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HTA c’est aussi une affaire de nutrition

Cause majeure de morbi-mortalité, l’hyper-tension artérielle (HTA) touche un milliard de personnes dans le monde. Le rôle du mode de vie est clairement établi dans sa pathogénie. Surpoids, obésité, faible poids de naissance, excès ou insuffisance de certains nutriments sont associés à une plus forte prévalence de l’HTA. Cet article passe en revue les principaux facteurs nutritionnels incriminés.

DASH : la consécration du rôle de fruits et légumes

L’étude DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension diet) publiée en 1997, a consacré le rôle des fruits et légumes dans la prise en charge de l’HTA. Etude multicentrique, elle a comparé chez plus de 450 adultes, trois types d’alimentation : une diète contrôle (typiquement américaine, pauvre en fruits et légumes -F&L- et riches en graisses saturées), une diète riche en F&L et une diète combinée riche en F&L et en laitages allégés. Les deux régimes enrichis en F&L ont entrainé une réduction rapide (en 2 à 3 semaines) significative et maintenue (au long des 8 semaines de l’étude) de la tension artérielle (TA) systolique et diastolique. Quelques années plus tard (2001), l’étude DASH-Sodium a démontré que la restriction sodée potentialisait l’effet anti hypertenseur du régime DASH, en particulier chez les patients hypertendus.

Etre obèse exerce un effet direct sur l’augmentation de la pression artérielle qui est corrélée avec la taille et le nombre des adipocytes. Les volumineux adipocytes des obèses ont une forte production d’adipokines favorisant l’HTA (leptine, angiotensinogène, acides gras libres, radicaux libres…). L’obésité est également associée à une infiltration du tissu adipeux par des macrophages entretenant un état inflammatoire chronique. La répartition abdominale du tissu adipeux (tour de taille > 102 cm chez l’homme, 88 cm chez la femme) est particulièrement concernée.

De multiples mécanismes associés sont impliqués dans l’HTA au cours de l’obésité :

  • élévation de l’activité du système rénine-angio tensine-aldostérone
  • Augmentation de l’activité rénine plasmatique liée aux apports sodés chez l’obèse
  • Insulino résistance et excès de leptine augmentent l’activité du système nerveux sympathique (augmentation des taux de catécholamines).
  • Apnées du sommeil, fréquentes chez l’obèse et facteur de risque d’HTA.
  • L’insulino résistance favorise la rétention hydro sodée.
  • L’obésité accroît la prévalence des maladies rénales chroniques, source d’HTA.
  • Enfin elle s’associe à des taux élevés de leptine, de facteurs de coagulation, d’espèces oxydées réactives, de facteurs inflammatoires et favorise la dysfonction endothéliale (via la réduction de sécrétion d’adiponectine).

Chez les obèses hypertendus, la perte de poids réduit la tension artérielle, alors qu’à l’inverse, un excès d’apports énergétiques favorise l’HTA chez l’obèse. Cette baisse de tension artérielle associée à la perte de poids n’est pas uniquement liée à la réduction énergétique et à la perte de mase grasse. Les obèses ont souvent des apports excessifs en sodium qui, associés à la rétention hydro sodée liée à l’insulinorésistance, favorisent l’HTA.

Rôle de la nutrition foetale et infantile

Les enfants en surpoids présentent un risque accru d’HTA à l’âge adulte, de même que ceux ayant un faible poids de naissance (qui favorise l’obésité chez l’enfant et la réduction du nombre de néphrons, source de rétention sodée).

La malnutrition foetale est un facteur de risque d’obésité et d’HTA à l’âge adulte. Les études réalisées chez les femmes enceintes pendant les famines de la guerre de 40 aux Pays Bas l’ont démontré.

Sel et HTA : des réponses très variables

L’Etude Intersalt (International Study of Salt and Blood Pressure) a montré que l’apport en chlorure de sodium est corrélé à l’élévation de la pression artérielle. Cette relation augmente avec l’âge, le niveau de pression artérielle, l’insuffisance rénale et les antécédents familiaux d’HTA. La réponse hypertensive au sel est variable et ne concerne que 30 à 50% des sujets hypertendus. Les effets de la réduction sodée sur la TA varient selon les études. Les recommandations actuelles préconisent simplement de « ne pas ajouter de sel » dans l’alimentation de manière à atteindre des apports quotidiens de l’ordre de 5 g par jour.

Des arguments en faveur du potassium

Les études épidémiologiques sont en faveur d’un rôle favorable de la supplémentation en potassium sur la baisse de la pression artérielle. Les études d’interventions sont moins formelles. Diverses méta-analyses ont montré qu’une supplémentation potassique pouvait réduire la pression systolique de 6 mm de Hg et la diastolique de 3 mm de Hg chez les hypertendus. Le potassium augmente l’excrétion rénale de sodium, favorise la vasodilatation artérielle et diminue la réactivité vasculaire aux hormones hypertensives (noradrénaline et angiotensine). Les recommandations actuelles préconisent des apports en potassium (dont fruits et légumes sont la principale source alimentaire) de 4,7 g par jour.

HTA et Calcium : manque de données

L’effet du calcium sur la baisse de la pression artérielle est controversé. Il existe une relation faible et non significative entre baisse de la pression systolique et supplémentation en calcium. Il semble, en réalité qu’une alimentation carencée en calcium pourrait prédisposer à l’HTA alors qu’une supplémentation calcique n’aurait pas d’effet chez les sujets normo tendus. D’autres études sont nécessaires.

Huiles de poissons : oui chez les hypertendus

Un apport en acides gras poly insaturés de plus de 3 grammes par jour sous forme d’huiles de poisson réduit la pression systolique de 3 mm et la diastolique de 1,5 mm de Hg de manière significative seulement chez les hypertendus.

Protéines et fibres

Si les études épidémiologiques montrent une relation inverse entre l’apport en protéines et la TA, seules quelques études d’intervention indiquent qu’une supplémentation en protéines (de soja) peut réduire la TA systolique et diastolique. Ces protéines sont riches en arginine, un précurseur de NO, puissant vasodilatateur, et en acide glutamique doué d’effets hypotenseurs. La digestion de certaines protéines (en particulier celles issues du lait) produit divers peptides capables d’inhiber l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

Diverses méta-analyses montrent qu’une augmentation de l’apport en fibres alimentaires peut prévenir l’HTA et réduire la TA des sujets hypertendus.

Alcool : gare aux excès !

Une prise aigue et excessive d’alcool augmente la TA de façon transitoire et accroit les risques d’accident hémorragique cérébral chez les hypertendus. Si une consommation supérieure à 210 g d’alcool par semaine est un facteur de risque, il est admis qu’une consommation modérée et régulière (en particulier le vin rouge riche en polyphénols) réduit les risques d’infarctus.

L’effet bénéfique de la vitamine D

La carence en vitamine D (25 OH D < 20 ng/ml) touche la moitié de la population mondiale. Chez les sujets hypertendus il existe une relation inverse entre l’activité rénine plasmatique et les taux plasmatiques de vitamine D. Au niveau moléculaire, cette dernière est un régulateur négatif de l’expression du gène de la rénine. Elle réduit les taux de divers médiateurs hypertenseurs. Enfin, la vitamine D peut réduire l’insulinorésistance et exercer des effets néphroprotecteurs et anti inflammatoires. Les essais de supplémentation en vitamine D chez les hypertendus ne semblent favorables que chez les sujets déficients en vitamine D.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Savica V. et al, The effect of nutrition on blood pressure, Annu. Rev. Nutr.2010.30: 365-401
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