Le marketing alimentaire à destination des enfants

Des fruits et des légumes contre la dépression ?

Trouble mental sévère et fréquent, la dépression pèse à la fois sur les individus et la société. Selon l’OMS, elle est responsable de 270 000 suicides par an. Quand elle survient après l’âge de 60 ans, elle augmente le risque de démence, de maladie cardiovasculaire et multiplie par 2 les coûts de santé.

Un stress oxydant plus marqué chez les dépressifs

Diverses études ont retrouvé une association entre la dépression et une alimentation de piètre qualité nutritionnelle, qui pourrait être à la fois une cause ou une conséquence de la maladie. Un des principaux aspects nutritionnels concerne une consommation insuffisante de fruits et légumes (F&L) avec pour conséquence de faibles apports en micronutriments antioxydants. Or ces derniers pourraient jouer un rôle biologique dans l’étiologie de la dépression. Ainsi, chez les sujets déprimés, le stress oxydant est plus marqué et les capacités de défense anti oxydantes réduites. Certaines études suggèrent que les antidépresseurs peuvent diminuer le stress oxydatif et améliorer la capacité antioxydante du plasma. Cependant, ces analyses ignorent souvent les apports alimentaires et il n’est pas clair de savoir si les modifications plasmatiques reflètent des modifications alimentaires qui surviennent durant et après un épisode dépressif, ou sont dues aux effets de la maladie, voire des traitements.

Des apports élevés en F&L ont été associés à de meilleurs scores cognitifs, une moindre symptomatologie dépressive et à une réduction du risque dépressif. Ainsi, les apports en vitamine C, ß-carotène, fibres et acide folique – apportés principalement par les F&L – sont plus faibles chez les sujets dépressifs par rapport aux non déprimés. Plus récemment, il est apparu que les antioxydants apportés sous formes de compléments alimentaires étaient moins bénéfiques, voire délétères pour la santé, que ceux fournis par les végétaux.

Une étude cas témoins chez des sujets déprimés

L’objectif de cette étude, conduite par une équipe de psychiatres américains, a été d’examiner la relation entre la dépression de la soixantaine et les apports en fruits, légumes et antioxydants, avec l’hypothèse de départ que ceux-ci seraient plus faibles chez les sujets déprimés que chez les non déprimés et que les éventuelles différences de statut antioxydant seraient limitées à ceux provenant des végétaux.

Cette étude cas témoin a été réalisée à partir d’une plus vaste étude longitudinale, portant sur la dépression chez les personnes âgées. 278 participants de plus de 60 ans, ayant complété un questionnaire de consommation alimentaire entre 1999 et 2007 ont été inclus. 144 patients déprimés, suivis par un psychiatre et traités par antidépresseurs, ont été comparés à un groupe témoin 134 sujets non déprimés. Les apports alimentaires ont été évalués en termes d’apport énergétique, de portions de F&L et de consommation d’antioxydants (vitamines C et E, caroténoïdes – ß-carotène, α−carotène, ß-cryptoxanthine, lutéine/zéaxanthine, lycopène – sélénium). Vitamine C, vitamine E et ß-carotène ont été estimés à partir de l’alimentation et de la prise d’éventuels compléments alimentaires alors que les autres antioxydants ont été évalués à partir des seules sources alimentaires. Ces données ont été statistiquement comparées entre le groupe dépressif et le groupe témoin.

Une plus faible consommation de fruits et légumes chez les déprimés

Les apports en vitamine C, lutéine et beta cryptoxanthine ont été trouvés significativement plus bas chez les sujets déprimés par rapport aux sujets non déprimés (p<0.05). De plus, la consommation de F&L – principal déterminant de l’apport en antioxydants – était également plus faible chez les sujets déprimés. Dans les analyses multi variées – contrôlées pour l’âge, le sexe, l’éducation, le score de morbidité cardiovasculaire, l’IMC, les apports en lipides et l’alcool – les différences en termes de vitamine C, beta cryptoxanthine, consommation de F&L sont demeurées significatives.

La forme d’apport des antioxydants est importante

En revanche, on n’a retrouvé aucune relation entre les apports en antioxydants fournis par les compléments alimentaires et la dépression. Cela semble révéler que la forme sous laquelle sont apportés les antioxydants est importante, et que d’autres composants des F&L peuvent être bénéfiques sur la dépression. A l’appui de cette hypothèse, d’autres études ont bien montré que des modèles alimentaires riches en F&L étaient associés à un moindre risque de dépression. Seuls antioxydants à être retrouvés plus bas chez les sujets âgés déprimés: la vitamine C et la ß-cryptoxanthine. Or la concentration de cette dernière est prédominante dans le cerveau. En outre, ses teneurs dans le lobe frontal, diminuent avec l’âge et pourraient participer aux mécanismes de la dépression chez le sujet âgé. De plus, les antioxydants exercent un effet protecteur contre le stress oxydant qui est particulièrement élevé au cours de la dépression (le cerveau étant très riche en acides gras polyinsaturés sensibles à l’oxydation).

Cette étude originale a le mérite de révéler que des composants des F&L, en particulier certains antioxydants spécifiques, sont importants pour la santé mentale, alors que les antioxydants apportés par les compléments alimentaires n’offriraient pas la même protection. D’autres études doivent évidemment confirmer ses résultats, établir une relation étiologique entre antioxydants et dépression et clarifier les mécanismes à l’origine des effets protecteurs des F&L sur le cerveau. Il pourrait être ainsi possible de prévenir la dépression ou d’améliorer sa symptomatologie par une simple intervention diététique.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Payne M.E et al, Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, dec 2012, vol 112 N°12, pp 2022-2027.
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