Syndrome de l’intestin irritable : l’alimentation, alliée ou ennemie ?

Syndrome de l’intestin irritable : l’alimentation levier essentiel du traitement

L’alimentation joue un rôle prépondérant dans la compréhension et le traitement du syndrome de l’intestin irritable. La littérature montre que les interventions nutritionnelles constituent des stratégies efficaces pour soulager les symptômes de nombreux patients. Afin d’accompagner les professionnels de santé sur ce volet, la dernière version des pratiques cliniques de l’Association américaine de gastro-entérologie fournit de nombreuses recommandations. Ce travail met notamment en avant le rôle clé de la prise en charge par un.e diététicien.e, l’importance de la consommation suffisante de fibres et la voie intéressante que constitue le régime pauvre en FODMPAPs chez de nombreux patients.

Plus de 80% des patients atteints du syndrome de l’intestin irritable associent leurs symptômes gastro-intestinaux à la consommation d’aliments (Bohn, 2013). Récemment, l’Association Américaine de Gastro-entérologie a proposé une mise à jour des pratiques cliniques pour la prise en charge du syndrome de l’intestin irritable. Principalement destinée aux gastro-entérologues, cette revue (Chen et al, 2022) souligne le rôle essentiel de l’alimentation dans le traitement de cette pathologie et fournit des conseils pour l’accompagnement des patients.

Les diététiciens agréés, maillons essentiels pour la prise en charge du syndrome de l’intestin irritable

Considérant que de nombreux patients rencontrent des difficultés liées à l’alimentation, les orienter vers un diététicien agréé est un premier pas important pour qu’ils puissent bénéficier de conseils et d’un accompagnement personnalisé, adaptés à leur pathologie et à leurs habitudes. Selon les recommandations de l’association Américaine de Gastro-entérologie, les conditions pour orienter un malade vers un ou une diététicienne sont que le patient :

  • Ait conscience des symptômes digestifs associés aux repas ;
  • Soit motivé et prêt à modifier son alimentation ;
  • Accepte d’échanger avec un diététicien ;
  • Ne souffre pas de troubles du comportement alimentaire.

D’autre part, ces recommandations soulignent que les régimes restrictifs ne sont pas recommandés pour les patients présentant un risque de malnutrition ou souffrant d’insécurité alimentaire (voir figure 1).

Enfin, l’association Américaine de Gastro-entérologie dresse les conditions d’une collaboration réussie entre médecin et diététicien. Lors de la prise de rendez-vous avec un diététicien, le praticien et le patient sont, ainsi, invités à fournir des informations médicales et socio-démographiques, comprenant notamment les résultats d’éventuels tests et opérations, les données biochimiques et anthropométriques. Avant la consultation, il est recommandé aux patients de tenir un journal alimentaire pendant au moins trois jours, ainsi qu’un tableau des symptômes associés. Enfin, ce travail souligne qu’une articulation fluide et permanente entre les différents professionnels de santé intervenant dans la prise en charge du patient est essentielle pour garantir l’harmonisation et l’optimisation du traitement du patient.

Figure 1 : Proposition de démarche auprès des patients atteints du syndrome de l’intestin irritable (d’après Chey, 2022 ; Dionne, 2018 ; Eswaran, 2016 ; Moayyedi, 2014 ; Paduano, 2019 ; Garcia-Martinez, 2018)

Un régime pauvre en FODMAPs permettrait de réduire significativement les symptômes associés au syndrome de l’intestin irritable

Au regard des données disponibles, les macronutriments susceptibles de déclencher les symptômes du syndrome de l’intestin irritable sont généralement des glucides et plus particulièrement, les FODMAPs, des glucides à chaîne courte peu digestibles et peu absorbé par l’intestin.

Un nombre croissant d’études suggèrent ainsi que les modifications du régime alimentaire, tel que le régime pauvre en FODMAPs, représentent un traitement primaire du syndrome de l’intestin irritable. Une méta-analyse incluant 7 essais contrôlés randomisés a notamment montré qu’un régime pauvre en FODMAPs permettait de réduire significativement les symptômes du syndrome de l’intestin irritable comparé à d’autres interventions nutritionnelles (Dionne, 2018). Une méta-analyse plus récente confirme ces résultats et l’efficacité de ce régime à court terme pour soulager les symptômes généraux, les douleurs abdominales ainsi que les ballonnements (Black, 2021). Il semble en effet que la restriction à court terme des FODMAPs ait peu d’impact sur l’apport en micronutriments et que la qualité globale de l’alimentation puisse même être améliorée si le patient est suivi par un diététicien (Eswaran, 2020 ; Staudacher, 2020). Toutefois, d’après le travail de l’association Américaine de Gastro-entérologie, certaines études présentent des limites liées à leur méthodologie, notamment l’absence de contrôle en double aveugle et la petite taille de l’échantillon.

