« Les facteurs de risques comportementaux chez les adolescents »

Obésité : mythes, croyances et réalités … (PREMIÈRE PARTIE)

Quand le public, les média, les autorités gouvernementales et, même, les scientifiques véhiculent des croyances erronées sur l’obésité, cela peut conduire à des erreurs en termes de politique de santé, de prise en charge des patients et d’allocations des ressources.

Un remarquable article, rédigé par d’éminents spécialistes de la question – et non des moindres comme B. Rolls, A. Astrup, S. Heymsfield… – publié dans une prestigieuse revue médicale, établit la liste des mythes et des suppositions attachés au poids.

Les auteurs définissent les « mythes » comme des croyances tenues pour vraies alors qu’un nombre important de preuves les réfutent et les « suppositions » comme des croyances tenues pour vraies sans qu’il existe de preuves qui les confirment ou les infirment. A coté, existent les « faits » qui sont suffisamment étayés pour être considérés comme des vérités prouvées.

Pour les scientifiques, ce sont les études randomisées qui apportent les preuves les plus fortes pour établir des relations de causalité. De nombreuses études randomisées peuvent être réalisées dans le domaine de l’obésité. A l’inverse, les études d’observation s’intéressant aux causes, au traitement et à la prévention de l’obésité sont sujettes à de nombreux facteurs de confusion, à des difficultés de mesure et des faiblesses d’échantillons. C’est pourquoi, les associations retrouvées dans les études d’observation sont souvent prises en défaut par les études plus rigoureuses. Ainsi, dans cette revue de la littérature, seules les propositions confirmées par des études randomisées ont été considérées comme des vérités.

Autour de l’obésité, les auteurs ont dénombré sept mythes, largement répandus :

1. « Des petits changements persistants d’apport ou de dépense énergétique peuvent produire d’importants changements de poids à long terme »

Ce mythe repose sur la règle des 3500 Calories, vieille d’un demi-siècle, selon laquelle un déficit ou un excès cumulé de 3500 Calories équivaut à une variation de poids de 450 grammes (une livre). A l’origine, ces données sont issues d’expériences de courte durée, chez des hommes soumis à un régime très restrictif (moins de 800 Calories par jour) et ne peuvent pas être extrapolées à de longues périodes. Les études récentes ont montré l’importance de la variabilité individuelle dans les changements de composition corporelle liés à des variations énergétiques. En outre, d’après leurs analyses, les variations de poids obtenues sont bien inférieures à celles attendues avec la règle des 3500 Calories. Ainsi, une personne qui augmente sa dépense d’énergie quotidienne de 100 Calories, en marchant 1,6 km par jour sur une période de 5 ans, ne perd pas les 22,7 kg attendus mais seulement 4.5 kg, et encore, en supposant l’absence d’augmentation compensatrice de la prise calorique…

2. « Fixer des objectifs de poids réalistes est important sinon les patients se sentent frustrés et perdent moins de poids »

Même si cette hypothèse semble raisonnable, les données empiriques ne retrouvent aucune association négative entre des objectifs de poids ambitieux et la perte de poids obtenue. Plusieurs études ont même montré que des objectifs pondéraux ambitieux sont souvent associés à une perte de poids plus importante. D’autres études, visant à recadrer des objectifs irréalistes pour améliorer la perte pondérale, n’ont abouti qu’à des attentes plus réalistes, sans bénéfice sur la perte de poids.

3. « Une perte de poids rapide et importante est associée à un plus mauvais résultat à long terme qu’une perte lente et progressive »

Dans les protocoles de perte de poids, une perte de poids initiale plus forte et plus rapide a été associée à un poids plus bas à la fin du suivi à long terme. Une méta-analyse d’études randomisées contrôlées a comparé l’influence d’une perte de poids rapide et d’une perte plus lente sur le résultat à court (moins d’un an) et à long terme (plus d’un an). Si à un an, la perte de poids est plus importante après perte rapide, à long terme il n’y a aucune différence. Ainsi, recommander de perdre du poids plus lentement pourrait interférer avec les chances de succès finales.

4. « Evaluer le stade de changement et la capacité à adhérer à la diététique est important pour aider les patients qui recherchent à perdre du poids »

Le fait d’être prêt à un régime ne prédit ni l’importance de la perte de poids, ni l’adhésion au programme diététique. Cinq études ont évalué les stades de changement et n’ont trouvé aucune relation avec le maintien de la perte de poids.

5. « Les cours d’éducation physique dans leur format actuel jouent un rôle important pour la prévention ou la réduction de l’obésité infantile »

Il n’a jamais été établi que l’éducation physique, telle qu’elle est pratiquée actuellement, pouvait réduire ou prévenir l’obésité. Deux méta-analyses ont montré que même des programmes scolaires spécialisés de promotion de l’activité physique étaient inefficaces pour réduire l’IMC, l’incidence ou la prévalence de l’obésité chez les enfants. Il existe certainement un niveau d’activité physique capable de le faire, mais on ne sait pas s’il serait atteignable dans une école conventionnelle.

6. « L’allaitement joue un rôle protecteur contre l’obésité chez l’enfant »

Selon l’OMS, les études qui avaient conduit à cette hypothèse, il y a quelques années, étaient biaisées. Une étude randomisée, contrôlée, rassemblant plus de 13000 enfants, avec un suivi de plus de 6 ans, n’a apporté aucune preuve d’un effet protecteur de l’allaitement maternel sur l’obésité. S’il est sans effet sur l’obésité, l’allaitement procure d’autres bénéfices pour l’enfant et sa mère et doit être encouragé.

7. « Un rapport sexuel brûle 100 à 300 kcalories »

Encore un mythe ! Un homme de 70 kg dépenserait approximativement 3,5 Calories par minute au cours d’un rapport sexuel, ce qui équivaut à la dépense d’une marche à un pas modéré (4 km/h). La durée moyenne d’un rapport sexuel étant de 6 minutes (…), cela équivaut à une dépense énergétique de 21 Calories (soit 14 Calories de plus que le simple fait de regarder la TV). On est loin des 300 Calories annoncées !

PARTIE 2

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
K. Casazza et al, N Engl J Med 2013; 368 : 446-54 Myths, Presumptions, and Facts about Obesity
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