En quoi la nouvelle réglementation sur les allégations de santé conduit elle à la promotion des fruits et légumes ?

Apprendre à bien manger : une affaire de famille

La famille représente la principale influence pour les habitudes alimentaires des enfants et les parents sont souvent la cible privilégiée des programmes d’éducation nutritionnelle destinés aux enfants. La plupart de ces programmes sont donc axés sur les seuls parents, sans impliquer les autres générations. D’où l’idée de développer des “programmes d’éducation intergénérationnels”, incluant également les grands parents et les enfants, afin d’améliorer l’impact des messages nutritionnels au sein de la famille. C’est ce qu’on cherché à faire des chercheurs et éducateurs de l’Université de Pennsylvanie, à travers une étude visant à mieux comprendre la communication familiale sur le thème de “l’alimentation saine”.

Cette étude avait 3 objectifs principaux :

  1. définir ce que les membres de la famille savent et mettent en pratique autour de “l’alimentation saine”
  2. savoir comment ils en discutent entre eux
  3. évaluer les attentes et les besoins pour améliorer la communication familialeLe programme d’éducation nutritionnelle de Pennsylvanie (PANEP) porte sur des populations défavorisées à partir desquelles ont été sélectionnés 3 groupes intergénérationnels, totalisant 44 individus, issus de 17 familles, pour participer à des entretiens oraux. 3 générations étaient représentées : enfants (21), parents (16) et grands parents (7). Chaque groupe, constitué de 4 à 8 familles, était animé par un modérateur qui conduisait les discussions à l’aide de questions ouvertes. Les entretiens duraient 2 heures et étaient enregistrés et transcrits. Les réponses ont été analysées et classées en fonction de leurs répétitions entre les 3 groupes.

CROYANCES ET PRATIQUES AUTOUR DU “MANGER SAIN”

Que veut dire “manger sainement” ?
Toutes les générations sont capables d’identifier les aliments recommandés à partir des recommandations américaines (fruits, légumes, laitages, céréales, aliments riches en protéines) et s’accordent à penser que l’alimentation exerce une double influence sur :
• la santé (diabète, maladies cardio vasculaires, cholestérol, problèmes de poids)
• la performance, à l’école, dans le sport et au travail

Les conséquences d’une mauvaise alimentation : 
Toutes les générations soulignent l’effet néfaste de la suralimentation, de la malnutrition, de la junk food et des “régimes permanents”. Cependant, en avoir conscience ne se traduit pas forcément par un comportement adapté. Par exemple : “Je sais que ce n’est pas bon de sauter le petit déjeuner mais je le fais quand même”.

Les choix alimentaires

Les 3 générations de participants classent les choix alimentaires en 3 catégories :
• les bons choix: aliments pauvres en graisses, comme la volaille ou les laitages allégés.
• les méthodes de préparation pauvres en graisses : cuisson à la vapeur, au grill, au four, huile en spray plutôt que le beurre.
• les mauvais choix : les aliments riches en sucres (sodas, biscuits, sucreries, céréales sucrées) ; une alimentation constituée d’une faible variété d’aliments ; les aliments riches en graisses (chips, frites, hot dogs, macaronis au fromage).

COMMENT PARLER DU “MANGER SAIN” ?

Quand on leur demande comment ils aident leur famille à manger sainement, les participants rapportent 3 techniques :
• gestion des entrées alimentaires à la maison, en achetant des aliments recommandés et en limitant ceux qui sont déconseillés.
• gestion des repas : servir un seul repas pour tout le monde, encourager (par l’exemple ou la parole) les enfants à bien manger, à savoir des légumes, éviter les viandes grasses, contrôler les quantités…
• implication des enfants dans les activités liées à la nourriture : les faire participer aux courses, à la cuisine, aux menus des repas…

Certaines pratiques de communication sont considérées comme « harmonieuses » :
• avoir des discussions fréquentes autour de l’alimentation saine
• établir des règles : par exemple, un seul snack supplémentaire par jour.
• adapter le style de communication aux enfants : en parlant de manière décontractée, calme, claire et facile à comprendre, avec humour…

LES CONFLITS ALIMENTAIRES

En revanche c’est parfois un combat ! Les conflits au sujet de l’alimentation se classent
en 4 catégories :
1. les choix alimentaires

Les difficultés sont au nombre de 4 :
• les enfants refusent souvent certains aliments, et les refus catégoriques (“je n’en veux pas et je ne le mangerai pas !”) sont vécus comme une frustration par les parents.
• les parents essaient de concilier les différentes préférences de la famille
• les enfants préfèrent les aliments les moins sains
• les enfants ont trop de choix alimentaires (“de mon temps on n’avait pas le choix : on, mangeait ce qu’on vous proposait”.

