Politiques publiques : un levier pour promouvoir une alimentation saine

Profils nutritionnels : une approche holistique pour mieux orienter les politiques publiques

Une alimentation de mauvaise qualité nutritionnelle constitue un facteur de risque majeur pour les maladies chroniques. Afin de limiter leur progression, les politiques publiques mettent en œuvre des mesures – tel que l’emballage en face avant des aliments – visant à mieux informer les consommateurs. Basé sur des systèmes de profils nutritionnels, le recours à de tels outils comporte toutefois des limites et ne permettrait qu’une évaluation partielle de la qualité des aliments. Pour y pallier, une étude récente présente une nouvelle approche combinant le profilage nutritionnel et le degré de transformation des aliments. Ce nouveau modèle permettrait notamment de garantir aux consommateurs un étiquetage précis, synthétique, et innovant.

Afin d’améliorer la qualité des régimes alimentaires, les décideurs politiques ont de plus en plus recours aux systèmes de profils nutritionnels. Permettant d’évaluer le potentiel santé des aliments, ces outils ont notamment contribué à l’élaboration de politiques publiques tels que la restriction du marketing alimentaire, l’étiquetage en face avant des emballages, ainsi que la règlementation des allégations de santé (OMS, 2013 ; OMS, 2016 ; Fond mondial de recherche sur le cancer, 2017).

Des données récentes suggèrent néanmoins que les systèmes actuels – tels que le Nutri-Score et la classification NOVA – ne permettent d’évaluer que de façon binaire la qualité des aliments (Monteiro, 2009 ; Dickie, 2020 ; Romero Ferreiro, 2021). Dans une étude récente (Dickie, 2023), une équipe d’experts australiens a présenté une nouvelle approche plus globale, combinant profil nutritionnel et niveau de transformation des aliments.

Les systèmes de profils nutritionnels actuels ne fournissent qu’un aperçu partiel du potentiel santé des aliments

Il existe une grande diversité de systèmes de profilage, généralement classés en 3 grandes catégories (Dickie S, 2022) selon qu’ils sont basés sur :

  • les nutriments ;
  • les aliments ;
  • le régime alimentaire.

Ces méthodes utilisent différents algorithmes basés sur la teneur en nutriments et/ou les objectifs de transformation industrielle – ajout d’additif, degré de transformation – et ne fournissent ainsi qu’un aperçu partiel de la valeur santé des aliments. Par ailleurs, les systèmes existants interprètent de manière binaire et stricte la notion de « mauvais pour la santé » et procèdent rarement à une évaluation exhaustive des aliments, notamment en ce qui concerne le degré de transformation (Monteiro C, 2008).

Ainsi, les auteurs considèrent qu’il est nécessaire d’améliorer les modèles existants afin de fournir une meilleure information aux consommateurs. Cette étude suggère notamment qu’une approche holistique “descendante”, comprenant dans un premier temps l’évaluation du degré de transformation, puis la définition des seuils supérieurs de nutriments à risque, représente une piste intéressante d’amélioration.

Modèle australien : une approche combinant l’évaluation du degré de transformation et la composition nutritionnelle

Dans cette optique, les experts australiens ont proposé un nouveau système de classification basé sur le degré de transformation des aliments. Reposant sur une approche binaire simple, ce système se veut toutefois plus complexe que ses homologues qui ne tiennent pas compte des potentiels synergies et/ou antagonismes et se basent uniquement sur le degré de transformation.

Le modèle proposé combine une évaluation du degré de transformation – en accord avec le système de classification NOVA – et de la composition nutritionnelle. La pertinence de ce modèle a été évaluée par le biais d’un classement d’aliments et de boissons issues de l’offre alimentaire australienne. Les résultats ont ensuite été comparés aux résultats des outils existants, conformément à la méthode de validation scientifique dédiée (Cooper S, 2016 ; Mozaffarian D, 2021). À titre d’exemple, le modèle proposé a classé la majorité des produits alimentaires dans les catégories associées du système NOVA, avec une concordance d’environ 90 %. De même, une proportion importante d’aliments associés à des effets positifs sur la santé – fruits, légumes, œufs – ont été classés comme sains. A l’inverse, la majorité des produits associés à des effets négatifs ont été classés comme malsains.

Ces résultats sont conformes à la plupart des recommandations alimentaires nationales (Herforth A, 2019) et soulignent la nécessité d’adopter une approche plus globale des systèmes de profilage nutritionnel, tenant compte de toutes les dimensions de la nutrition : les nutriments et leurs seuils et les marqueurs d’ultra-transformation. La connaissance de tels marqueurs est nécessaire et doit être mise à jour pour garantir la stabilité du modèle, impliquant la transparence et un partenariat avec les industries alimentaires.

Un outil pertinent pour guider les politiques publiques

Conçu pour guider les politiques publiques, ce nouveau système tient également compte de certaines limites identifiées dans les méthodes existantes. Il s’agit notamment de la classification parfois ambiguë de certaines catégories d’aliments ainsi que l’évaluation biaisée de nutriments comme les matières grasses totales, qui pénalise par exemple les aliments complets.

Les résultats de ce travail démontrent qu’un tel modèle – bien que perfectible – peut s’avérer utile pour les consommateurs au travers d’un étiquetage en face avant simple à comprendre. En effet, en proposant comme première étape une évaluation du degré de transformation des aliments, ce système peut limiter la promotion d’aliments ultra- transformés et garantir qu’ils soient conformes à la règlementation.

Ainsi, le système proposé pourrait constituer une alternative pertinente pour déterminer le potentiel santé de différents aliments à des fins politiques.

Basé sur : Dickie S, & al. A novel food-processing-based nutrition classification scheme for guiding policy actions applied to the Australian Food Supply. Frontiers in Nutrition, 20 january 2023.

Méthodologie
Messages clés
  • Il est nécessaire de remodéliser les systèmes de profilage nutritionnel actuels pour qu’ils soient adaptés aux actions politiques et harmonisés au niveau international.
  • Un système de classification combinant une évaluation du degré de transformation et une classification des nutriments montre une concordance substantielle avec la classification NOVA et constitue ainsi une alternative pertinente aux modèles existants.
Références
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