DIABÈTE DE TYPE 2 : LA PROGRESSION EST-ELLE INÉLUCTABLE ?

DIABÈTE DE TYPE 2 : LA PISTE DU SEL EST À SUIVRE…

DES FACTEURS DE RISQUES BIEN IDENTIFIÉS

La prévalence et l’incidence du diabète de type 2 sont en rapide augmentation aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement (1). Plusieurs facteurs de risque alimentaires et comportementaux ont été mis en évidence avec des niveaux de preuve relativement élevés : le surpoids, l’obésité, en particulier abdominale, une activité physique réduite, une forte consommation d’acides gras saturés, une forte consommation d’aliments à index glycémique élevé et une faible consommation de produits céréaliers complets (2). Une partie de l’effet bénéfique d’une forte consommation des produits céréaliers complets et, peut-être, des fruits et légumes, pourrait être liée à l’augmentation associée des apports en antioxydants, fibres solubles et magnésium (3, 4).

SEL ET DIABÈTE : UN DOUBLEMENT DU RISQUE

Une étude finlandaise récente met le doigt sur un autre facteur alimentaire, l’apport en chlorure de sodium, plus connu pour ses effets sur l’hypertension et les maladies cardiovasculaires que sur le diabète de type 2 (5). L’étude en question, réalisée sur 1935 hommes et femmes de 35 à 64 ans suivis de manière prospective pendant 18 ans, rapporte un risque de diabète de type 2 multiplié par 2 entre les plus faibles et les plus forts consommateurs de sel (6). Il existe une association entre l’excrétion urinaire de sodium de 24 heures et le risque de diabète de type 2, indépendante du sexe, de l’âge, de l’IMC, de la pression artérielle, de l’activité physique, de la consommation de fruits et légumes et d’acides gras saturés. A l’inverse, l’excrétion urinaire de potassium de 24 heures, qui est d’autant plus élevée que la consommation de produits céréaliers complets et de fruits et légumes est forte, n’est pas associée au risque de diabète de type 2…

L’INSULINO RÉSISTANCE : UN FACTEUR CENTRAL

Cette association n’est pas une surprise totale. Il est établi que les diabétiques de type 2 ont un risque élevé d’hypertension et, inversement, que les hypertendus ont un risque élevé de diabète, dans le cadre du syndrome métabolique (7, 8). Ces deux pathologies partagent d’ailleurs les mêmes facteurs de risque (2, 9). Ce n’est pas tout. Plusieurs études rapportent une résistance à l’insuline et un hyperinsulinisme (deux phénotypes associés de manière probablement causale au syndrome métabolique), chez les personnes les plus sensibles à l’effet hypertenseur de l’excès de sel (10, 11).

Les mécanismes susceptibles d’expliquer l’effet diabétogène du sel restent, cependant, difficiles à cerner. On peut imaginer qu’une hyperinsulinémie favorise une hypertension par le biais d’une rétention de sel au niveau rénal (les reins échappant à la résistance à l’insuline observée dans le foie et les muscles). En revanche, la façon dont un excès de sel pourrait créer une hyperinsulinémie et une résistance à l’insuline n’est pas claire.

DES FACTEURS CONFONDANTS RESTENT À PRÉCISER

Ces résultats originaux restent donc à confirmer. D’autant plus que cette étude présente des limitations importantes, concernant en particulier les possibles effets confondants des divers paramètres alimentaires associés à l’excès de sel. Une forte consommation de sel est en effet généralement associée à une forte consommation d’autres minéraux, vitamines, fibres et nutriments divers présents dans les principaux aliments vecteurs de l’apport en sel (pain, charcuterie, fromages, soupes) et dont les effets sur le risque de diabète de type 2 restent à établir (12). Néanmoins, la piste du sel est à suivre pour mieux comprendre le “diabète sucré”…

Pierre Meneton
Département de Santé Publique et d'Informatique Médicale - Faculté de Médecine René Descartes - Paris - FRANCE
  1. King H, Aubert RE, Herman WH. Global burden of diabetes, 1995-2025: prevalence, numerical estimates, and projections. Diabetes Care 21(9): 1414-1431, 1998.
  2. Steyn NP, Mann J, Bennett PH, Temple N, Zimmet P, Tuomilehto J, Lindstrom J, Louheranta A. Diet, nutrition and the prevention of type 2 diabetes. Public Health
    Nutr 7(1A): 147-165, 2004.
  3. Liu S, Serdula M, Janket SJ, Cook NR, Sesso HD, Willett WC, Manson JE, Buring JE. A prospective study of fruit and vegetable intake and the risk of type 2 diabetes in women. Diabetes Care 27(12): 2993-2996, 2004.
  4. Montonen J, Jarvinen R, Heliovaara M, Reunanen A, Aromaa A, Knekt P. Food consumption and the incidence of type II diabetes mellitus. Eur J Clin Nutr 59(3): 441-448, 2005.
  5. Meneton P, Jeunemaitre X, de Wardener HE, MacGregor GA. Links between dietary salt intake, renal salt handling, blood pressure, and cardiovascular diseases. Physiol Rev 85(2): 679-715, 2005.
  6. Hu G, Jousilahti P, Peltonen M, Lindstrom J, Tuomilehto J. Urinary sodium and potassium excretion and the risk of type 2 diabetes: a prospective study in Finland. Diabetologia 48(8): 1477-1483, 2005.
  7. American Diabetes Association. Treatment of hypertension in adults with diabetes. Diabetes care 26: S80-S82, 2003.
  8. Meisinger C, Thorand B, Schneider A, Stieber J, Doring A, Lowel H. Sex differences in risk factors for incident type 2 diabetes mellitus: the MONICA Augsburg cohort study. Arch Intern Med 162(1): 82-89, 2002.
  9. Srinath Reddy K, Katan MB. Diet, nutrition and the prevention of hypertension and cardiovascular diseases. Public Health Nutr 7(1A): 167-186, 2004.
  10. Sharma AM, Schorr U, Distler A. Insulin resistance in young salt-sensitive normotensive subjects. Hypertension 21(3): 273-279, 1993.
  11. Giner V, Coca A, de la Sierra A. Increased insulin resistance in salt sensitive essential hypertension. J Hum Hypertens 15(7): 481-485, 2001.
  12. Montonen J, Knekt P, Harkanen T, Jarvinen R, Heliovaara M, Aromaa A, Reunanen A. Dietary patterns and the incidence of type 2 diabetes. Am J Epidemiol 161(3): 219-227, 2005.
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