« Le dilemme sud africain : malnutrition et obésité. quel rôle pour les fruits et légumes ? »

Consommation de fruits et légumes en Afrique du Sud

Aujourd’hui, la majorité du grand public sait que consommer beaucoup de fruits et légumes est essentiel au maintien de la santé. Grace aux résultats de nombreux travaux de recherche dans ce domaine, nous commençons seulement à comprendre comment les fruits et légumes améliorent la santé et préviennent les maladies.

Une grande variété de fruits et légumes différents

Parmi les fruits et légumes les plus souvent cités pour leurs effets protecteurs, on trouve : les oignons, l’ail, le poivron rouge, les carottes, les épinards, le chou, les brocolis, les choux de Bruxelles, les choux fleurs, les tomates et les fruits frais, crus et les agrumes 1-3.

Si divers arguments mettent en valeur certains fruits ou légumes particuliers, les études sur l’action de micronutriments spécifiques dans la prévention des maladies restent peu concluantes. Il existe probablement de nombreux principes actifs encore inconnus et il faut également tenir compte d’interactions et de synergies entre les nutriments qui varient selon les aliments. C’est pourquoi, le meilleur conseil global à délivrer à la population reste d’encourager la consommation d’une grande variété de fruits et légumes différents.

Consommation optimale : une question de point de vue

La consommation quotidienne d’au moins 5 portions (400 g) de fruits et légumes est devenue la recommandation minimale réalisable, émise par de nombreuses agences nationales et internationales de promotion de la santé, les producteurs et les distributeurs 4- 9.

Du coté des consommateurs, les résultats de l’étude Sud Africaine des Recommandations Nutritionnelles basées sur les Aliments chez les Consommateurs (South African Food-Based Dietary Guidelines Consumer Study) ont souligné que les consommateurs traduisaient “beaucoup” de deux manière différentes 10:
• fréquemment (‘aussi souvent que possible’; ‘chaque jour’)
• abondamment (‘au moins deux portions par jour’).

Les valeurs numériques attribuées à ‘beaucoup’variaient de 1 légume et 1 fruit par jour à 5 – 9 fruits et/ou légumes par jour.

Les Sud Africains ne respectent pas les recommandations de 5 portions par jour

Les études nutritionnelles régionales décrivent une même tendance dans différents groupes ethniques et chez les consommateurs ruraux et urbains. Elle est constituée de deux repas principaux par jour en moyenne comportant de petites quantités de fruits et légumes, les femmes consommant beaucoup plus de fruits et légumes que les hommes 11-14. On peut donc conclure que les consommations globales de fruits et légumes des Sud Africains ne respectent pas les recommandations de 5 portions par jour.

Quelles sont les barrières à la consommation ?

Les participants de l’enquête Sud Africaine des Recommandations Nutritionnelles basées sur les Aliments chez les Consommateurs sont conscients des bénéfices pour la santé de la consommation quotidienne de fruits et légumes 10. Ils rapportent cependant un certain nombre de barrières, en particulier :

  • le coût (absence de revenus familiaux),
  • la disponibilité (approvisionnement très dépendant des variations saisonnières)
  • les préférences alimentaires des membres de la famille (les enfants et certains hommes étant réfractaires à la consommation de fruits et légumes à la maison).

Aux Etats Unis, des barrières semblables ont été rapportées au sein de groupes défavorisés multiethniques, interrogés sur leur lieu de travail. Ils ont notamment cité : la périssabilité, la difficulté, le coût, les problèmes de stockage, le temps de préparation, le goût, le manque d’approvisionnement et les difficultés à changer des anciennes habitudes 15,16. Au Royaume Uni, ont été mis en avant le coût, la facilité de choisir d’autres aliments et les influences familiales 17,18.

Les stratégies marketing utilisées doivent être multiples

Savoir ce qu’il est recommandé de manger ne se traduit pas forcément par une modification des choix alimentaires. On consomme des aliments pas des nutriments. Le plus grand défi est de conseiller les personnes de manière pratique et simple, tout en contournant les barrières au changement.

