales, la farine raffinée, et les produits alimentaires issus de ces ingrédients, ont à la fois un faible prix et un faible impact carbone 5. Une alimentation principalement basée sur ces produits serait ainsi très abordable financièrement et faiblement émettrice de gaz à effet de serre, mais de piètre qualité nutritionnelle.

Dès lors, est-ce possible, à travers les choix alimentaires que nous faisons, de réduire l’impact carbone de notre assiette, tout en garantissant sa qualité nutritionnelle, sans augmenter son prix et sans nuire à son acceptabilité culturelle ?

Existe-t-il déjà des régimes plus durables ? L’approche de la « déviance positive »

Une façon d’aborder la question est d’utiliser l’approche dite de la « déviance positive », qui consiste à identifier, parmi les régimes existants, ceux qui combinent les différentes qualités recherchées : plus faible impact environnemental, meilleure qualité nutritionnelle, prix maîtrisé. Les résultats montrent que ce type d’alimentation est spontanément pratiqué par un cinquième des adultes vivant en France, dont l’alimentation a un impact carbone alimentaire réduit de 20% par rapport à la moyenne française 6. Ces personnes mangent un peu moins et un peu différemment : un peu plus de fruits et légumes et de féculents, un peu moins de produits laitiers, moins de charcuteries et de viande de ruminants, moins de boissons alcoolisées et de boissons chaudes. L’intérêt majeur de cette approche est de garantir une bonne acceptabilité culturelle, puisque les régimes les plus durables ainsi identifiés sont des régimes effectivement consommés par une proportion non négligeable d’individus issus de la population générale 7.

Cependant, les limites de cette approche sont, d’une part que l’impact carbone de l’alimentation des « déviants positifs » n’est réduit que de 20% par rapport à la moyenne nationale, et d’autre part que, même si la qualité nutritionnelle de ces régimes est supérieure à la médiane, ils ne respectent tout de même pas la totalité des recommandations nutritionnelles.

Quels changements alimentaires pour tendre vers une alimentation plus durable ? L’approche « d’optimisation »

Pour explorer les changements alimentaires permettant une parfaite adéquation avec les recommandations nutritionnelles tout en réduisant l’impact carbone de plus de 20%, Perignon et coll. ont alors eu recours à une autre approche : l’optimisation de rations alimentaires par modélisation 8. Cette étude a montré qu’une réduction de l’impact carbone de 30-40% pouvait être atteinte sans modification notable de la diète (et en gardant la même quantité de calories), sauf une nette augmentation des fruits et légumes pour l’adéquation nutritionnelle et une réduction modérée de la viande pour la baisse de l’impact carbone (par rapport à la consommation moyenne des français). Cette étude a également montré qu’il était possible d’atteindre jusqu’à 60% de réduction de l’impact carbone de notre assiette tout en respectant l’ensemble des recommandations nutritionnelles. Mais se posait alors la question de l’acceptabilité culturelle d’une telle alimentation car les changements nécessaires (par rapport à la consommation moyenne actuelle) étaient très importants. En plus de l’augmentation importante des fruits et légumes, il fallait beaucoup augmenter les féculents, surtout les pommes de terre et les céréales, diminuer les produits laitiers (sauf le lait) et pratiquement supprimer la viande.

Par ailleurs, pour prendre pleinement en compte la durabilité et notamment la dimension nutritionnelle dans toute sa complexité, il faut aller plus loin que la simple couverture des recommandations d’apports en nutriments essentiels. La dimension toxicologique de l’alimentation doit également être considérée 9, ainsi que la biodisponibilité des éléments nutritifs, c’est-à-dire la part ingérée qui est réellement disponible pour une utilisation par l’organisme, et le fait que certains aliments ayant des impacts nutritionnels et environnementaux différents sont co-produits (par exemple, le lait et la viande de boeuf) 10.

Les messages de santé publique promouvant la consommation de fruits et légumes et une consommation modérée de viande, ainsi que les conseils de longue date de favoriser la diversité alimentaire sans excès sont donc toujours

Nicole Darmon
UMR MOISA Montpellier, FRANCE
Marlène Perignon
UMR MOISA Montpellier, FRANCE
  1. FAO. Definition of sustainable diets. International scientif symposium «Biodiversity and sustainable diets United againts hunger» 2010; 3-5 nov 2010:FAO Headquarters, Rome.
  2. Vieux F, Darmon N, Touazi D, Soler LG. Greenhouse gas emissions of self-selected individual diets in France: Changing the diet structure or consuming less? Ecol Econ 2012;75:91-101.
  3. Darmon N, Drewnowski A. The contribution of food prices and diet cost to socioeconomic disparities in diet quality: a systematic review and analysis. Nutr Rev 2015;73:643-60.
  4. Vieux F, Soler LG, Touazi D, Darmon N. High nutritional quality is not associated with low greenhouse gas emissions in self-selected diets of French adults. Am J Clin Nutr 2013;97:569-83.
  5. Masset G, Soler LG, Vieux F, Darmon N. Identifying sustainable foods: the relationship between environmental impact, nutritional quality, and prices of foods representative of the French diet. J Acad Nutr Diet 2014;114:862-9.
  6. Masset G, Vieux F, Verger EO, Soler LG, Touazi D, Darmon N. Reducing energy intake and energy density for a sustainable diet: a study based on self-selected diets in French adults. Am J Clin Nutr 2014;99:1460-9.
  7. Perignon M, Vieux F, Soler LG, Masset G, Darmon N. Improving diet sustainability through evolution of food choices: review of epidemiological studies on the environmental impact of diets. Nutr Rev 2017;75:2-17.
  8. Perignon M, Masset G, Ferrari G, Barre T, Vieux F, Maillot M, Amiot MJ, Darmon N. How low can dietary greenhouse gas emissions be reduced without impairing nutritional adequacy, affordability and acceptability of the diet? A modelling study to guide sustainable food choices. Public Health Nutr 2016;19:2662-74.
  9. Barre T, Vieux F, Perignon M, Cravedi JP, Amiot MJ, Micard V, Darmon N. Reaching Nutritional Adequacy Does Not Necessarily Increase Exposure to Food Contaminants: Evidence from a Whole-Diet Modeling Approach. J Nutr 2016;146:2149-57.
  10. Barre T, Perignon M, Gazan R, Vieux F, Micard V, Amiot MJ, Darmon N. Integrating nutrient bioavailability and co-production links when identifying sustainable diets: how low should we reduce meat consumption? under revision 2017.
Retour