Impact de l’environnement sur la consommation de fruits & légumes

Les risques du végétarisme chez les adolescents

Perdre du poids est une préoccupation pour de nombreuses adolescentes. Le végétarisme peut être un bon moyen pour réduire la densité énergétique de son alimentation, contrôler son poids et – accessoirement sa santé. Si elle est associée à des avantages certains (moins d’obésité et de diabète, de cancers, de maladies cardiovasculaires, d’hypertension artérielle…), une alimentation végétarienne n’est pas sans risque. Elle peut entraîner, surtout en cas de végétalisme strict (suppression des protéines animales), de multiples carences (vitamine B12, calcium, vitamine D, protéines, zinc, acides gras oméga 3…). Elle pourrait également faire le lit de Troubles du Comportement Alimentaire (TCA), en particulier chez les adolescents.

Des motivations qui évoluent avec l’âge

Des études ont déjà montré que certains adolescents présentant des troubles alimentaires adoptent un régime végétarien, qui est socialement bien accepté, afin de diminuer leur poids. Les avantages et risques d’un tel régime sont, en réalité, une question d’âge. Pour un adolescent, le végétarisme est un moyen d’affirmer sa singularité, d’explorer de nouveaux modes de vie… A un âge où le corps se transforme ce peut être aussi une façon de contrôler son poids. Si, pour un adulte, les motivations végétariennes sont essentiellement liées à la santé, elles sont différentes chez les adolescents : le contrôle du poids arrive en tête (35%), devant le désir de respecter la vie animale (28%) et le dégoût de la viande (27%). Les études sur ce sujet ont également révélé que les adolescentes végétariennes étaient beaucoup plus préoccupées par les régimes et par leur poids que les non végétariennes… Les motivations évoluent donc avec l’âge, le facteur santé prenant le pas sur le poids, à mesure que l’on entre dans l’âge adulte.

Une étude récente, réalisée chez des adolescents et de jeunes adultes, s’est attachée à caractériser les populations de végétariens et d’anciens végétariens afin de préciser les bénéfices et risques d’une telle alimentation, notamment en termes de comportement alimentaires.

3 profils de contrôle du poids

L’étude a concerné 2516 participants répartis en 2 sous groupes :

adolescents (15 à 18 ans) et jeunes adultes (19 à 23 ans), issus de l’étude EAT II (portant sur les déterminants socio culturels, personnels et comportementaux de la consommation alimentaire et du statut pondéral chez des adolescents et étudiants de l’université du Minnesota).

Elle a distingué les “végétariens actifs” des “anciens végétariens”. Le poids et la taille rapportés ont servi à calculer l’Indice de Masse Corporelle (IMC) des participants. La consommation alimentaire a été évaluée à l’aide d’un questionnaire de consommation validé, auto administré (niveau d’apport calorique, consommation quotidienne de fruits et légumes (F&L), % de graisses totales et saturées). L’activité physique a été scorée à l’aide de questionnaires. On s’est enfin attaché à dépister la présence de troubles alimentaires à type de binge eating (épisodes de gavage avec perte de contrôle, sans vomissements).

Dans cette population, les sujets qui cherchaient à contrôler leur poids ont été classés en 3 catégories, selon les moyens utilisés :

  • les contrôleurs “sains” pratiquaient une activité physique, mangeaient plus de F&L tout en réduisant les aliments gras et sucrés.
  • les contrôleurs “modérés” (jeûnant, se restreignant, utilisant des substituts de repas ou des poudres protéinées, sautant des repas, fumant pour maigrir).
  • les contrôleurs “extrêmes” (prenant des médicaments amaigrissants, se faisant vomir, utilisant des laxatifs ou des diurétiques).

20% des végétariens le sont pour perdre du poids

Sur les 2516 participants, l’étude a dénombré 108 végétariens pratiquants (4,3%) et 268 ex végétariens (10,8%), les autres n’ayant jamais flirté avec de telles pratiques. 76,5 % des végétariens pratiquants étaient des femmes – faut-il s’en étonner ? Un grand nombre consommait des laitages (94,5%), des œufs (87,3%), un peu moins du poisson (46%) et encore moins de la volaille (25%). La grande majorité des végétariens l’était depuis plus de 5 ans… Motivations principales ? Une alimentation plus saine, ne pas vouloir tuer des animaux, un dégout de la viande, la sauvegarde de l’environnement. Le désir de perdre du poids était avancé par environ 20% des végétariens, devant l’influence familiale et les raisons religieuses. Si dans la tranche 15-18 ans aucune différence de poids n’a été notée, après 19 ans les végétariens avaient un IMC plus faible que les non végétariens (avec un niveau d’activité physique comparable dans tous les groupes).

4 à 5 fois plus de Binge Eating

Plus préoccupant : on retrouvait, parmi les végétariens et ex végétariens, 2 fois plus de sujets pratiquant des méthodes extrêmes de contrôle du poids que chez les non végétariens. On trouvait également 4 à 5 fois plus de sujets souffrant d’épisodes de Binge Eating chez les végétariens, surtout chez les 15-18 ans

Des liaisons potentiellement dangereuses en termes de comportement alimentaire

Que tirer comme enseignement d’une telle étude ? Quelque soit l’âge, on trouve environ 20% de Binge Eating avec perte de contrôle chez les végétariens pratiquants. Le végétarisme expose donc à un plus fort risque (4 fois plus) de TCA chez les adolescents et les jeunes adultes. La restriction calorique imposée par cette pratique est sans doute un des facteurs responsables, jointe à une préoccupation alimentaire excessive et à des pratiques extrêmes de contrôle du poids. Ces résultats confortent les données d’autres études (projet EAT-I) ayant montré que les adolescents végétariens étaient plus exposés que leurs pairs à la pratique de méthodes extrêmes de contrôle du poids et à des TCA. La pratique du végétarisme précède souvent la survenue des TCA, même si l’inverse est possible. Quoiqu’il en soit, il existe entre les deux situations des liaisons potentiellement dangereuses en termes de comportement alimentaire.

En définitive, si le végétarisme peut être un moyen d’accroître sa consommation de F&L et de réduire les risques de surpoids et d’obésité quand on est un adulte, cette pratique n’est pas sans risques chez des adolescents… Pour un clinicien averti, il parait donc important d’interroger ses jeunes patients sur leur expérience, actuelle ou passée, du végétarisme… Et si c’est le cas, de dépister la présence de TCA parfois masqués…

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE

D’après : Robinson-O’Brien R et al, JADA, April 2009, Vol 109, N° 4, 648-655.

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