Consommation de fruits & légumes et voies respiratoires

Nourriture et responsabilité citoyenne

La manière de se nourrir est une des caractéristiques du fonctionnement des diverses sociétés. La gestion de l’alimentation est un enjeu considérable, tant pour la maîtrise des dépenses de santé que pour la protection de l’environnement, l’économie d’un pays et la vitalité du tissu rural. Le fonctionnement de la chaîne alimentaire devrait permettre l’accessibilité d’une bonne nourriture pour tous et le développement d’échanges équitables. Il est donc devenu normal de se poser la question de la responsabilité citoyenne dans la gestion de l’alimentation

Dérives alimentaires, santé et environnement

La modification de l’offre alimentaire a profondément changé la façon de manger et engendré diverses maladies “de civilisation“ : obésité, hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, pathologies dégénératives diverses, certains cancers. Ce constat ne signifie pas que la chaîne alimentaire actuelle n’ait pas contribué à résoudre de nombreux problèmes nutritionnels ! Il ne s’agit pas, non plus, de faire l’éloge d’une situation alimentaire ancienne, qui fut souvent imparfaite au plan des équilibres alimentaires ou de la diversité de l’offre. Non. Cependant, il aurait été sans doute possible de mieux adapter les modes de productions agricoles et de transformations alimentaires à la satisfaction des besoins nutritionnels de l’homme.

Le fait qu’une bonne alimentation puisse contribuer à réduire les dépenses de santé est déjà considérable. Par ailleurs, le développement d’une alimentation durable, prenant en compte un ensemble d’objectifs nutritionnels – mais aussi écologiques et socioéconomiques, constitue un enjeu essentiel pour toute société.

Paradoxalement, de nombreux consommateurs, conscients de la difficulté de bien se nourrir, adaptent leur comportement en fonction de quelques informations souvent trop réductrices et éloignées de la complexité d’une alimentation saine et naturelle. Bien qu’ils aient – théoriquement – un pouvoir considérable, les consommateurs sont fortement manipulés par le marketing alimentaire qui tente de les séduire avec toutes sortes d’arguments, allant de la santé jusqu’à l’éthique (avec le commerce dit “équitable”).

Bien se nourrir est (et devrait) rester un acte simple. Chacun devrait pouvoir facilement se prendre en charge pour assurer sa fonction de “manger pour bien vivre”. Finalement, la meilleure chance de parvenir à résoudre ces problèmes de comportement alimentaire, serait de faire évoluer la chaîne alimentaire pour qu’elle soit plus adaptée à nos besoins. Nous sommes donc placés devant un dilemme : être conscient que le consommateur est manipulé par un marketing alimentaire puissant, voire agressif, tout en gardant à l’esprit qu’il demeure responsable de lui-même, des autres et de la préservation de la nature par ses actes d’achat. Par exemple, il est maintenant établi que notre façon de manger est à l’origine de près d’un tiers des émissions de CO2, sans compter les autres pollutions ou les émissions d’autres gaz à effet de serre (méthane, protoxyde d’azote).

Comment lutter contre une alimentation à deux vitesses ?

Souligner l’importance d’aboutir à une meilleure alimentation dans les pays occidentaux pour favoriser le bien être des consommateurs et diminuer les dépenses de santé est judicieux. Cependant, il ne faut pas oublier qu’une partie de la population mondiale souffre de la faim, parfois même dans les pays riches. La terre pourrait pourtant nourrir tous ses habitants si on exploitait normalement son potentiel agricole, si le développement des élevages consommant une partie des céréales produites était maîtrisé et si, demain, on ne créait pas une concurrence déloyale entre la production d’agro-carburants et d’aliments.

En dehors des tensions, actuelles ou à venir, concernant les disponibilités alimentaires, il se développe déjà dans les pays riches une alimentation à deux vitesses : alors qu’elles fréquentent les mêmes supermarchés, les classes moyennes parviennent plus facilement à adopter des modes alimentaires plus sûrs que les populations défavorisées, dont le budget est insuffisant pour acheter, par exemple, des fruits, des légumes ou des viandes de qualité. Le niveau culturel joue aussi un rôle déterminant pour inciter les consommateurs à effectuer des choix alimentaires correspondant à une bonne diététique. S’il existe de nombreuses solutions pour bien s’alimenter avec un faible budget, cela nécessite de recourir aux denrées de base et de faire la cuisine… Or, les plus défavorisés des consommateurs n’ont souvent plus l’énergie ni le savoir faire nécessaires à leur autonomie alimentaire.

Responsabilité citoyenne et habitudes alimentaires

Il faut en être conscient : notre avenir alimentaire est entre nos mains. Notre citoyenneté doit s’exercer à travers nos choix et nos prises de position. Pour rendre le consommateur le moins passif possible, l’éducation nutritionnelle est indispensable, afin d’initier les jeunes mais aussi les adultes, en particulier les parents – aux bonnes pratiques alimentaires. Dans notre chaîne alimentaire aseptisée, il est quasi impossible de bien s’alimenter si on n’a pas des connaissances suffisantes sur la composition des aliments, la manière dont ils sont produits, nos besoins nutritionnels et les conséquences de nos choix pour la gestion de la santé et de l’environnement. L’éducation nutritionnelle ne doit pas être seulement théorique. Elle devrait être suffisamment concrète en termes de conseils pratiques diététiques et culinaires.

La manière la plus intelligente de se nourrir

Le changement ne sera possible que s’il est accompagné d’une modification des habitudes du consommateur. La manière de se nourrir revêt aujourd’hui une importance considérable, non seulement pour bien vivre et rester en santé, mais aussi pour la préservation de l’environnement. Dans les pays occidentaux, en multipliant les messages, les lobbies agroalimentaires ont éloigné les consommateurs de leurs habitudes culinaires traditionnelles et les ont rendus dépendant des productions industrielles.

En outre, il est rare que des populations aient un patrimoine culinaire exempt de toutes critiques. Aussi serait-il judicieux d’enrichir les savoir-faire culinaires les plus courants en s’inspirant des meilleures cuisines du monde, celles qui sont les plus simples à réaliser et les plus sûres pour parvenir à un bon équilibre diététique. Par exemple, des milliards d’hommes utilisent la complémentarité entre céréales et légumes secs pour disposer d’une nourriture peu onéreuse et équilibrée. Nous ne devons pas négliger ces pratiques fondamentales. De même, le but essentiel de l’acte culinaire est d’associer systématiquement les produits animaux aux produits végétaux, en particulier aux fruits et légumes. C’est en créant une nouvelle dynamique sur la manière la plus intelligente de se nourrir que l’on pourra s’orienter vers une alimentation durable. C’est une vraie responsabilité citoyenne.

Christian Rémésy
Directeur de recherche - INRA - FRANCE
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