« F&L et diabète de type 2 »

Ceci n’est pas un fruit…

Si les « fruits et légumes » sont au coeur des préoccupations de santé, la signification de ces termes est loin de faire consensus…. Alors qu’il existe une définition botanique des fruits, il n’y en a aucune pour les légumes pour lesquels des classifications variées sont proposées. Par exemple en fonction de leur famille botanique, de leur couleur, de leur partie comestible, de leur profil nutritionnel… Cependant aucune classification universelle n’est réellement adoptée par les professionnels de santé, et les consommateurs.

Les définitions des « légumes » sont souvent influencées par des facteurs culturels voire des critères de préparation ou de choix des aliments. Même au sein d’un même pays, les consommateurs n’utilisent pas tous les mêmes classifications. Pour certains, la pomme de terre est avant tout un féculent, pour les végétariens, les légumineuses sont considérées comme des sources de protéines plutôt que comme des légumes…

Les méthodes de préparation sont également prises en compte

Cette réelle absence de consensus pose problème en donnant lieu à des définitions différentes selon les recommandations dans divers pays. Ainsi, aux Etats-Unis et en Australie, on considère la pomme de terre comme un légume, alors que la Fondation Mondiale de Recherche sur le Cancer l’a exclue de ses recommandations visant à augmenter la consommation de légumes… Les méthodes de préparation sont également prises en compte. Ainsi, dans le programme « 5 a day », les frites et les légumes frits ne sont pas considérés comme des légumes. Il est donc important de chercher à clarifier la communication sur ce sujet. Pour cela, il est nécessaire de mieux comprendre comment différents individus perçoivent et définissent les légumes et les fruits, en fonction de certains facteurs démographiques, comme l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la région ou le pays de résidence.

Ce type de recherches sur les perceptions des fruits et légumes restent encore limitées. Une enquête, a été menée à New York sur une trentaine de sujets de différentes ethnies (blancs, afro américains, hispaniques). Elle a montré que la plupart de sujets ne considérait pas la confiture, les nappages de fruits ou les cornichons comme des fruits ou des légumes, alors que pour eux, la salade ou la tomate présente dans un hamburger comptait comme un légume et une tarte aux fruits, comme un fruit…

Les perceptions des américains sur les légumes et les fruits

La présente enquête porte sur les perceptions qu’ont les américains des légumes et des fruits et de leurs variations en fonction de l’origine ethnique, à travers les données de 3 études américaines portant sur la manière de classer les aliments dans la catégorie des fruits ou des légumes :

  • L’étude du centre national des statistiques de santé conduite en 2004 (entretiens cognitifs conduits chez 55 sujets, d’origine hispanique et non hispanique, évaluant les différences trans culturelles de réponses au sujet des facteurs de risque de cancer. Au terme des entretiens, les sujets ont rempli un autoquestionnaire leur demandant de classer 14 aliments dans la catégorie « fruit », « légume » ou « autre »)
  • L’étude trans culturelle de l’institut national du cancer (2005) (80 sujets de langue hispanique, coréenne, chinoise ou anglaise ayant notamment complété un auto-questionnaire de classification de 13 aliments dans chacune des 3 catégories)
  • L’étude (FAB – food attitudes and behaviors) sur les comportements et les attitudes envers la nourriture (2007). On a demandé à plus de 3000 sujets de différentes origines ethniques de classer 7 aliments dans chacune des 3 catégories.

Une forte influence des facteurs ethniques ou culturels

Certains aliments testés étaient communs aux 3 études : tomates, haricots noirs, riz, pommes de terre (qui, selon les cultures, prêtent souvent à confusion dans les classifications), ketchup, gelée de raisin et tofu.

Les résultats combinés de ces 3 études ont confirmé que la classification des fruits et des légumes était fortement influencée par des facteurs ethniques ou culturels. Si 80% des sujets étaient d’accord pour classer dans les légumes le maïs, le poivre vert et la pomme de terre, ils étaient en désaccord total sur la plupart des autres aliments. Pour certains la tomate était un légume, pour d’autres un fruit. Beaucoup considéraient la gelée de raisin comme un fruit mais pour certains c’était « autre chose ». Des aliments comme les haricots noirs, le ketchup, le tofu, le riz et les cacahuètes entraient dans la catégorie « autre ». Que le haricot noir ne compte pas pour un légume peut surprendre quand on sait que pour la majorité le riz en est un…

Parmi les facteurs influençant les choix, la familiarité avec l’aliment et la manière de le consommer étaient importants. Ainsi, ce sont les fruits et les légumes consommés mélangés à d’autres aliments et en petites quantités qui ont donné lieu à de plus grandes ambiguïtés de classification.

Renforcer la communication

Certes, les données de cette étude ont des limites. Pour 2 d’entre elles, les échantillons de populations testées sont faibles. Seulement 7 aliments sont communs aux 3 études. Les questionnaires imposent un choix limité de réponses possibles… En tout cas, certains aliments nécessitent sans doute une plus forte attention, si l’on veut clarifier les messages nutritionnels de promotion des fruits et légumes. C’est le cas pour le riz, les haricots secs, les pommes de terre et, plus généralement, les fruits et les légumes inclus dans la composition de certains plats.

D’autres études sur ce thème sont évidemment nécessaires. La communication sur le message global d’augmentation de la consommation de fruits et de légumes ne pourra qu’en être renforcée et plus efficace.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Thompson F.E. et al, « The meaning of “fruits” and “vegetables” », Public Health Nutrition, p 1-7, 2011
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