« Le dilemme sud africain : malnutrition et obésité. quel rôle pour les fruits et légumes ? »

Lutte contre l’obésité : quand les toques s’en mêlent

S’attaquer à l’épidémie d’obésité passe essentiellement par des modifications de l’environnement alimentaire des populations. Aujourd’hui, l’alimentation hors domicile est une composante majeure de cet environnement : aux USA elle représente près de la moitié des dépenses de nourriture pour les ménages.

Une étude réalisée par l’équipe de Barbara Rolls s’est intéressée aux principaux acteurs de la restauration hors domicile : les chefs cuisiniers. Comment envisagent-ils les stratégies permettant de créer des plats moins riches en calories ? Comment les introduire dans les menus des restaurants ? En particulier, l’enquête s‘est penchée sur les moyens permettant de réduire la densité énergétique, dont l’intérêt est aujourd’hui bien démontré pour réduire les apports caloriques.

Teneur calorique des plats : une notion peu familière

A l’occasion d’un congrès de la fédération culinaire américaine en 2008 regroupant des chefs de divers états américains, 432 questionnaires ont été recueillis et analysés.

La plupart de ces professionnels travaillaient dans la restauration depuis plus de 20 ans et occupaient diverses responsabilités allant du chef et du manager de cuisine au propriétaire de restaurant.

Première constatation : tous n’étaient pas aussi familiers du contenu calorique des plats de leurs cartes : 12 % se déclaraient extrêmement familiers, 33% très familiers, 49% modérément familiers et 7% pas du tout familiers. Les femmes l’étaient en général plus que les hommes.

Réduire la densité plus que la taille des portions

Concernant le degré de réduction calorique envisageable sans que les consommateurs ne s’en aperçoivent, il était estimé à 10-20% par 72% des chefs. 21% seulement pensaient que cette réduction pourrait atteindre 25%. En réalité les réponses étaient variables selon l’âge des sujets, les chefs de moins de 30 ans étant les plus frileux sur le degré de restriction envisageable.

A la question de comment y parvenir, la réduction de la densité lipidique arrivait largement avant la réduction de la taille des portions (52% vs 24%). En troisième position (15% des réponses) arrivait l’ajout de fruits et légumes pour réduire la densité énergétique des plats et des desserts. La réduction des sucres était peu citée (5%).

Pour la majorité des chefs, en particulier ceux qui étaient le moins familiers avec le contenu calorique de leurs recettes, il semblait plus aisé d’introduire de nouveaux plats moins caloriques plutôt que de modifier les plats déjà présents à la carte. Les plats les plus accessibles à ces modifications étant représentés par les entrées et les plats principaux plutôt que les desserts.

Le respect du gout : un facteur de succès

Tout changement soulève inévitablement des barrières et des freins chez ceux qui en sont les acteurs. Parmi ceux-ci : « la faible demande des clients », « le besoin d’apprentissage des équipes de cuisine », » le coût élevé des ingrédients ». Venaient ensuite : « le coût de travail augmenté », la disponibilité des ingrédients », « la perte de temps », « la faible durée de conservation des aliments »…

Sans étonnement, le respect du goût était considéré comme le facteur majeur de succès pour plus de 70% des chefs interrogés. Arrivaient assez loin derrière, l’apparence des plats (12%) et la promotion de la santé (9%), la faible contenu calorique (5%) et la publicité (3%).

Pour 65% des chefs, la richesse calorique des plats proposés dans un restaurant était un problème pour les personnes voulant contrôler leur poids, cependant 55 % d’entre eux estimaient que le consommateur était responsable de ses choix…

Quant à l’intérêt de fournir des informations caloriques sur les menus, les avis étaient divisés : 36% pensaient que cela augmenterait les ventes, 38% que ce serait un échec et le reste… avait une opinion neutre.

Des collaborations entre chefs et professionnels de santé

Les points soulevés par cette enquête montrent que les chefs ne semblent pas très familiers avec la notion de densité énergétique même s’ils pensent que c’est une meilleure méthode que la réduction des portions. Ils n’ont pas tous conscience de l’intérêt d’aliments riches en eau, comme les fruits et les légumes pour réduire la densité énergétique. Il y a certainement des actions à entreprendre dans ce domaine afin d’améliorer l’éducation des équipes de cuisine.

Autres points importants : l’importance de l’innovation en pratique culinaire pour satisfaire à la fois la promotion de la santé le contrôle des couts et surtout le respect de la satisfaction du gout chez le consommateur. Des collaborations entre chefs et professionnels de santé seront sans doute nécessaire pour parvenir à un tel objectif.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
“Chefs opinions about reducing the calorie content of menu items in restaurants”, Obbagy et al, obesity (2010) : 10.1038 :oby.2010.188
Retour Voir l'article suivant