Fruits et légumes et fonction cognitive

Quand les comportements de santé à la quarantaine prédisent les fonctions cognitives : Les Leçons de l’Étude WHITEHALL II

Association entre comportements de santé et déclin des fonctions cognitives

De plus en plus de preuves s’accumulent en faveur d’une association entre hygiène de vie et vieillissement cognitif. Il a été montré que le tabagisme, l’abstinence d’alcool, l’absence d’activité physique et de mauvaises habitudes alimentaires sont associés au déclin des fonctions cognitives et à la démence.

Bien que les études prospectives montrent que, pris isolément, ces comportements individuels s’associent à une modification des fonctions cognitives, l’effet de leur impact combiné n’a pas été étudié.

L’objectif de notre étude est d’évaluer l’association entre différents comportements liés à la santé, pris séparément ou ensemble, et le déclin de la fonction cognitive à l’âge adulte. Trois fois au cours d’une période de 17 ans, nous avons donc évalué les comportements liés à la santé pour déterminer si des comportements « malsains », isolés ou associés, s’associaient à un déclin des fonctions exécutives* et mémorielles et, le cas échéant, si ce risque était cumulatif au cours de la vie adulte.

4 facteurs majeurs

La population cible de l’étude Whitehall II était constituée d’employés de bureau Londoniens, âgés de 35 à 55 ans, travaillant pour 20 services gouvernementaux. Les comportements liés à la santé à l’âge adulte ont été évalués à trois périodes de la vie

  • Phase 1 (1985-88) âge moyen = 44 ans,
  • Phase 5 (1997-99), âge moyen = 56 ans,
  • Phase 7 (2002-04), âge moyen = 61 ans.
  • le tabagisme a été évalué durant ces trois phases par des questions portant sur la consommation actuelle ; un tabagisme actuel caractérisant un risque élevé.
  • La consommation d’alcool a été estimée par des questions sur le nombre de verres d’alcool (“mesures” d’alcool fort, “verres” de vin, et “pintes” de bière) pris au
    cours des 7 derniers jours, convertis en unités d’alcool (1 unité = 8 g d’éthanol). La consommation d’alcool a été répartie en :
  • pas d’alcool
  • 1-14 unités par semaine
  • ≥ 15 unités par semaine.

Comparé à une consommation d’alcool modérée (1-14 unités/semaine), l’abstinence était associée à un risque plus élevé de la fonction exécutive et de la mémoire. Comme aucune augmentation du risque n’a été observée chez les personnes consommant plus de 14 unité/semaine, l’ « abstinence d’alcool » a donc été définie comme la catégorie à risque. Il faut mentionner que dans cette cohorte, une forte consommation d’alcool était rare.

  • L’activité physique a été évaluée par des questions portant sur la fréquence et la durée de participation à des activités d’intensités différentes. Pour chaque intensité, l’activité était ensuite exprimée en heures par semaine

Dans chacune des 3 phases d’âge, un faible risque était associé à :

  • plus de 2,5 heures d’activité physique modérée par semaine
  • plus d’1 heure d’activité physique intense.

Les comportements alimentaires ont été évalués en mesurant la consommation de Fruits et Légumes (F&L) : La catégorie à faible risque correspondait aux personnes consommant des F&L plus de deux fois par jour.

Une diminution des fonctions exécutives et mémorielles

Nous avons ensuite additionné les comportements « malsains » (tabagisme, abstinence à l’alcool, faible activité physique, faible consommation de F&L) selon une échelle graduée de 0 à 4. Les fonctions exécutives (mesurées par les tests de raisonnement AH4-I et de fluence phonémique et sémantique), ainsi que les mesures de mémoire, évaluées lors de la fin de l’âge adulte (Phase 7) ont été retenues comme critères d’analyse.

Aux 3 points de mesure, durant les 17 années de suivi, chacun des comportements malsains était associé à une diminution des fonctions exécutives et mémorielles.

Les personnes combinant 3 à 4 comportements malsains avaient des risques plus élevés de dysfonctions exécutives comparées à celles n’en ayant aucun:

  • Phase 1 : OR =1,84; IdC à 95 % [1,27 – 2,65]
  • Phase 5 : OR=2.38; IdC 95% [1,76 – 3,22]
  • Phase 7 OR=2,76; IdC 95% [2,04 – 3,73])

Une association similaire a également été retrouvée pour la mémoire (Figure 1). Plus les participants signalaient de comportements malsains au cours des 3 phases, plus la probabilité était grande d’observer des déficits de la fonction cognitive.

Pour une meilleure évolution des fonctions cardiovasculaires et cognitives

Nos résultats montrent une association prospective, transversale et cumulative entre les comportements malsains (tabagisme, abstinence d’alcool, faible activité physique, consommation de F&L < 2 fois par jour) et les troubles de la fonction cognitive.
De plus, un grand nombre de ces comportements malsains sont associés à un risque plus élevé de troubles cognitifs, surtout au niveau des fonctions exécutives. Ce risque s’accumulerait au cours de l’âge adulte.
Nos résultats viennent étayer les études précédentes qui montrent un impact de l’association de comportements malsains sur le risque de mortalité 1-4, de maladie coronarienne 5 et d’accident vasculaire ischémique 6.
Les comportements liés à la santé peuvent être modifiés. Nos résultats suggèrent que promouvoir un mode de vie sain à tout âge est important pour une meilleure évolution des fonctions cardiovasculaires mais également des fonctions cognitives.

Séverine Sabia
INSERM, Hôpital Paul Brousse, Villejuif, Franc
  1. Knoops KT, et al. JAMA 2004; 292(12): 1433-9
  2. Khaw KT, et al. PLoS Med 2008; 5(1): e12
  3. Yates LB, et al. Arch Intern Med 2008; 168(3): 284-90
  4. van Dam RM, et al. BMJ 2008; 337: a1440
  5. Chiuve SE, et al. Circulation 2006; 114(2): 160-7 6. Kurth T, et al. Arch Intern Med 2006; 166(13): 1403-9
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