L’environnement obésogène : origine et conséquences

Comment s’alimentent les adultes jeunes nés dans un environnement obésogène ?

Des habitudes alimentaires façonnées par un environnement obésogène

La genèse de l’environnement obésogène remonte au début des années 1980. Si l’ensemble de la population est concerné, c’est le seul milieu alimentaire qu’aient jamais connu les jeunes adultes d’aujourd’hui (de 18 à 35 ans). Leurs habitudes alimentaires sont façonnées par cet environnement moderne, avec son abondance de plats préparés en dehors du domicile et l’accès facile à des aliments ultra-transformés. Les plus grandes portions sont désormais leur norme sociale et ils n’ont aucun souvenir d’une époque où les portions servies étaient moins importantes. Il est inquiétant de constater que dans des pays comme l’Australie, les membres de la génération Y sont en surpoids ou obèses à un âge plus jeune que ne l’était la génération de leurs parents 1.

Des similitudes alimentaires remarquables parmi les jeunes adultes du monde entier

Parmi les jeunes adultes du monde entier, on observe des similitudes remarquables dans la consommation d’aliments ou de boissons qui sont associés à une prise de poids, ou qui, au contraire, protègent de ce problème. Ainsi, de nombreux jeunes adultes consomment des boissons sucrées, qui contribuent à la prise de poids. Les hamburgers, frites, pizzas, hot-dogs, quiches, tacos et poulets frits typiquement proposés dans les fastfoods sont très présents dans l’alimentation des jeunes adultes. La popularité de la restauration rapide ne se limite pas uniquement aux États-Unis et au Royaume-Uni. Par exemple, même en Asie, 44 % des Singapouriens fréquentent régulièrement les fast-foods, tandis que seuls 10 % évitent ce type d’alimentation. À titre de comparaison, parmi les adultes de 50 à 59 ans, trois sur cinq n’ont jamais recours à la restauration rapide 2.

En ce qui concerne les légumes, les jeunes adultes sont ceux qui en consomment le moins. La faible consommation de légumes est une habitude observée dans tous les États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et dans de nombreux pays d’Europe de l’ouest, comme l’Allemagne, l’Italie et la France. Même si les données confirmant le rôle des légumes dans la prévention de la prise de poids sont équivoques. Néanmoins, un suivi sur 10 ans d’une cohorte de jeunes adultes aux États-Unis, a montré que les hommes qui consommaient davantage de légumes prenaient moins de poids 3. Par ailleurs, dans une étude d’intervention visant à prévenir l’obésité acquise chez les jeunes adultes en surpoids, nous avons démontré que la perte de poids chez les participants reposait à 20 % sur une augmentation de la consommation de légumes 4. Enfin, que les légumes préviennent ou non la prise de poids, ils jouent un rôle certain dans la prévention des maladies cardiovasculaires, des AVC et de la mortalité toutes causes confondues 5.

Les aliments qui ne font pas partie des groupes de base – tels les aliments ultra-transformés, les encas ou les aliments consommés en dehors des repas, riches en graisses saturées et en sucre, comme les confiseries, les gâteaux et les biscuits – contribuent considérablement à l’apport énergétique. En Australie, ces aliments représentent plus d’un tiers de l’apport calorique, tandis qu’au Brésil, les aliments ultra-transformés sont plus fréquents dans l’alimentation des jeunes adultes.

