En quoi la nouvelle réglementation sur les allégations de santé conduit elle à la promotion des fruits et légumes ?

Allégations de santé sur les fruits et légumes : positions française et européenne

L’adoption de la réglementation est encore très récente : pour le moment, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) et l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) n’ont pas encore pris de position officielle sur le sujet. Ainsi, ce bref article ne reflète que ma propre opinion concernant les activités de différents groupes au niveau national et européen et sur l’information mise à la disposition du public. Il existe deux questions qui sont liées : les allégations et les profils nutritionnels.

L’élaboration d’un guide de validation

Concernant les allégations, l’AESA a récemment communiqué sur les travaux en cours. Ils se concentrent sur l’élaboration d’un guide de validation des allégations dans le cadre de l’article 14 (allégations sur la réduction du risque de maladies et sur le développement et la croissance des enfants). Suite aux discussions approfondies à la Conférence de Bologne, organisée par l’AESA en novembre 2006, il ressort que les critères seront probablement identiques à ceux proposés par le projet européen Passclaim1. Depuis longtemps, les experts s’accordent sur les principes généraux pour prouver les allégations, même s’il persiste quelques différences mineures. Le recueil d’allégations génériques, généralement acceptées dans chaque état membre, a débuté. Les membres du comité européen d’expertise attendent toujours les résultats de ce recueil et, surtout, ceux des discussions européennes au niveau de la Commission sur les différentes façons de gérer plusieurs milliers d’allégations.
En outre, certaines questions doivent être éclaircies, surtout pour qualifier les allégations “limites” et définir ainsi les frontières entre les allégations nutritionnelles, fonctionnelles et préventives.

Dans certains pays, comme la France, les agences nationales ont déjà commencé à examiner les allégations provenant du secteur industriel. Dans quelques mois, l’AFSSA présentera sans doute ses conclusions concernant cette liste d’allégations. Cependant, l’évaluation scientifique des allégations n’est qu’un des multiples aspects de cette nouvelle réglementation. Sa mise en œuvre par toutes les parties prenantes, surtout les PME, sera un véritable défi, avec les difficultés supplémentaires liées à l’existence des périodes de transition.

Un autre sujet crucial est la communication et l’information auprès des consommateurs. Le Conseil National Français pour l’Alimentation, qui représente un forum permanent de discussion entre toutes les parties prenantes de la chaîne agroalimentaire, a lancé un groupe de travail qui examine toutes ces questions et formule des recommandations afin d’accompagner la mise en place de cette réglementation.

Les questions soulevées par les profils nutritionnels

Concernant les profils nutritionnels, la requête auprès de l’AESA par la Commission a été rendue publique. Ce document récapitule les cinq questions soulevées par cette réglementation (profils catégoriels ou transversaux, choix et équilibre des nutriments, références de base, calculs, faisabilité et tests) et propose quelques orientations discutées et approuvées par les Etats membres.

La suggestion principale était de préférer un système transversal avec des catégories spécifiques pouvant être exemptées de l’application d’un profil ou avoir des profils spécifiques. Pour le moment, aucune tendance n’indique le résultat final. Cependant, il est clair qu’au moins une partie des 20 schémas existants seront examinés et que certaines idées mises en application dans ces systèmes constitueront une base pour la proposition de l’AESA. Un groupe de travail de l’AFSSA examine également ce sujet. Son objectif n’est pas de proposer un système (c’est le rôle de l’AESA), mais d’examiner minutieusement les aspects scientifiques. Des travaux similaires sont en cours dans d’autres organisations et d’autres pays.

En tenant compte de tous ces travaux, on espère que la proposition de l’AESA sera fondée sur une base scientifique forte. Cependant, dans une certaine mesure, les contraintes de gestion (mise en œuvre dans l’industrie et les organismes de contrôle) devraient également équilibrer ou limiter les possibilités. En France, on considère que la mise en œuvre de profils nutritionnels ne résoudra pas tous les problèmes et qu’il reste de la place pour des travaux de recherche. L’Agence Nationale pour la Recherche a proposé les profils nutritionnels comme thème privilégié de ses programmes de recherche 2007 sur les Aliments et la Nutrition.

La plupart des fruits et légumes frais correspondent aux profils

Concernant les produits de base en général, et les fruits et légumes en particulier, la réglementation, en particulier pour les profils nutritionnels, soulève des interrogations pour ceux (comme la viande) qui ne peuvent pas adapter leur composition pour se conformer aux profils. Les fruits et légumes représentent une des exceptions possibles aux profils suggérés par la Commission. Cependant, cela ne devrait pas être nécessaire car, dans presque tous les systèmes publiés à ce jour, la plupart des fruits et légumes frais correspondent à ces profils. Les produits à base de fruits et légumes seraient plutôt concernés. Reste à déterminer, et à valider, ce qui pourrait être inclus dans une catégorie exemptée. Ainsi, introduire certaines catégories exceptionnelles lance le défi de définir clairement les catégories et les bases objectives d’inclusion d’une catégorie parmi les exceptions. Des règles claires doivent être établies, des décisions au cas par cas n’étant pas réalistes. Certains critères pourraient provenir de réglementations ou de pratiques existantes. En France, par exemple, les messages sanitaires inclus dans les messages publicitaires ne sont pas obligatoires pour certains produits frais, qui sont précisément définis comme des produits manipulés mécaniquement (découpés ou congelés…) ou conservés ou stockés en ajoutant uniquement de l’eau.
Dans leur majorité, les nutritionnistes ne souhaitent pas que les produits frais, traditionnellement sains, soient pénalisés par un quelconque système de profils.

Ambroise Martin
Ancien professeur de Nutrition, Faculté de Médecine, Université Claude bernard-Lyon I
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