Edition spéciale – Un symposium pour clore l’Année Internationale des Fruits et Légumes

Fruits, légumes et microbiote : une alliance santé ?

microbiote intestinal

| Jean-Michel Lecerf
Service Nutrition et Activité Physique, Centre Prévention Santé Longévité, Institut Pasteur de Lille, France

| Nathalie Delzenne
Groupe de Recherche sur le Métabolisme et la Nutrition, Université Catholique de Louvain (UCLouvain), Belgique

L’étude du microbiote est un domaine de recherche complexe, sur lequel les études se sont intensifiées de manière exponentielle à partir de 2008 grâce à l’avancée des méthodes d’analyse. En effet, des perturbations du microbiote – intestinal notamment – sont observées dans de nombreuses maladies chroniques. La compréhension des liens entre microbiote et pathologies est ainsi primordiale et est considérée comme une voie potentielle de thérapeutiques nouvelles.

Le microbiote, un « organe » spécifique à chacun

Le microbiote représente l’ensemble des microorganismes (bactéries, virus, champignons, levures, etc.) vivant dans un environnement spécifique chez l’hôte. Il existe cinq types de microbiotes (intestinal, vaginal, cutané, respiratoire, et oral) associés au corps humain. Le microbiote intestinal est le plus étudié. Il représente à lui seul 100 000 milliards de microorganismes. La densité de ces microorganismes est croissante en avançant de l’estomac vers le côlon. Chez un adulte en bonne santé, les bactéries composant le microbiote intestinal appartiennent à 2 phyla majeurs – les Bacteroidetes et les Firmicutes – qui constituent ~85% de la flore intestinale.

Chaque individu possède un microbiote qui lui est propre et qui évolue tout au long de sa vie.

Deux critères de qualité du microbiote ont été identifiés : sa composition et sa diversité. Elles dépendent de plusieurs caractéristiques propres à l’individu (âge, sexe, patrimoine génétique), du mode d’accouchement et allaitement, et des conditions dans lequel il évolue (alimentation, stress, prise de médicaments, agents infectieux et toxiques).

Une perturbation du microbiote observée dans de nombreuses pathologies

L’alimentation est un des facteurs clés qui régit non seulement la composition, mais également l’activité du microbiote intestinal. Les micro-organismes du microbiote se nourrissent de substances présentes dans les aliments (fibres notamment) et participent à la digestion et au métabolisme de nombreux nutriments.

Dans de nombreuses maladies chroniques généralement associées à une alimentation déséquilibrée (maladies cardiovasculaires, cancer, diabète, obésité) un microbiote altéré (dysbiose) est observé. Cette dysbiose modifie, à son tour, la perméabilité intestinale. Ceci favorise le passage de molécules telles que des métabolites bactériens, des xénobiotiques des lipopolysaccharides bactériens et des acides aminés branchés et aromatiques, responsables d’une inflammation systémique bas-grade (Lecerf JM, 2021).

Les fibres au cœur de la modulation du microbiote

L’alimentation est l’un des facteurs clés modulant le microbiote. Les aliments d’origine végétale sont particulièrement riches en nutriments considérés comme prébiotiques. Ceux-ci, véritables « carburants » des bactéries du microbiote intestinal, induisent de multiples effets protecteurs sur l’intestin directement (mucus…) ou indirectement via la libération dans l’intestin de substances actives qui peuvent jouer des rôles favorables sur la santé.
Plus particulièrement, les fruits et légumes sont riches en fibres alimentaires pouvant influencer la composition et la diversité du microbiote intestinal et ainsi, contribuer à la prévention de certaines maladies. En effet, les fibres produisent des acides gras à chaîne courte capables d’agir sur les récepteurs spécifiques à chaque pathologie (obésité, diabète, cancer, inflammation, immunodéficience) (Cui, 2019).

Certaines fibres alimentaires, les fructanes de type inuline, présentes dans les légumes tels que le poireau, le topinambour, l’artichaut, le salsifi et l’oignon peuvent contribuer à l’amélioration de l’obésité et des maladies associées. Une étude réalisée sur 26 individus en bonne santé a montré qu’une consommation importante de légumes riches en inuline est bien tolérée et permet des changement réversibles et significatifs du microbiote intestinal avec notamment une augmentation de Bifidobacterium. Les auteurs ont également noté une augmentation de Prevotella avec une diminution d’Oscillibacter sp., de Lachnospiraceae, et d’Alistipes. Ceci est intéressant dans le contexte du contrôle des altérations métaboliques. Les participants ont mis en évidence une diminution de l’inconfort intestinal, lié à la fréquence de Clostridium cluster IV et de Ruminococcus callidus (Bindel, 2013 ; Hiel, 2019).

Les polyphénols nutriments d’intérêt dans la modulation du microbiote

Les fibres alimentaires présentes dans les fruits et légumes ne sont pas les seuls nutriments d’intérêt dans ce contexte. Les fruits et légumes contiennent également d’autres nutriments tels que les polyphénols, les flavonoïdes et d’autres dérivés phénoliques qui sont aussi des prébiotiques potentiels. Leur interaction avec le microbiote pourrait expliquer une partie de leur effet protecteur vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires (Cui, 2019).

Messages clés :

  • L’alimentation influence la composition et l’activité du microbiote intestinal.
  • Le microbiote intestinal est altéré dans la majorité des pathologies associées au déséquilibre alimentaire.
  • Les fruits et légumes sont riches en fibres alimentaires et en nutriments considérés comme prébiotiques (polyphénols) capables de moduler le microbiote.
  • Lecerf JM, Delzenne N. Microbiote intestinal et santé humaine. Elsevier-Masson Edit (Paris) 2021, 245p.
  • Cui J, et al. Dietary Fibers from Fruits and Vegetables and Their Health Benefits via Modulation of Gut Microbiota. Compr Rev Food Sci Food Saf. 2019;18(5):1514-1532.
  • Bindels LB, Delzenne NM. Muscle wasting: the gut microbiota as a new therapeutic target? Int J Biochem Cell Biol. 2013;45(10):2186-90.
  • Hiel S, et al. Effects of a diet based on inulin-rich vegetables on gut health and nutritional behavior in healthy humans. Am J Clin Nutr. 2019;109(6):1683-1695.
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