De nombreux essais cliniques ont également montré qu’un régime pauvre en FODMAPs d’une durée de 4 à 6 semaines était suffisant pour déterminer si un patient atteint du syndrome de l’intestin y répondrait positivement (Dionne, 2018). Suivre ce régime sur une courte durée réduirait notamment le risque de complications liées à une restriction alimentaire excessive, susceptible d’induire des troubles du comportement alimentaires sur le long terme (McGowan, 2021). Comme décrit dans la figure 2, le régime pauvre en FODMAPs est divisé en 3 phases :

  1. Restriction alimentaire pendant 4 à 6 semaines ;
  2. Réintroduction des aliments FODMAPs ;
  3. Personnalisation du régime en fonction des résultats de la réintroduction.
Figure 2 : Démarche pour un régime pauvre en FODMAPs pour les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable (d’après Chey, 2021 et Chey, 2022)

Plus largement, des conseils plus généraux d’ordre hygiéno-diététique sont également bénéfiques pour certains patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable.

La consommation de fibres solubles recommandée pour le traitement et l’amélioration des symptômes du syndrome de l’intestin irritable

Les fibres alimentaires sont des glucides qui ne sont également pas absorbés ou digérés dans l’intestin grêle. On distingue les fibres solubles des fibres insolubles dont la consommation n’a pas les mêmes effets chez tous les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable.

Une revue systématique et une méta-analyse regroupant 15 essais contrôlés randomisés ont notamment montré que les fibres solubles étaient susceptibles d’impacter positivement les patients atteints du syndrome de I’intestin irritable. À l’inverse, les fibres insolubles risquent d’augmenter les ballonnements et les douleurs abdominales. Par conséquent, les lignes directrices 2021 de l’American College of Gastroenterology sur la prise en charge du syndrome de l’intestin irritable recommandent la consommation de fibres solubles pour le traitement et l’amélioration des symptômes globaux (Lacy, 2021).

En ce qui concerne le régime sans gluten, il n’y a, à ce jour, pas suffisamment de preuves de son efficacité vis-à-vis des symptômes du syndrome de l’intestin irritable.

Enfin, l’association américaine de gastro-entérologie souligne le besoin de travaux supplémentaires pour identifier et sélectionner les biomarqueurs capables de prédire la réponse aux interventions nutritionnelles, afin de proposer une « nutrition personnalisée ».

Basé sur : Chey WD, et al. AGA Clinical Practice Update on the Role of Diet in Irritable Bowel Syndrome: Expert Review. Gastroenterology. 2022 May;162(6):1737-1745.e5.

Méthodologie
Messages clés

L’ensemble des bonnes pratiques identifiées par le comité de mises à jour des pratiques cliniques de l’Association Américaine de Gastro-Entérologie sont :

  • 1. Orientation vers un diététicien.ne agréé.e
  • 2. Le dépistage systématique des troubles alimentaires au travers d’une enquête alimentaire minutieuse est essentiel car ces troubles sont fréquents et souvent négligés lors de problèmes gastro-intestinaux.
  • 3. Les interventions nutritionnelles spécifiques doivent être expérimentées pendant une durée prédéterminée. En l’absence de résultat clinique, l’intervention devrait être abandonnée au profit d’un autre traitement, par exemple un régime alimentaire différent, un médicament ou une autre forme de thérapie.
  • 4. En prévision d’une visite avec une diététicienne, les patients doivent fournir des informations relatives à leur régime alimentaire qui permettront d’élaborer un programme nutritionnel personnalisé.
  • 5. Les fibres solubles sont efficaces pour traiter les principaux symptômes du syndrome de l’intestin irritable.
  • 6. Le régime pauvre en FODMAPs est actuellement l’intervention nutritionnelle la plus documentée pour le syndrome de l’intestin irritable.
  • 7. Le régime pauvre en FODMAPs comprend 3 phases :
    1) restriction (d’une durée maximale de 4 à 6 semaines),
    2) réintroduction des aliments FODMAPs, et
    3) personnalisation en fonction des résultats de la réintroduction.
  • 8. Bien que des études d’observation aient montré que la plupart des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable voyaient leur état s’améliorer avec un régime sans gluten, les résultats d’essais contrôlés randomisés sont mitigés.
  • 9. Des données limitées montrent que certains biomarqueurs permettent d’anticiper la réponse aux interventions nutritionnelles chez les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable, mais les preuves sont insuffisantes pour justifier leur utilisation systématique dans la pratique clinique.
Références
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