Nudges et comportements alimentaires

Marketing social et nudges : outils efficaces pour changer les comportements

Malgré les différentes campagnes d’information pour encourager la consommation de fruits et légumes, celle-ci ne progresse pas et les catégories modestes restent sous-consommatrices1. Ceci souligne l’importance de comprendre et de prendre en compte les interactions complexes qui impliquent les facteurs personnels mais également les déterminants environnementaux pour inciter la population à adopter un comportement et un mode de vie sains2. De nombreux pays adoptent des programmes basés sur des techniques du marketing social et du nudge. Ces programmes ont permis d’améliorer efficacement les comportements alimentaires3. Cet article met en lumière ces approches en évaluant leur efficacité.

Définitions : marketing social et nudges

La définition consensuelle du marketing social est la suivante : « le marketing social cherche à développer et à intégrer les concepts issus du marketing, en lien avec d’autres approches, pour influencer les comportements au bénéfice des individus et des communautés, pour accroître le bien social. La pratique du marketing social est guidée par des principes éthiques. Il cherche à intégrer la recherche, les meilleures pratiques, la théorie, la connaissance des insights du public visé et des partenaires, afin de mettre sur pied des programmes de changement social efficaces, équitables et durables, reposant sur l’analyse de la concurrence et la segmentation. »
Les nudges, souvent traduits par « coup de pouce », sont des techniques pour inciter les individus à prendre la meilleure décision pour eux, en s’appuyant sur les découvertes de l’économie comportementale et des neurosciences 4,5. Cette approche cherche à obtenir un changement immédiat des comportements par le biais d’une modification subtile de l’environnement à laquelle l’individu doit toujours avoir le choix de se soustraire.

Evaluation de l’efficacité des interventions

De nombreuses revues de la littérature ont montré l’efficacité du marketing social sur le changement de comportement en général, dont trois 6, 7, 8 ont confirmé leur potentielle efficacité concernant la promotion d’une alimentation saine. Les interventions analysées influencent fortement les connaissances en matière de nutrition ainsi que des variables psychologiques comme l’auto-efficacité et la perception des bénéfices d’une alimentation saine.
Concernant les dispositifs de nudges, leur action sur les comportements alimentaires s’avère assez souvent efficace à court terme. Selon certaines études systématiques, les dispositifs des nudges à l’école ont un impact sur l’attitude, mais pas sur l’augmentation de la consommation de fruits et légumes, et leur impact à long terme reste incertain 9, 10. Une récente méta-analyse a conclu que les interventions sont plus efficaces pour la réduction des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle que pour l’augmentation de ceux de bonne qualité nutritionnelle ou la réduction totale des calories. Elle a également conclu que les nudges orientés vers le changement de comportement en facilitant le choix et la consommation d’aliments sains et en augmentant leur disponibilité et la portion servie, sans passer par l’influence sur les connaissances ou les émotions, sont plus efficaces que ceux qui s’adressent à l’émotionnel en jouant sur les bénéfices hédoniques des aliments. Ces derniers sont, quant à eux, plus efficaces que les interventions purement informatives 11.

Complémentarité des deux approches

Les deux approches sont fondamentalement complémentaires car elles proposent une méthode comportementale globale pour apporter des solutions efficaces et pragmatiques aux grands défis auxquels nos sociétés doivent faire face. Il serait important de les inclure dans les interventions de santé publique en France, notamment pour changer les comportements alimentaires et de mode de vie responsables du surpoids et de l’obésité qui continuent de progresser malgré les multiples interventions d’information et d’éducation nutritionnelle. L’information et l’injonction ne suffisent pas à obtenir des changements de manière durable.

Patricia Gurviez
UMR SayFood, Inrae, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, FRANCE
Sandrine Raffin
Linkup Factory, FRANCE
D'après : P. Gurviez and S. Raffin, Le marketing social et les nudges, les outils efficaces du changement de comportement, Cahiers de nutrition et de diététique, https://doi.org/10.1016/j.cnd.2020.10.003

1. Santé publique France. Chapitre consommations alimentaires. In: Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN 2014-2016). Saint-Maurice: Volet Nutrition; 2017. p. 193.
2. Hair EC, et al. J Adolesc Health 2018;63(4):401—6.
3. Gurviez P. Apports du marketing social pour les campagnes de prévention nutritionnelle, in Inserm. Agir sur les comportements nutritionnels. Réglementation, marketing & influence de communications de santé. Montrouge: Coll. Expertise collective. EDP Sciences; 2017. p. 175—89.
4. Sustein C, Thaler R. Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision. Paris, France: Vuibert; 2008 [469 p].
5. Tversky A, Kahneman D. J Risk Uncertainty 1992;5(4):297—323.
6. Carins, et al. Publ Health Nutr 2014;17(7):1628—39.
7. Stead M, et al. Health Educ 2007;107(2):126—91.
8. Firestone R, et al. Health Policy Plan 2017;32(1):110—24.
9. Nørnberg TR, et al. Perspect Public Health 2016;136(3):132—42.
10. Lycett K, et al. Obes Med 2017;7:21—33.
11. Cadario R, Chandon P. Which healthy eating nudges work best? A meta-analysis of field experiments. Mark Sci 2019.

 

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