En quoi la nouvelle réglementation sur les allégations de santé conduit elle à la promotion des fruits et légumes ?

Le raz de marée des allégations santé

Année après année, les “aliments santé” envahissent toujours plus les linéaires de nos hypermarchés. Le segment est porteur : la santé fait vendre et a permis de stimuler un marché alimentaire devenu atone.

De nouvelles promesses de santé…

Ainsi, parmi les nouveaux produits lancés en France en 2006, 3 sur 4 vantaient leurs atouts en termes de santé et de bien-être, contre 1 sur 2 en 2000 et seulement 1 sur 3 en 1998. Aujourd’hui, toutes les familles de produits transformés mettent en avant leurs bienfaits pour la santé : les laits et produits laitiers, les produits céréaliers (biscottes, biscuits, céréales de petit déjeuner), les eaux minérales et les boissons aux fruits ou aromatisées, les plats cuisinés… mais aussi les corps gras et certains produits sucrés (dans leur version “light”). On notera aussi que la revendication d’effets positifs sur l’organisme n’est plus seulement le fait d’aliments enrichis en vitamines, minéraux ou fibres et de produits allégés en sucre, gras ou sel. Ces produits, toujours très présents dans nos magasins, avaient constitué la première vague des “aliments santé”. Mais depuis, des recherches et des innovations technologiques ont été réalisées, qui ont débouché sur le lancement de produits affichant de nouvelles promesses santé : “réduction significative du cholestérol” (grâce aux phytostérols), produits “participant au confort intestinal”, aidant à “réguler le transit” et contribuant à “renforcer les défenses naturelles de l’organisme” (probiotiques et prébiotiques), ou encore “participant au bon fonctionnement du système cardiovasculaire” (acides gras oméga 3).

Une profusion de dénominations

Cette multiplicité de produits s’accompagne d’une profusion de dénominations : aliments-santé, nutraceutiques (ou neutraceutiques), produits diététiques, aliments fonctionnels, nutraliments, cosméto-food, produits light, alicaments, compléments alimentaires, etc. Ces définitions souvent floues et différentes d’un pays à l’autre révèlent le caractère encore peu structuré sur le plan réglementaire d’un marché relativement récent.

Cette absence de cadre réglementaire précis et réellement contraignant autorisait toutes les dérives marketing et publicitaires. Au début de l’année 2007, l’Institut National de la Consommation (INC) notait ainsi que la ménagère française pouvait se procurer de l’huile de colza “source de bonne humeur” (l’effet magique des oméga 3), du lait enrichi au magnésium qui “aide à voir la vie du bon côté”, des lardons “protégeant le cœur” (toujours les oméga 3), des eaux aromatisées (et sucrées) qui “optimisent le capital santé des enfants” ou encore des pâtes “sources de calcium” (en revanche, les sucettes garantissant “0 % de matières grasses” avaient disparu).

Fruits et légumes : “transformé” n’est pas “frais”

La recommandation phare du PNNS – “Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour” – est aujourd’hui connue de tous. Cette popularité lui a valu d’être “récupérée” par certains industriels qui n’hésitent pas à affirmer l’équivalence de leurs produits avec une portion de fruits ou de légumes frais. Le numéro de mai 2007 du mensuel Que Choisir dénonçait de tels abus de langage. Ainsi, “manger une pomme ou [une compote de la marque X], c’est profiter des mêmes bienfaits” clame, visuel à l’appui, une publicité. Or la pomme, même épluchée et débarrassée de son trognon, pèse encore deux fois plus qu’une compote du commerce : la quantité de nutriments intéressants y est donc beaucoup plus élevée. De plus, les procédés industriels de fabrication de la compote (notamment la cuisson) peuvent altérer de nombreux micronutriments (vitamines, minéraux et antioxydants) présents dans le fruit frais d’origine et non restaurés après process.

Un détournement de la valeur santé

Autre exemple : tel jus d’orange affiche qu’un verre de 250 ml procure l’équivalent d’une des cinq portions de fruits et légumes journalières recommandées”… mais oublie de préciser qu’il est pratiquement dépourvu de fibres et qu’il contient, en revanche, 34 g de sucre (soit près de 6 morceaux par verre !). Ce détournement de la valeur santé des fruits et légumes frais (et l’emploi de slogans s’y rapportant) est pratiqué par de nombreux autres produits transformés : yaourts et desserts lactés aux fruits, plats cuisinés comme, par exemple, cette terrine contenant des “inclusions” de légumes, ou encore soupes industrielles en brique dont l’apport en fibres est insignifiant mais la teneur en sel élevée.

Les risques d’un marketing “santé” insuffisamment contrôlé

Deux risques principaux peuvent être soulignés : celui de la confusion croissante des consommateurs face aux nombreux messages nutritionnels auxquels ils sont quotidiennement exposés mais aussi celui de possibles dérives des consommations alimentaires. S’agissant de ce dernier type de risque, le développement des produits porteurs d’allégations santé pourrait entraîner, chez certains individus, la surconsommation des produits concernés sans que, pour autant, l’alimentation de ces personnes s’en trouve améliorée. A cet égard, les experts estiment qu’une allégation santé constitue un message parcellaire qui, lorsqu’il est émis, devrait être accompagné de messages plus globaux sur l’alimentation. Par ailleurs, ils s’accordent pour rappeler qu’une allégation santé n’est valable que dans des conditions précises de consommation (quantité, support, conditions, etc) qui ne sont pas toujours mentionnées dans la communication de l’industriel.

Un bon point pour l’Europe !

Pour terminer sur une note positive, on signalera une avancée récente : le vote, en mai 2006, par le Parlement européen, du projet de règlement concernant les allégations nutritionnelles et de santé (qui avait été adopté par la Commission… trois ans plus tôt !).
  • Les allégations de santé ne pourront plus être utilisées pour des produits présentant un “profil nutritionnel” déséquilibré, c’est-à-dire trop riches en sucre, en matière grasse ou en sel (comme, par exemple, les eaux aromatisées communiquant sur leur richesse en calcium ou les céréales de petit déjeuner vantant leur teneur en fer et omettant de signaler leur forte charge calorique…).
  • Par ailleurs, toute nouvelle allégation santé devra être approuvée par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) avant d’être apposée sur un packaging ou diffusée par voie publicitaire.
Eric Birlouez
Sociologue de l’agriculture et de l’alimentation, Paris, FRANCE
Retour Voir l'article suivant