Fruits & légumes : prévention des maladies neurodégénératives

Régime Méditerranéen et maladie d’Alzheimer

Des résultats épidémiologiques contradictoires

Si l’alimentation joue un rôle important dans la survenue et la prévention de la maladie d’Alzheimer (MA), les résultats des études épidémiologiques demeurent contradictoires[1]. Ainsi, il a été rapporté qu’une consommation importante de vitamines C et E, de flavonoïdes, d’acides gras insaturés, de poisson, de vitamine B12 et de folates, associée à une consommation modeste ou modérée d’alcool et réduite en lipides, est associée à un moindre risque de MA et de déclin des fonctions cognitives[1]. En revanche, d’autres études n’ont pas retrouvé d’association entre le risque de MA ou de déclin des fonctions cognitives et les antioxydants, tels que les vitamines C, E et caroténoïdes, les acides gras et les taux de vitamine B12[1].

Ne pas se focaliser sur des composants particuliers de l’alimentation

Ces divergences s’expliqueraient, en partie, par l’examen sélectif d’un composant alimentaire spécifique sans tenir compte du reste de l’alimentation. Une meilleure approche consiste à analyser les effets d’une alimentation globale, car on ne consomme pas des aliments ou des nutriments de manière isolée. Définir l’alimentation par ses différents composants permet d’appréhender son aspect multidimensionnel, et d’intégrer les effets complexes et subtils des interactions entre tous ses constituants. Ainsi, il a été montré qu’une forte consommation de poisson n’est bénéfique pour la tension artérielle, le cholestérol et la fluidité sanguine que si elle s’intègre à une alimentation contrôlée en lipides. Autre exemple : l’effet bénéfique de l’huile d’olive dans les salades passerait, entre autre, par une augmentation de la consommation totale de légumes.

L’analyse de modes alimentaires complexes a récemment soulevé un intérêt dans leurs relations avec plusieurs maladies non neurologiques, comme la cirrhose ou des cancers. Le régime Méditerranéen (MeDi) a été particulièrement étudié ces dernières années, suite à la convergence des données sur la réduction des risques de maladies cardiovasculaires, de divers cancers ou de la mortalité en général[2]. Cependant, en dépit de l’intérêt d’une approche alimentaire globale, les études de la littérature neurologique (spécialement celles sur la MA) se sont surtout focalisées sur des composants particuliers de l’alimentation…

Une réduction de 20 à 40% du risque de maladie d’Alzheimer

Le régime méditerranéen (qui l’ignore encore ?) est caractérisé par : une forte consommation de légumes, légumineuses, fruits, et céréales, d’acides gras insaturés (sous forme d’huile d’olive dans les vinaigrettes et pour la cuisson) associée à une faible consommation de graisses saturées ; une consommation modérée de poisson ; une consommation faible à modérée de produits laitiers (fromages ou yaourts); une faible consommation de viande et de volaille ; une consommation régulière et modérée d’alcool, surtout sous la forme de vin et en général aux repas. Il englobe ainsi la plupart des composants alimentaires potentiellement bénéfiques pour la MA et les performances cognitives.

Dans notre étude portant sur l’association entre régime méditerranéen et risque de MA, 2 258 sujets âgés, non déments, vivants dans une communauté de New York, ont été évalués tous les 1,5 ans[3].

262 sujets ont développé une MA durant les 4 années de suivi. Nous avons montré qu’une meilleure adhérence au régime méditerranéen est associée à un moindre risque de MA : chaque unité additionnelle du score MeDi diminue de 10% le risque de développer une MA. Par rapport aux sujets ayant le score MeDi le plus bas, les sujets dans le tiers moyen ont 20 % de moins de risque de développer une MA et ceux dans le tiers supérieur, un risque réduit de 40 %. L’ajustement aux facteurs confondants ne modifie pas ces résultats. L’analyse des composants alimentaires individuels montre que les 2 éléments majeurs de l’effet protecteur du régime méditerranéen seraient représentés par une consommation faible à modérée d’alcool et une forte consommation de légumes. Cependant, d’autres analyses suggèrent que le régime méditerranéen dans sa globalité serait plus efficace que la somme de ses composants individuels…

Des mécanismes encore à découvrir

Dans une autre étude, nous avons examiné les mécanismes biologiques qui sous tendent cet effet protecteur[4]. Vu les données concernant les maladies cardiovasculaires, nous avons testé l’hypothèse que la relation entre MeDi et MA pourrait s’exercer par des mécanismes cardiovasculaires (AVC, hypertension, taux de lipides…). Cependant, cette hypothèse n’a pas été pas vérifiée… D’autres mécanismes biologiques peuvent être impliqués. Ainsi, le régime méditerranéen réduit également le stress oxydatif et l’inflammation qui sont deux mécanismes potentiellement importants dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer

Nikolaos Scarmeas
Institut Taub pour la Recherche sur la Maladie d’Alzheimer et le Vieillissement du Cerveau, Centre Gertrude H. Sergievsky, Département de Neurologie, Université Columbia, New York, NY, USA & Département de Médecine Sociale, Psychiatrie et Neurologie, Université Nationale et Capodistrienne d’Athènes, GRECE
  1. Luchsinger, J.A. and R. Mayeux, Dietary factors and Alzheimer’s disease. Lancet Neurol, 2004. 3(10): p. 579-87.
  2. Trichopoulou, A., et al., Adherence to a Mediterranean diet and survival in a Greek population. N Engl J Med, 2003. 348(26): p. 2599-608.
  3. Scarmeas, N., et al., Mediterranean diet and risk for Alzheimer’s disease. Ann Neurol, 2006. 59(6): p. 912-921.
  4. Scarmeas, N., et al., Mediterranean diet, Alzheimer disease, and vascular mediation. Arch Neurol, 2006. 63(12): p. 1709-17.
Retour Voir l'article suivant