L’avènement d’un régime alimentaire mondial

À la fin de l’adolescence (19 à 25 ans), les jeunes adultes se détachent de la pression implacable exercée par leurs pairs, qui leur dictent de moins en moins leurs choix en matière d’alimentation. Les jeunes adultes s’inscrivent dans une société globale dans laquelle la communication moderne et son interconnexion, rend fortement persuasive la publicité axée sur les jeunes et lui confère une portée mondiale. S’il est vrai que l’on observe globalement des variations dans les régimes alimentaires des jeunes adultes au sein d’un même pays, un portrait universel se dessine dans les habitudes alimentaires malgré les différences entre les diverses traditions culinaires nationales. Dans un échantillon de jeunes Japonaises, quatre modèles alimentaires ont émergé, parmi lesquels un régime plus traditionnel «poisson et légumes», avec un profil nutritionnel de qualité, mais aussi un régime plus occidental, «pain et confiseries», auxquels s’ajoutent des boissons sucrées et du cacao. Parallèlement, deux études brésiliennes indiquent que l’alimentation des jeunes est plus proche des habitudes américaines que du régime des Brésiliens plus âgés. Dans ce pays, l’analyse des schémas nutritionnels montre que l’alimentation va de « saine » et « traditionnelle » à « hautement calorique » (incluant des desserts, biscuits, chocolat et frites parmi les aliments typiques) et « alimentation de bar » (aliments d’origine animale, encas salés et alcool). Chez les jeunes adultes d’Irlande du Nord, les schémas sont les suivants : « convivial/alcool » (alcool, pain blanc, plats de viande), « occidental » (sodas, chips et frites), « gourmand » (desserts et confiseries), et « sain » (fruits, légumes et pain complet) 6.

La consommation de légumes est insuffisante chez tous les jeunes adultes

Ainsi, dans tous les pays, les jeunes adultes ont des habitudes alimentaires plus ou moins saines. Les recherches doivent comprendre pourquoi certains jeunes adultes sont davantage sensibles aux habitudes moins saines dans un contexte obésogène. Les facteurs sociaux, la mauvaise éducation en matière d’alimentation, l’absence de connaissances culinaires et l’insécurité alimentaire sont également des questions à approfondir. Il est clair que la norme sociale alimentaire chez les jeunes adultes, reflète les principales caractéristiques des environnements alimentaires obésogènes. Les aliments riches en graisses saturées, en sucre et en sel, ainsi que les boissons sucrées forment la base de cette alimentation. La consommation de légumes est insuffisante chez tous les jeunes adultes. En Amérique du Sud, en Europe et en Asie, les habitudes plus traditionnelles sont en train de céder la place à l’alimentation typiquement présente aux États-Unis. Quant à savoir si les jeunes adultes conserveront leur alimentation actuelle pendant toute leur vie adulte est une question qui reste à résoudre…

Margaret Allman-Farinelli
Nutrition et diététique, Centre Charles Perkins, université de Sydney, Nouvelles-Galles du Sud, AUSTRALIE
Stephanie R . Partridge
Nutrition et diététique, Centre Charles Perkins, université de Sydney, Nouvelles-Galles du Sud, AUSTRALIE
Monica Nour
Nutrition et diététique, Centre Charles Perkins, université de Sydney, Nouvelles-Galles du Sud, AUSTRALIE
Rajshri Roy
Nutrition et diététique, School of Medical Sciences, université d’Auckland, NOUVELLE-ZÉLANDE
  1. Allman-Farinelli MA, Chey T, Bauman AE, Gill T, James WP. Age, period and birth cohort effects on prevalence of overweight and obesity in Australian adults from 1990 to 2000. European Journal of Clinical Nutrition. 2008;62(7):898-907.
  2. Whitton C, Ma Y, Bastian AC, Fen Chan M, Chew L. Fast-food consumers in Singapore: demographic profile, diet quality and weight status. Public Health Nutrition. 2014;17(8):1805-
  3. Quick V, Wall M, Larson N, Haines J, Neumark-Sztainer D. Personal, behavioral and socio-environmental predictors of overweight incidence in young adults: 10-yr longitudinal findings. The International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2013;10:37.
  4. Partridge SR, McGeechan K, Bauman A, Phongsavan P, Allman-Farinelli M. Improved eating behaviours mediate weight gain prevention of young adults: moderation and mediation results of a randomised controlled trial of TXT2BFiT, mHealth program. The International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2016;13:44.
  5. Oyebode O, Gordon-Dseagu V, Walker A, Mindell JS. Fruit and vegetable consumption and all-cause, cancer and CVD mortality: analysis of Health Survey for England data. Journal of Epidemiology and Community Health. 2014;68(9):856-62.
  6. Allman-Farinelli M, Partridge SR, Roy R. Weight-Related Dietary Behaviors in Young Adults. Current Obesity Reports. 2016;5(1):23-9.
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