L’environnement obésogène : origine et conséquences

Aliments ultra-transformés en Norvège : analyse des achats et dépenses des consommateurs

Les aliments ultra-transformés contribuent à l’épidémie mondiale d’obésité

La consommation d’aliments transformés fait partie des grands facteurs qui contribuent à l’épidémie mondiale d’obésité 1. Depuis 2009, les aliments et produits alimentaires sont classés dans les catégories suivantes, selon leur degré de transformation industrielle 2 : a. aliments peu ou pas transformés (fruits, légumes, légumineuses, viande, lait, oeufs, céréales, farines, etc., et eau); b. ingrédients culinaires (graisses animales, huiles végétales, sucre,sel); c. aliments transformés (aliments salés, séchés, fermentés ou mis en conserve à des fins de préservation); d. aliments ultra-transformés 3 (produits divers, par exemple plats préparés, encas et sodas). Or ces produits ont une place prépondérante dans l’alimentation des pays à revenus élevés tout en pénétrant également les marchés des pays les plus pauvres 4,5.

Une étude sur les ventes d’aliments en Norvège

Cette étude a évalué les ventes d’aliments afin d’identifier dans quelle mesure la population norvégienne achète des aliments ultra-transformés, plutôt que des produits moins transformés, pour la préparation de plats faits maison. Nous avons utilisé les données du commerce alimentaire en Norvège, recueillies par Statistics Norway en septembre 2005 (n = 150) et en septembre 2013 (n = 170). Ces données représentent 795 306 codes-barres, correspondant aux aliments achetés et fournissant des informations concernant le type d’aliment, le prix, la localisation et le type de commerce. La fréquence des achats et les dépenses associées à chacune des quatre catégories ci-dessus ont été analysées.

Les Norvégiens achètent cinq fois plus souvent des bonbons, encas et desserts que des légumes non transformés

Nous avons constaté, tant en en 2005 qu’en 2013, que les produits ultratransformés dominent les achats et dépenses alimentaires en Norvège : 59 % des produits alimentaires achetés et 49 % des dépenses en matière d’alimentation concernent des aliments ultra-transformés. Combiné, l’ensemble des aliments peu ou pas transformés représente seulement 17 % des achats et 33 % des dépenses alimentaires.

La classification de ces achats en sous-groupes montre que les Norvégiens dépensent moins d’argent pour les viandes, volailles, poissons, fruits de mer, légumes, pommes de terre, fruits et fruits rouges peu ou pas transformés, qu’ils achètent moins fréquemment que les versions transformées et ultra-transformées de ces aliments (figure 1).

Les confiseries, encas et desserts sont les aliments les plus fréquemment achetés : ils représentaient 16 % des achats en 2013. À titre de comparaison, la viande et la volaille peu ou pas transformées représentaient 2 % des achats ; les légumes, racines et tubercules peu ou pas transformés 3 % des achats. Seuls 2 % des achats étaient des fruits et fruits rouges peu ou pas transformés.

Entre 2005 et 2013, les ventes d’aliments n’ont que légèrement varié, mais en faveur des produits peu ou pas transformés et en défaveur des aliments ultra-transformés. Dans les achats et les dépenses alimentaires, les augmentations relatives les plus importantes ont été observées au niveau des fruits et légumes peu ou pas transformés et des plats préparés. Les ventes de produits ultra-transformés sucrés ont légèrement baissé (- 1 %). Cette évolution vers des achats d’aliments moins transformés a été considérablement plus marquée dans la capitale, Oslo, par rapport au reste du pays.

La hausse des ventes de fruits et légumes est liée à une plus grande sensibilisation aux questions de santé

D’après les données analysées dans le cadre de cette étude, les aliments ultra-transformés représentent 60 % des achats et 50 % des dépenses alimentaires en Norvège. À eux seuls, les produits ultra-transformés sucrés représentent un achat alimentaire sur trois et plus de 20 % des dépenses en alimentation.

La part élevée des produits ultra-transformés dans l’alimentation norvégienne concorde avec les résultats des études menées dans d’autres pays riches 6. Si en Norvège, le profil nutritionnel de ces aliments est similaire à celui des équivalents canadiens, par exemple, il est nécessaire de réduire la consommation de ces produits ultra-transformés, en vue de prévenir l’obésité et les maladies non transmissibles. La consommation élevée de sucre est particulièrement inquiétante.

La part moins importante des produits ultra-transformés au sein des ventes alimentaires, et l’augmentation des ventes de fruits et légumes frais, confirment la plus grande sensibilisation aux questions de santé parmi les consommateurs norvégiens 7.

Les politiques norvégiennes en matière d’alimentation et de santé reposent sur des recommandations alimentaires, l’étiquetage, le fait d’encourager un changement d’ingrédients et l’autoréglementation du secteur agroalimentaire en matière de marketing 8. Cette étude recommande de se concentrer davantage sur les politiques visant à réduire la consommation de produits ultra-transformés tout en facilitant l’accès (y compris économique) à des aliments moins transformés.

Siri Løvsjø Solberg
Département des sciences végétales, Université norvégienne des sciences de la vie, NORVEGE
Laura Terragni
Département de la santé, de la nutrition et de la gestion, Oslo and Akershus University College of Applied Sciences, NORVEGE
Sabrina Ionata Granheim
Département de la santé, de la nutrition et de la gestion, Oslo and Akershus University College of Applied Sciences, NORVEGE
  1. World Health Organization. Joint WHO/FAO expert consultation. Technical report Series no. 916. Geneva: WHO; 2003.
  2. Monteiro CA. Nutrition and health. 2009;12(05):729-31.
  3. Louzada MLC et al. Ann Nutr Metab 2013;63 (suppl. 1):199-200.
  4. Monteiro CA et al. Obes Rev. 2013;14:21-8.
  5. Stuckler D et al. PLoS Med. 2012;9(6):e1001235. doi:10.1371/journal.pmed.
  6. Moubarac JC et al. Public health nutrition. 2012;16(12):2240-8.
  7. Bugge AB. Oslo: SIFO; 2015.
  8. Meld.st. 34 (2012-2013). Oslo:Regjeringen; 2013.
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