2. le temps des repas familiaux
C’est une évidence pour tout le monde. Ne pas avoir assez de temps pour préparer les repas nuit à leur qualité. Principaux responsables : les activités sportives, le travail, les emplois du temps scolaires…

3. la taille des portions
Seuls les parents le relèvent. C’est une source de tension entre les générations. Parents et enfant n’ont pas la même notion de ce que représente une portion.

4. l’impact des faibles ressources sur la qualité de l’alimentation.
C’est une évidence pour tous. Un budget limité retentit sur le choix des aliments et les pratiques culinaires.

QUAND LA COMMUNICATION EST DISHARMONIEUSE

Les difficultés de communication se rangent en 2 catégories

  • la communication conflictuelle : les parents expriment leur incapacité à influencer les habitudes alimentaires de leurs enfants.
  • le refus de communication est une attitude fréquente : l’enfant part dans sa chambre quand il ne veut pas manger quelque chose.

LE STYLE PARENTAL :

Globalement, les parents adoptent 4 types d’attitude avec leurs enfants :

  • Le style autoritaire pur et dur: Les choix se font sans impliquer les enfants et sans leur en parler. “Je prépare une chose et c’est comme ça”. “Mes parents m’appellent pour manger même si je leur dit que n’ai pas faim”.
  • Le style “parental autoritaire” utilise des questions, des négociations et des raisonnements pour tenter de façonner le comportement alimentaire d’un enfant.
  • les styles indulgent et négligent ne sont rapportés que par un seul groupe et quelques parents (c’est heureux !). Le parent indulgent donne de l’argent à ses enfants pour qu’ils achètent la nourriture qu’ils veulent. Le parent négligent n’est absolument pas concerné par la question “mange ce que tu veux, ça m’est égal”.

LES IMPLICATIONS ET PARTICIPATIONS DES ENFANTS AUX DÉCISIONS ALIMENTAIRES

Elles se répartissent en 6 catégories :

  • • Le contrôle par l’enfant : c’est lui qui décide sans tenir compte des souhaits des parents.
  • Le partenariat total : la voix de l’enfant a le même poids que celle des parents pour les choix alimentaires.
  • Le partenariat limité : les parents décident des grands choix mais l’enfant peut choisir entre différentes options.
  • La consultation : les parents ont les pleins pouvoirs de décision. L’enfant est consulté mais n’a aucune influence.
  • L’enfant informé : les parents l’informent mais il n’a rien à dire.
  • L’enfant non informé : “il mange ce que je prépare”.

DES ENFANTS “PARTENAIRES”

Au final, les auteurs de l’étude soulignent l’angoisse qu’éprouvent certains parents et grands parents devant leur incapacité à aider les enfants à manger sainement. Principales barrières: les désaccords au sein de la famille au sujet de la nourriture, les contraintes financières limitant les choix, les emplois du temps rendant difficiles les repas en commun, la grande disponibilité des aliments bon marchés, prêts à consommer et malsains. Point positif : les familles ayant des difficultés de communication autour de la nourriture attendent des éducateurs une aide pour améliorer leur communication intra – et inter – familiale. Le secret des familles avec une bonne communication ? Impliquer fortement leurs enfants dans les processus de choix et de décisions, évitant ainsi les conflits. C’est peut être là le point crucial : pour que les changements de comportement alimentaires soient effectifs, il faut considérer les enfants comme des “partenaires” et pas seulement comme des “cibles”.

Andrée Girault
Présidente d’honneur du Comité Nutrition Santé d’Aprifel
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