Impact de l’environnement sur la consommation de fruits et légumes

Facteurs influençant la consommation de légumes : L’éducation et la géographie sont intriquées

L’impact des différences socioéconomiques sur la consommation de fruits et légumes

La plupart des études ont montré des différences d’ordre socioéconomique dans la consommation de Fruits et Légumes (F&L) : ce sont les groupes de moindre niveau socioéconomique qui en consomment le moins. Cependant, ces études ont surtout porté sur un pays ou une région, alors qu’à l’échelle internationale, les données portant sur les comparaisons des habitudes et l’ampleur des différences sont rares. Quelques revues de la littérature suggèrent que les différences dues à l’éducation ne sont pas aussi marquées dans le Sud de l’Europe que dans le Nord. Nous connaissons très mal ce qui sous tend ces différents styles d’éducation.

Les différences socioéconomiques sont-elles similaires partout en Europe ?

Nous avons examiné le lien entre le statut socioéconomique (SSE) et la consommation de légumes dans neuf pays européens. Notre objectif principal : analyser si les variations de consommation dues au SSE étaient les mêmes dans tous les pays étudiés. Notre deuxième objectif était de tester si l’éducation avait un impact indépendant sur la consommation de légumes lorsque les autres déterminants du SSE (profession, lieu de résidence) étaient pris en compte. Enfin, dans chaque pays, nous avons analysé les variations socioéconomiques en fonction de la disponibilité et de l’accès à l’achat des légumes.

  • La « disponibilité » fait référence aux aliments présents dans les tableaux de consommation alimentaire et les statistiques de consommation.
  • « L’accès à l’achat » fait référence au coût relatif des légumes.

En tant que partenaires du projet Eurothine (coordonné par le prof. Johan Mackenbach de l’Université Erasmus de Rotterdam aux Pays-Bas), nous avons pu analyser des données d’enquêtes nationales représentatives, portant sur les comportements sains et la santé. Au total, neuf pays ont envoyé au centre Eurothine des résultats d’enquêtes similaires sur la consommation des légumes, le niveau d’éducation, la profession et le lieu de résidence des participants. Les données de consommation individuelle de légumes ont été extraites d’enquêtes nationales en Finlande, au Danemark , en Allemagne, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en France, en Italie et en Espagne, à partir de 1998. Ces enquêtes fournissaient des données comparables sur les fréquences de consommation des légumes. Une description détaillée de cette étude a déjà été publiée 1.

Disponibilité et accès à l’achat des légumes dans neuf pays Européens

Selon les Tableaux d’Equilibre Alimentaire de la FAO de 1993 à 2003 2, la disponibilité est importante dans les pays d’Europe du Sud (France, Italie et Espagne) alors qu’en Finlande, au Danemark et aux pays Baltes, si la disponibilité était moindre, elle tendait vers une plus forte augmentation que dans le Sud entre 1993 et 2003.

Les données sur les prix des légumes des neuf pays ont été collectées à partir des statistiques de l’Union Européenne3. Afin de pouvoir comparer l’accès à l’achat entre les différents pays, nous nous sommes axés sur les prix relatifs des légumes. Nous avons utilisé l’Indice des Prix divisé par le Produit National Brut. Les prix relatifs étaient les plus bas dans les pays de la Méditerranée et en Allemagne et les plus élevés dans les pays Baltes.

Des différences non similaires dans chaque pays

Les variations socio-économiques liées à la consommation de légumes étaient différentes dans chaque pays.

La figure suivante montre les indices d’inégalité en termes d’éducation, définis comme la différence relative de la consommation de légumes entre chaque groupe d’éducation du pays étudié :

  • Si l’indice est = 1, il n’y a pas de différence due à l’éducation dans la consommation des légumes du pays.
  • S’il est > à 1, les groupes les plus éduqués consomment plus souvent des légumes de manière significative.
  • S’il est < à 1 ce sont les groupes les moins éduqués qui en consomment plus souvent .

Cette figure qui représente les différences au niveau de l’éducation lorsque le lieu de résidence et la profession sont pris en compte montre bien l’impact indépendant de l’éducation sur la consommation des légumes.

En termes d’éducation, les différences les plus marquées sont observées entre les pays de la Méditerranée et ceux d’Europe du Nord. En France, Espagne et Italie, le niveau d’éducation a peu d’impact sur la consommation de légumes. Après ajustement selon la profession et le lieu de résidence, les personnes avec un niveau d’éducation plus élevé ont un niveau de consommation de légumes légèrement moindre que ceux d’un niveau plus bas. C’est l’inverse dans les pays Nordiques et les pays Baltes, où les différences dues à l’éducation sont plus marquées et leurs orientations différentes : les personnes ayant un niveau d’éducation plus élevé consomment plus de légumes. En revanche, en Allemagne, on n’a observé aucune différence significative due à l’éducation.

Les facteurs culturels ont également un impact

Nos résultats confortent l’hypothèse que l’association positive observée entre le niveau d’éducation et la consommation de légumes est liée à la disponibilité et à l’accès facile pour l’achat de légumes. Cette association positive est plus marquée dans les pays où les légumes sont peu disponibles et plus coûteux que dans ceux où les légumes sont largement disponibles et peu coûteux.

Disponibilité et prix abordables n’expliquent pas l’ensemble des variations de l’éducation en matière de consommation des légumes. Des facteurs culturels, comme les traditions culinaires, ont également un impact. Ainsi, dans les pays Méditerranéens, il y a une longue tradition de production locale des légumes. Les produits locaux sont disponibles toute l’année et même les groupes socioéconomiques les plus défavorisés peuvent les intégrer dans la cuisine de tous les jours. En Europe du Nord, les légumes frais sont disponibles seulement durant l’été, tandis qu’au printemps et en hiver, les produits importés sont parfois disponibles mais à un prix élevé. C’est pourquoi sans doute les Européens du Nord n’ont pas développé une tradition de consommation quotidienne des légumes et lorsque plus de légumes arrivent sur le marché, ce sont les groupes socio-économiques les plus aisés qui sont les premiers à les acheter.

On voit donc qu’en matière de consommation de légumes, l’éducation et la géographie sont bien impliquées. Afin d’augmenter la consommation de légumes dans les groupes socio-économiques les plus défavorisés, de multiples mesures doivent être prises, allant de la politique des prix à l’éducation nutritionnelle.

Ritva Prättälä
Institut National de la Santé et du Bien Etre - Helsinki, Finlande
  1. Prättälä R et al. Public Health Nutrition 12 (11) 2174-2182.2009.
  2. Food and Agriculture Organization of the United Nations. FAO Statistical Databases. Food Balance Sheets. http://faostat.fao.org/site/502/default.aspx. 2007
  3. Stapel S. Eating, drinking, smoking – comparative price levels in EU, EFTA and candi date countries for 2001. Eurostat Statistic in Focus. Theme 2: Economy and Finance, vol. 42. Luxembourg. European Commission. 2002.
Retour Voir l'article suivant