Fruits et légumes et fonction cognitive

L’Obésité, une vision sociétale et scientifique

En constante et déroutante progression, l’obésité est une pathologie complexe, qui se situe à l’interface de la physiologie, du comportement humain et de l’environnement de notre société post industrielle…

Depuis plus de 50 000 ans, l’homme a développé une extraordinaire capacité à stocker son énergie sous forme de tissu adipeux grâce à ses fameux « gènes d’épargne » qui sont, à la base, un facteur clé de sa survie. Cependant, les 2 siècles d’industrialisation et leurs conséquences en termes de bouleversement d’alimentation et de style de vie, ont largement dépassé les capacités d’évolution du génome. Résultat : des milliards d’individus sont aujourd’hui obèses ou en surpoids.

Nos ancêtres en peau de bête, élégamment qualifiés de « chasseurs cueilleurs », consommaient plus de 800 variétés de végétaux comestibles. Un individu civilisé consomme aujourd’hui à peine 3 fruits et légumes (F&L) par jour ! Est-ce suffisant pour lui fournir les micronutriments protecteurs pour se maintenir en bonne santé ? Non. Et ce ne sont pas les seuls aliments industrialisés, raffinés, épurés, riches en sucres et en graisses qui pourront y contribuer. Dans le même temps, ces 30 dernières années ont favorisé l’émergence d’une autre épidémie : la sédentarité.

Les limites de l’IMC : l’obésité à poids normal !

Si l’IMC (qui n’est qu’un reflet statistique de la masse grasse) est actuellement utilisé pour évaluer la progression de l’obésité, sa validité est contestée, notamment dans les populations d’Asie du Sud Est, pour lesquelles il est nécessaire d’abaisser les valeurs seuils actuellement admises. En outre, l’IMC a ses limites : une forte masse musculaire peut être associée à un IMC excessif. A l’inverse, chez des individus sédentaires et peu musclés, un IMC normal peut être associé à un excès relatif de masse grasse (obésité sarcopénique ou obésité à poids normal)… Une vision de l’obésité centrée sur l’IMC est donc réductrice. Le risque : ne pointer que les obésités cliniquement évidentes, nécessitant des traitements pharmacologiques et chirurgicaux, en méconnaissant les autres, sur lesquelles les efforts de prévention ne sont pas assez développés. Une meilleure connaissance de la régulation du poids, du comportement alimentaire et le décryptage des rôles physiologiques de l’adipocyte, sont certainement utiles pour améliorer les efforts de prévention. Fait relativement nouveau, l’insulinorésistance, qui est associée à l’inflammation chronique de bas grade de l’obésité, peut être améliorée en augmentant simplement la consommation de F&L vecteurs de micronutriments anti inflammatoires.

L’adipocyte n’est pas un sac de gras !

La fine couche de cytoplasme qui entoure la grosse goutte lipidique de l’adipocyte est un tissu à la fois endocrine, inflammatoire et métabolique de nature extrêmement complexe.
Il contrôle le stockage et la libération des triglycérides, communique, via des adipokines, avec le système nerveux central et le tractus gastro intestinal et joue un rôle important dans la réponse inflammatoire. Les adipocytes qui s’accumulent en excès dans le tissu adipeux abdominal d’un obèse s’entourent d’un grand nombre de macrophages. La taille de ces adipocytes est corrélée avec le degré d’infiltration macrophagique. Au cours de l’obésité, l’inflammation systémique, résultant d’une sécrétion accrue de cytokines pro inflammatoires, contribue à favoriser les maladies cardiovasculaires, le diabète, les pathologies neurodégénératives et certains cancers. L’inflammation est également un élément clé du syndrome métabolique et s’associe à l’insulinorésistance et à la dysfonction endothéliale. Pour preuve, une perte de poids modérée, en réduisant la prolifération des adipocytes abdominaux, diminue l’inflammation chez les diabétiques de type 2.

Les polyphénols ? Encore eux !

A la lumière de ces notions, il est clair que les solutions à apporter pour tenter de juguler l’épidémie d’obésité, doivent intégrer à la fois des éléments de santé publique et médicaux.

Objectif princeps :

Réajuster les apports énergétiques et les dépenses de manière à réduire la prolifération de la graisse abdominale dont les effets délétères sont aujourd’hui identifiés.

Sur le plan alimentaire ?

Les données sont plus claires : équilibrer les apports caloriques en faveur des F&L, des céréales complètes et des noix qui contribuent à une meilleure proportion Omega 6 / Omega 3 et favorisent une réduction de l’insulino résistance associée à l’inflammation.

A titre d’illustration, des études de supplémentation en poudre de myrtille chez des souris soumises à un régime riche en graisse, aboutissent à une réduction de l’inflammation du tissu adipeux et de l’insulinorésistance. Ces données suggèrent que les polyphénols, présents non seulement dans les myrtilles mais aussi les F&L colorés, exercent un effet cytoprotecteur et anti inflammatoire qui constitue un bénéfice pour limiter les complications de l’obésité. Divers essais réalisés chez l’homme sont en faveur de cette hypothèse. Ainsi, dans l’étude DASH, les participants qui ont consommé une alimentation riche en F&L, laitages allégés et céréales complètes, durant 6 mois, ont vu réduire leurs risques associés au syndrome métabolique.

Une alimentation toujours plus riche en produits végétaux, l’intégration cohérente d’une activité physique plus importante et les divers supports sociaux nécessaires à modifier notre alimentation et notre mode de vie peuvent laisser espérer une meilleure maitrise de l’épidémie d’obésité et de ses conséquences sur la santé.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
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