“quand un alicament se met le doigt dans l’oeil…”

DES FRUITS ET LÉGUMES POUR PRÉVENIR LA CATARACTE

UNE LENTILLE TRANSPARENTE QUI S’ALTÈRE AVEC L’ÂGE

Le cristallin est une lentille biconvexe élastique dont la fonction d’accommodation fait converger les rayonnements lumineux sur la rétine. Une bonne vision nécessite une transparence et une souplesse parfaite du cristallin. Ces caractéristiques sont directement reliées à la structure des fibres du cristallin et, plus précisément, à l’architecture des protéines intracellulaires appelées cristallines. Ces protéines se renouvellent très lentement et accumulent, au cours de la vie, les dégâts liés à l’environnement. Au fil des ans, le cristallin jaunit, brunit et perd son élasticité, avec pour conséquences, la presbytie, l’altération de la vision des couleurs qui précèdent la formation des opacités, aboutissant à la cataracte.

80% DES INDIVIDUS DE PLUS DE 75 ANS EN SONT ATTEINTS ET, SEULEMENT, 35% D’ENTRE EUX SONT OPÉRÉS.

UN ORGANE FORTEMENT EXPOSÉ AUX AGENTS OXYDANTS

Les changements moléculaires, à l’origine de cette modification macroscopique du cristallin, sont marqués par l’apparition, au sein des protéines, de pontages disulfure et d’adduits de composés carbonylés. Les premiers résultent d’une oxydation directe des groupements sulfhydryles des acides aminés soufrés, les seconds proviennent de la réaction entre les groupements amines libres des protéines et des petites molécules, issues de la dégradation oxydative du glucose et de l’acide ascorbique. Les produits de cette réaction sont brunâtres. Les rayonnements ultraviolets du soleil, auxquels le cristallin est directement exposé, contribuent fortement à ces oxydations. Il s’ensuit la formation d’agrégats protéiques qui perturbent l’architecture des cristallines et génèrent des zones d’opacités.

VITAMINE C ET CAROTÉNOÏDES : PRINCIPALES DÉFENSES DU CRISTALLIN

La protection du cristallin est essentiellement chimique. En effet, le métabolisme des cellules lenticulaires est très fortement ralenti du fait que les fibres du cristallin (à l’exception d’une monocouche de cellules épithéliales antérieures) ne possèdent pas de noyau, ce qui entrave leur capacité d’adaptation aux conditions du milieu. Cependant, le cristallin est relativement résistant aux agressions : sa membrane est tellement pauvre en acides gras poly-insaturés qu’elle est peu sensible aux oxydations. Les cristallines sont essentiellement protégées contre les agents oxydants aqueux par le glutathion et la vitamine C.

Celle-ci est particulièrement efficace contre les dommages liés aux UV, de telle sorte que le cristallin des mammifères nocturnes n’en accumule pas. Les caroténoïdes, comme la lutéine et la zéaxanthine, associés à la vitamine E, piègent les agents oxydants liposolubles. Quant aux protéines qui n’auraient pu échapper à une altération de leur structure, elles sont réparées grâce à l’activité chaperonne de l’alpha-cristalline, ou encore dégradées par les enzymes protéolytiques du protéasome.

UNE ALIMENTATION RICHE EN FRUITS ET LÉGUMES PROTÈGE LE CRISTALLIN

LA VITESSE DE VIEILLISSEMENT DU CRISTALLIN DÉPEND :

  • de la génétique (capacité de synthèse des enzymes anti-oxydantes, comme la glutathion réductase ou peroxydase),
  • de facteurs de risque métaboliques (essentiellement hyperglycémie, urémie…),
  • de la prise de certains médicaments (corticoïdes),
  • du mode de vie (tabagisme, alcool).

L’alimentation peut significativement moduler la vitesse de dégénérescence de l’organe, en particulier, les habitudes de consommations de fruits et légumes. Ces derniers fournissent 80 % de la vitamine C et 75 % des caroténoïdes de notre alimentation. Or, de nombreuses études ont pu démontrer une protection significative du risque de cataracte chez les populations consommant de fortes doses de vitamine C, notamment lorsque celle-ci est apportée régulièrement sur une longue durée (au moins 10 ans). (La consommation de vitamine E est également souvent associée à une diminution de l’incidence des cataractes).

Deux études prospectives ont révélé l’importance de la consommation de caroténoïdes, en particulier, de la lutéine et de la zéaxanthine apportées par les brocolis et épinards. De manière plus générale, deux grandes études américaines(1,2) récentes, réalisées sur des cohortes de femmes, confirment que celles qui consomment le plus de fruits et légumes présentent un risque significativement réduit de développer une cataracte.

En l’état actuel des connaissances, une alimentation riche en fruits et légumes constitue donc le moyen le plus sûr de retarder le vieillissement du cristallin et la survenue des cataractes grâce à une bonne protection de cette précieuse lentille contre les agents oxydants.

Inès Birlouez-Aragon
Institut National Agronomique Paris-Grignon, FRANCE
  1. Christen WG, Liu S, Schaumberg DA, Buring JE. Fruit and vegetable intake and the risk of cataract in women. Am J Clin Nutr. 2005 ;81(6):1417-22.
  2. Moeller SM, Taylor A, Tucker KL, McCullough ML, Chylack LT Jr, Hankinson SE, Willett WC, Jacques PF. Overall adherence to the dietary guidelines for americans is
    associated with reduced prevalence of early age-related nuclear lens opacities in women. J Nutr. 2004 ;134(7):1812-9.
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