L’environnement obésogène : origine et conséquences

Édito

L’édition de ce mois-ci met en lumière les changements extraordinaires et relativement récents qu’ont connus les habitudes alimentaires dans tout l’Occident qui augmentent inévitablement le risque d’obésité et d’autres handicaps chez la majeure partie de la population.

Nous nous intéressons plus particulièrement à trois pays : l’Australie, l’Allemagne et la Norvège, qui offrent des exemples très différents, tant sur le plan de l’économie, de l’alimentation traditionnelle et des moyens politiques utilisés pour réguler la chaîne alimentaire. Malgré les analyses très justes des médecins et nutritionnistes qui conseillent les décideurs politiques, les habitudes alimentaires ont subi une transformation spectaculaire et délétère depuis le début des années 1980. À l’époque, je commençais tout juste à évaluer l’impact des différents aliments sur l’équilibre énergétique et sur le contrôle de l’appétit quand le gouvernement britannique m’a sollicité pour améliorer l’efficacité et la gestion économique du secteur agro-alimentaire. J’ai rapidement découvert que ce secteur avançait à tâtons, utilisant de simples panels de goûteurs pour rendre les produits plus attractifs, tout en méconnaissant les données scientifiques qui permettent d’augmenter les ventes.

Aujourd’hui, grâce aux analyses brillantes des mécanismes psychologiques qui orientent le choix des aliments, le secteur agro-alimentaire a élaboré un système pour la vente de produits transformés et de boissons à toute heure du jour et de la nuit, dans un contexte où les consommateurs mangent et boivent en tous lieux, quel que soit le moment de la journée. Plus sophistiqué, le marketing intègre désormais des techniques biologiques fondamentales qui consistent à ajouter des saveurs, qui stimulent de manière spécifique les centres du plaisir du cerveau, court-circuitant ainsi les choix alimentaires rationnels et réfléchis. C’est pourquoi, dans son analyse prévisionnelle concernant le problème de l’obésité, le Conseiller scientifique en chef du Royaume-Uni explique que la prise de poids est une réponse biologique normale face à notre environnement alimentaire actuel.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les dernières analyses de la charge mondiale de la morbidité en 2015 confirment les données des années précédentes : l’alimentation déséquilibrée est la plus grande cause de handicap dans le monde. Les experts de l’OMS recommandent par ailleurs d’utiliser des mesures fiscales en taxant, par exemple, le sucre dans les aliments et en subventionnant l’achat de fruits et légumes.

Nous allons devoir mettre en place de grandes mesures sociétales, à même de transformer nos habitudes si nous voulons élaborer un système alimentaire durable et sain pour le bien-être à long terme de la société.

William Philip T. James
Professeur honoraire de nutrition, London School of Hygiene & Tropical Medicine - Ancien président de la World Obesity Federation - ROYAUME-UNI
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