Estomper les écarts socioéconomiques et hommes-femmes dans la consommation de fruits et légumes

Les dessous de la politique gouvernementale de marketing des fruits et légumes génériques aux USA

Produits de marque et produits génériques : des enjeux différents

Les aspects financiers du marketing alimentaire sont très différents lorsqu’il s’agit de produits de marque (comme Coca-Cola) ou de produit générique (comme les épinards vendus en vrac). Le fabricant d’un produit de marque a un fort intérêt à faire de la publicité. En revanche, les fabricants de produits génériques savent que toute dépense promotionnelle bénéficiera à la concurrence. En jargon économique, les concurrents seront des “profiteurs”.

Bien sur, il existe des fruits et légumes de marque (si on garde l’exemple des épinards, les épinards Dole en conserve). En revanche – aux Etats-Unis du moins – il est clair que les produits de marque – et donc leur publicité active – sont moins répandus dans l’industrie des fruits et légumes que dans d’autres secteurs agroalimentaires. Cette disparité soulève des inquiétudes, à savoir que le secteur privé favoriserait la publicité d’aliments « malsains » au dépend de la promotion des fruits et légumes.

Les mérites du marketing générique

Les producteurs de produits alimentaires génériques ont demandé l’aide du gouvernement pour résoudre le problème des « profiteurs » dans le marketing de leurs produits. Dans le cas des fruits et légumes, les associations de producteurs, les fondations pour la nutrition et le gouvernement fédéral tirent tous bénéfice du marketing générique et de la promotion. Un des résultats a été le programme “5 par jour” puis le programme “5 à 9 par jour”, véritable partenariat privé/public qui encourage les consommateurs à augmenter leurs portions journalières de fruits et légumes, sans tenir compte de la marque. Au delà de ce partenariat national, certaines directives régionales intègrent une contribution obligatoire des producteurs des fruits et légumes au budget du marketing.

Une contribution insuffisante du gouvernement Cependant, ces programmes de promotion des fruits et légumes représentent une très faible part des interventions du gouvernement fédéral américain pour aider les producteurs agricoles à résoudre le problème des « profiteurs » et promouvoir les produits génériques. Par exemple, la contribution au programme “5 à 9-par jour” des Instituts Nationaux de la Santé (NIH) du gouvernement fédéral n’était que de 3,6 millions de $ en 2001. Récemment, la participation fédérale a ce programme a été transférée aux Centres de Contrôle des Maladies (CDC), mais la contribution exacte des CDC à cet effort est inconnue (durant plusieurs semaines, de nombreuses demandes par courrier électronique aux bureaux des programmes et d’information au public du CDC n’ont pas pu dénicher une exacte réponse chiffrée…).

Des soutiens parfois inégaux…

A l’inverse, le gouvernement fédéral offre plus de soutien aux puissantes industries de la viande et du lait, via les programmes fédéraux de promotion générique des produits de base, connu sous le nom de programmes “subventions”, dont voici le résumé :
Les campagnes de publicité subventionnées comprennent : “Au menu ce soir : du boeuf”, “Ah, le pouvoir du fromage !”, “Le porc, l’autre viande blanche”, “Avez-vous du lait ?” et “Les moustaches au lait”. Ces campagnes sont tellement connues que les lecteurs reconnaissent immédiatement les slogans et sont interloqués de savoir qu’elles émanent du gouvernement fédéral. Et bien si !

Ces programmes sont élaborés par le Congrès, approuvés par la majorité des producteurs de produits de base, gérés conjointement par un comité de producteurs et le Département Américain de l’Agriculture (USDA) et financés par un prélèvement obligatoire au niveau des producteurs. Le gouvernement fédéral assure la collecte de ces cotisations, approuve les programmes de publicité et de marketing et défend devant les tribunaux cette communication subventionnée, en arguant qu’il s’agit d’un message du gouvernement fédéral lui-même – en jargon légal “le discours officiel”(1).


Des programmes en porte à faux avec les recommandations officielles

En 2004, grâce aux pouvoirs de taxation du gouvernement fédéral, c’est plus de 600 millions de $ de cotisations qui ont été récoltées pour ces programmes auprès des producteurs. Ces programmes mettent parfois le gouvernement fédéral en porte à faux avec les messages nutritionnels des Recommandations Nutritionnelles pour les Américains, volontairement plus scientifiques et conçues comme le message officiel du gouvernement en matière de communication nutritionnelle.
A titre d’exemple, les recommandations concernant la prévention de l’obésité ne se focalisent pas sur des nutriments spécifiques, comme aime le faire l’industrie de la viande avec le régime “pauvres en glucides” et celle du lait avec ses régimes “riches en calcium”.

A l’inverse, les recommandations mettent l’accent sur l’équilibre calorique global dans le contexte d’une alimentation saine, c’est-à-dire riche en fruits et légumes et produits laitiers maigres:
• Pour maintenir un poids sain, compensez les calories apportées par les aliments et les boissons avec les calories dépensées.
• Pour éviter une prise de poids à long terme, réduisez un peu les calories provenant des aliments et des boissons et augmentez l’activité physique(2). Les effets pervers de la promotion ?

Par contraste, le programme subventionné du gouvernement fédéral pour le porc a fondé son message nutritionnel sur le régime pauvre en glucides, “Vous contrôlez vos glucides ? Le porc est parfait”. Durant les 2 dernières années, le programme du gouvernement pour le lait a utilisé la perte du poids comme thème central de sa campagne : “3 par jour. Du lait-du fromage – du yaourt.

Brûlez plus de graisses, perdez du poids”(1). Loin de suivre les Recommandations Nutritionnelles privilégiant les produits laitiers maigres, ces messages ont fait la promotion du lait et du fromage sans tenir compte de leur teneur en graisses. Parfois, ils ont même fait la promotion de produits riches en graisses, surtout en graisses saturées, comme, par exemple, lors de leur collaboration récente avec Pizza Hut pour promouvoir une pizza en croûte fourrée à trois fromages ou avec Wendy’s pour le Cheeseburger des Montagnes Sauvages au bacon.

Des espoirs quand même…

Les observateurs de la politique nutritionnelle américaine ont quelques espoirs que le projet de loi agricole 2007 à l’étude, qui implique une large gamme de programmes agricoles et agroalimentaires, sera plus favorable à la production et la promotion des fruits et légumes que par le passé. Dans le même temps, les calculs politiques qui, ces dernières années, ont favorisé la promotion de la viande et des produits laitiers aux dépens des recommandations nutritionnelles, n’ont pas fondamentalement changé. Il reste à voir si les politiques gouvernementales américaines peuvent soutenir les objectifs nutritionnels par la promotion des fruits et légumes à un degré tel qu’elle puisse entrer en compétition avec les autres programmes subventionnés par le budget de l’agriculture ou avec d’autres produits alimentaires dans le secteur publicitaire.

Parke Wilde
Directeur, Politiques Alimentaires et Nutrition Appliquée, Ecole de Nutrition et de Politique Nutritionnelle, Université de Tufts, Boston, USA
  1. Wilde P. Federal Communication about Obesity in the Dietary Guidelines and Checkoff Programs.
    Obesity. 2006;14: 967-973.
  2. U.S. Department of Health and Human Services and U.S. Department of Agriculture. Dietary
    Guidelines for Americans, 2005 (6th Edition). Washington, DC: U.S. Department of Health and Human Services and U.S. Department of Agriculture; 2005.
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