Pour que les messages éducatifs aient un impact positif sur les comportements, ils doivent être adaptés aux besoins et aux ressources des personnes auxquelles ils s’adressent. Lorsque l’insécurité alimentaire ou des contraintes financières existent, les suggestions pour augmenter la consommation de fruits et légumes doivent se focaliser sur l’autosuffisance comme, par exemple, avoir son propre potager.

Les stratégies marketing utilisées pour faciliter la diffusion de messages éducatifs cohérents auprès des consommateurs doivent être multiples. Les détaillants peuvent afficher les messages dans les supermarchés, publier des annonces dans la presse pour informer les consommateurs, distribuer des documents éducatifs, créer des évènements interactifs pour aider le public à en prendre connaissance. Une campagne nationale dans les médias peut annoncer systématiquement ces événements spécifiques. Au niveau de la communauté, les messages peuvent parvenir aux consommateurs par les efforts collectifs des agences pour la santé, l’éducation, l’agriculture, des associations et de groupes du secteur privé. Les écoles, les lieux de travail, les hôpitaux, les marchés locaux et les programmes d’aide alimentaire peuvent être utilisés pour promouvoir ces messages et mener des études d’intervention dans la communauté pour déterminer l’efficacité de ces messages 19.

Un ensemble de recommandations pour une alimentation saine

En Afrique du Sud, la recommandation d’augmenter la consommation de fruits et légumes est bien étayée par des preuves scientifiques. Cette augmentation permettrait à elle seule de respecter d’autres recommandations, comme favoriser une alimentation contenant davantage de féculents et moins de matières grasses. On doit donc la considérer comme faisant partie d’un ensemble de recommandations pour une alimentation saine. Même si les professionnels de santé s’accordent sur une telle nécessité, montrer aux consommateurs comment l’atteindre malgré leurs propres contraintes représente un vrai défi. Les professionnels de santé peuvent accélérer ce processus en élaborant des stratégies individuelles, régionales, provinciales et même nationales pour contourner les barrières au changement.

Penny Love
Directeur du Département de Nutrition, Ministère de la Santé du Queensland, Département de Diététique et Nutrition, Faculté d’Agriculture et d’Agro-Business, Université du Natal, Pietermaritzburg
  1. Tavani et al. Am J Clin Nutr 1995; 61: suppl, 1372S-1377S.
  2. Block G. Am J Clin Nutr 1991; 53: 270S-282S.
  3. Steinmetz K et al. JADA 1996; 96: 1027-1039.
  4. USDA (United States Department of Agriculture). Nutrition Today 1997; 32(4): 172- 173.
  5. NTF (Nutrition Task Force). Wellington, New Zealand: Department of Health, 1991.
  6. Health and Welfare Canada. Canada: Ministry of Supply and Services, 1992.
  7. Hunt P et al. Journal of Human Nutrition and Dietetics 1995; 8: 335-351.
  8. Commonwealth of Australia. Publication No. 2425. Australia: Commonwealth Department of Health and Family Services, 1998.
  9. Malaysian Ministry of Health. Malaysian Dietary Guidelines. Kuala Lumpur: National Coordinating Committee on Food and Nutrition, 1999.
  10. Love P et al. S Afr J Clin Nutr 2001; 14(1): 9-19.
  11. Vorster H et al. Durban: Health Systems Trust, 1997.
  12. Walker A. Nutr Res Rev 1996; 9: 33-65. 28. Mackeown J et al. Ecology of Food and Nutrition 1994; 33: 27-36.
  13. UNISA (University of South Africa). Research Report No. 205. Pretoria: UNISA Bureau of Market Research, 1994.
  14. Bourne L et alCent Afr J Med 1994; 40: 140-148.
  15. Cohen N et al. Am J Nutr Ed 1998; 30: 381-386.
  16. Cox D et al. Nutrition and Food Science 1996; Sept/Oct (5): 44-47.
  17. Kilcast D et al Nutrition and Food Science 1996; Sept/Oct (5): 48-51.
  18. Dittus K et al. Am J Nutr Educ 1995; 27: 120-126.
  19. Heimendinger Jet al. Am J Clin Nutr 1995; 61: suppl, 1397S-1401S.
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